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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Yriarte, Charles: Les restaurations de Saint-Marc de Venise, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0142

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L'ART.

portés d'Acre par Lorenzo Tiepolo, la charmante Madone du
xii° siècle devant laquelle la confrérie de San Fantino allumait
deux cierges noirs à chaque exécution capitale qui se faisait
entre les deux colonnes de la Piazzetta, image précieuse qui re-
cevait, avec un suprême Salve Regina, le dernier regard du
supplicié aux mains du bourreau. Jetez sur ces marbres, sur ces
arcs, sur ces mosaïques, l'incomparable coloration dont les siècles
les ont revêtus; vous aurez la façade sur la Piazzetta telle qu'elle
existait encore vers la moitié de ce siècle.

Comparons maintenant ce qui est à ce qui fut. S'il est vrai
que le caractère si particulier de l'architecture de Saint-Marc
résulte du bizarre accouplement des styles, d'une fantaisie sin-
gulière, d'un certain mépris des lois de la construction et des
règles architectoniques, et d'une extrême richesse de matériaux
fondus par l'action du temps dans une éclatante harmonie, il
va sans dire qu'en entreprenant de consolider une partie du

monument qui a cédé a l'action du temps, il faudra respecter la
forme d'abord, la couleur ensuite, et, s'il se peut, substituer aux
matériaux du revêtement, absolument hors d'usage, les mêmes
matériaux employés par les ancêtres, en laissant au temps le
soin de les amener au ton coloré de l'ensemble.

Or, dans la façade primitive, les deux arcs superposés des
deux travées dont elle se compose n'avaient, ni le même axe, ni
le même rayon. De sorte que l'ensemble architectural était
irrégulier, bizarre, inattendu, plein de porte-à-faux (comme
disent les architectes), et, s'il est incontestable que c'était une
disposition dangereuse au point de vue de la statique, il en
résultait pour l'œil un effet pittoresque certain. Les clochetons
eux-mêmes, ou pinacoli, qui séparent les deux grands arcs, au
lieu de porter sur des étages superposés tous dans le même axe,
selon la loi naturelle, par une audace extraordinaire ou une
rare incurie, venaient porter justement sur le point du grand

Façade de Saint-Maiic sur la Piazzetta avant la iiestauration. — Dessin de P. Avril.

arc supérieur le plus éprouvé déjà par la poussée et l'effort
naturels.

Le changement principal (au point de vue de la forme),
opéré lors de la reconstruction, consiste dans la rectification de
ces irrégularités, et, comme il y a une logique inévitable en
architecture, la modification du parti pris amenait mille modi-
fications de détails. Ceux qui ont examiné attentivement l'édi-
lice, ou qui possèdent des reproductions de cette façade avant
sa restauration, se rappelleront qu'au-dessous de la grande
verrière du premier arc éclairant la chapelle Zen, l'un des
Lombardi avait adossé un autel en marbre blanc, décoré d'une
croix en vert antique, qui découpait son fronton sur le vitrail.
Il avait voulu symboliser ainsi l'autel qui existait à l'intérieur
de la chapelle de l'autre côté du mur, et protéger, par un
rappel symbolique, cette place où le gondolier et le cicérone
viennent s'appuyer aux rayons du soleil. C'était poétique ; et,
l'idée n'existât-elle que dans notre esprit, — mais nous en
connaissons vingt exemples, dont plusieurs autres à Venise, —
il fallait respecter ce petit édicule. Or, on l'a supprimé complè-
tement, il est aujourd'hui au Seminario patriarcale près la
Sainte, et comme il en résultait une grande place vide, il a fallu

la remplir de grands panneaux de marbre vert de Susc, d'un
ton criard qui hurle dans l'ensemble.

Je passe rapidement sur les détails : l'addition de la partie
postérieure des griffons sous les colonnes, qu'il a fallu ramener à
un plan plus avancé, la suppression d'un large avant-corps entre
la porte du baptistère et le trésor, la baie carrée du même baptis-
tère ramenée à la forme gothique. Il resterait la question des
matériaux vulgaires substitués aux matériaux précieux, des pâtes
de verre de Murano mises à la place des pierres rares et des
cabochons des rosaces, de chaque côté de la porte du baptistère,
du Saint Christophe et du Saint Placide en mosaïque remplacés
sous les pinacoli par des figures d'un caractère douteux: de
l'aigle en mosaïque de la voûte du contrefort d'angle, entière-
ment refait à neuf; et enfin, abstraction faite des changements
de forme, de la destruction complète de l'harmonie au point de
vue du ton, harmonie qu'il est naturellement impossible de
conserver s'il s'agit de reconstruire et non plus simplement de
consolider.

Voilà pour la façade méridionale ; voyons un peu la façade
au nord sur San Basso (côté de l'horloge). Cette restauration
était opérée déjà en 1852; les hommes de ma génération ne
 
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