L' art: revue hebdomadaire illustrée (6.1880 (Teil 2))

TH. RIBOT

EXPOSITION GÉNÉRALE DE SES OEUVRES

LES GALERIES DE L'ART

ibot ne figurera pas au Salon de cette année. Les
admirateurs de M. Cabanel s'en consoleront facilement.
Les autres, ceux qui demandent surtout aux peintres
de savoir peindre, regretteront cette absence, quand ils
sauront que Ribot avait préparé pour l'Ex-
position de 1880 une Descente de Croix qui
promet un magnifique tableau.

Malheureusement un mal subit, étrange,
Fa interrompu dans son travail. Un refroidissement
local, un coup d'air sur le côté droit du cou, traité
à contre-sens par le peintre, a déterminé une série
effroyable d'accidents. Il a fallu couper, trancher,
brûler, creuser au fer rouge un trou à y mettre le
poing. Ribot a supporté ces tortures avec un courage
qui a émerveillé ses opérateurs, et il en est sorti
sain et sauf, au grand étonnement de ses amis,
qui pleuraient déjà sa mort. L'horrible
blessure est en bonne voie de guérison ;
Ribot s'est remis à peindre, mais discrè-
tement, sans pouvoir se livrer au travail avec la
continuité qu'exigerait son ardeur, qui, elle, ne s'est
jamais ralentie.

Lettre composée pour l'Art par F. Ehrmann, gravée par A, Lêveillé. La Descente de Croix, bien que déjà fort avancée,

n'ira donc pas aux Champs-Elysées, mais les amis
de Ribot ont eu la bonne idée de lui offrir une compensation en organisant dans les galeries
de Y Art une exposition générale et gratuite des principales œuvres du maître. Comme tous
les artistes qui ont conscience d'avoir accompli un travail sérieux, d'avoir fait œuvre durable,
Ribot désirait depuis longtemps trouver l'occasion de réunir et de faire voir au public toute
la suite de ses ouvrages les plus importants. La chose n'était pas sans difficulté ; car un grand
nombre de ces toiles ont des dimensions considérables, et il n'est pas commode de trouver
un local approprié. Aussi Ribot a-t-il accueilli avec joie la proposition qui lui a été faite. Cette
exposition s'ouvrira à peu près en même temps que paraîtra cet article. Nous avons cru, qu'au
moment où le public serait admis à voir et à étudier l'œuvre à peu près complet du maître, il
ne serait pas mauvais de rappeler les traits principaux de cette existence si longtemps et si
cruellement tourmentée. Il est toujours utile, pour juger un artiste, de connaître sa vie ; mais
cette connaissance est peut-être plus indispensable ici que partout ailleurs, car c'est seulement dans
la biographie de Ribot qu'on peut trouver l'explication de certains caractères essentiels de son
talent. Plus d'un salonnier se serait épargné bien des divagations et des appréciations fantaisistes,
s'il avait mieux connu l'artiste dont il parlait.