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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Centenaire de l'inauguration du Grand-Théatre à Bordeaux
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CENTENAIRE DE L'INAUGURATION DU GRAND-THEATRE

A BORDEAUX

Le 7 avril dernier, la ville de Bordeaux a célébré avec une
grande solennité le centenaire de l'inauguration de son Grand-
Théâtre, bâti par l'architecte Louis.

A l'occasion de ce centenaire, une représentation de gala à
laquelle assistaient le monde officiel et les personnalités les plus
marquantes de Bordeaux, dans les arts, la presse et le commerce,
a été donnée.

Au cours de cette représentation, a été découverte la statue
de Victor Louis, que la Société des architectes de Bordeaux a
offerte par souscription à la ville, et qui a été exécutée par
un artiste bordelais, M. Amédée Jouandot. MM. Lefuel et
Ch. Garnier, délégués de l'Institut, assistaient à cette cérémonie.

Voici à propos de Victor Louis, l'architecte du théâtre de
Bordeaux, que l'on a toujours considéré comme un chef-
d'œuvre de construction, quelques notes biographiques qu'il
n'est peut-être pas inutile de rappeler en ce moment.

Victor Louis est né à Paris, le 13 mai 1731.

Fils et petit-fils de maîtres maçons, Louis put dès le premier
âge satisfaire et développer son goût pour la construction et
l'architecture. En 1746, il était admis à l'Académie royale d'ar-
chitecture, où il fut élève d'un architecte de mérite, nommé
Loriot. Au concours de 1755, un dessin de Louis attira l'atten-
tion du jury ; ce dessin, le meilleur de tous, n'était pas conforme
à l'esquisse et ne pouvait donc remporter le prix ; mais le jury
décida d'accorder au jeune architecte une récompense extraor-
dinaire, une médaille d'or hors concours qui avait le caractère
d'un premier prix et qui lui donnait le droit d'aller à Rome, où
il se trouva en contact avec Fragonard, Greuze, Grétry. etc.,
qui y séjournaient à la même époque soit comme visiteurs,
soit comme pensionnaires de l'École.

De retour à Paris, en 1760, Louis s'entoura de protecteurs
influents : M. de Marigny, frère de Mmc de Pompadour, direc-
teur général des bâtiments du roi, lui fut d'une puissante utilité.
Dès ses débuts, le jeune architecte attira l'attention, et ses
œuvres furent vivement discutées par les connaisseurs. Louis
fréquentait beaucoup les salons et particulièrement celui de
Mmc Geoffrin; il acquit bientôt une grande notoriété. En 1765,
il alla en Pologne, à la cour du roi Stanislas-Auguste Ponia-
towski, et devint bientôt l'architecte du roi, une sorte d'inten-
dant des beaux-arts du royaume de Pologne, en résidence fixe
à Paris.

Vers 1770, il fut chargé de continuer les travaux de restau-
ration de la cathédrale de Chartres, et se rendit alors complice
de l'injustice des architectes de son époque, même les plus
illustres, qui méprisaient les œuvres admirables du moyen âge :
le jubé de la cathédrale de Chartres disparut dans cette restau-
ration. Hâtons-nous de dire que Louis n'eut pas du moins l'ini-
tiative de cet acte de vandalisme véritable.

En somme, on connaît peu de travaux de lui qui aient été
exécutés avant le Grand-Théâtre de Bordeaux, que l'on peut
considérer comme sa première œuvre.

Le 28 décembre 1755, un incendie détruisit la salle de
spectacle construite dans les dépendances du vieil Hôtel de Ville
dont il ne reste plus que le beffroi : La Grosse Cloche. A la
suite de cet incendie, dix-sept ans s'écoulèrent en soumissions
de projets, contre-projets, plans d'architectes et de spéculateurs.
Enfin, vers 1771, les entrepreneurs d'un établissement dit

Wauxhall, ayant vu interdire leur entreprise pour des motifs de
police, proposèrent de construire une salle de spectacle, de-
mandant le privilège de la comédie pendant trente ans, comme
dédommagement de l'affaire avortée du Wauxhall, et offrant de
céder, au bout de ce délai de trente années, la salle de spectacle
à la ville. De leur côté, les jurats s'étaient déjà occupés de
l'affaire et voulaient que la ville prît à son compte la cons-
truction du théâtre. L'architecte Lhôte, qui a donné son nom à
une rue de Bordeaux, avait proposé divers emplacements, et il
semblait conclure en faveur de l'emplacement actuel ; mais il
fallait obtenir du roi le terrain qui faisait partie des glacis du
Château-Trompette, et ce ne fut que le 19 mai 1772 que le roi
accorda définitivement le terrain demandé parle corps de ville,
à la condition d'y ériger un nouveau théâtre. Les actionnaires du
Wauxhall obtinrent le privilège exclusif des spectacles, tant dans
la salle provisoire que dans celle qu'on allait construire.

Les jurats eurent alors l'idée de s'adresser à Soufflot, qui
venait de construire le Grand-Théâtre de Lyon et qui com-
mençait les travaux de Sainte-Geneviève, à Paris, aujourd'hui
le Panthéon. L'architecte Lhôte avait pourtant déjà fait des
plans relatifs à cette construction; il soumit à Soufflot ses
projets; mais Soufflot, qui avait à reprocher aux jurats de Bor-
deaux de l'avoir appelé à un concours pour l'Hôtel de Ville,
concours dans lequel l'architecte de la ville, après s'être appro-
prié tous ses plans, lui avait été préféré, Soufflot ne répondit
pas aux lettres de Lhôte.

Ce fut donc entre les deux plans de Lhôte et de Louis que
le maréchal de Richelieu, alors gouverneur de la Guienne, eut à
se prononcer. Le maréchal connaissait Louis depuis plusieurs
années; Louis avait même travaillé pour lui, aussi ne doit-on
pas s'étonner si, lorsqu'on eut la pensée d'ériger un théâtre à
Bordeaux, le maréchal de Richelieu en causa avec son archi-
tecte et enfin imposa son choix à la Ville.

L'idée primitive de Louis était-elle, comme on l'a prétendu,
de tourner la façade du Grand-Théâtre vers la Garonne, en
laissant au devant une vaste esplanade? M. Charles Marionneau,
qui vient d'écrire à propos du Centenaire un livre remarquable
d'érudition sur l'architecte Louis et la construction du théâtre
de Bordeaux, ne le pense pas. Tous les plans de Louis montrent
le péristyle du Grand-Théâtre du côté des allées de Tourny, et
d'ailleurs le vaste espace qu'il eût fallu laisser libre eût enlevé la
précieuse ressource de la vente des terrains disponibles, vente
sur laquelle on comptait pour payer la construction de la salle.

Le 3 avril 1773, Louis arrivait à Bordeaux, et le 18 mai ses
premiers plans étaient approuvés par le maréchal et les mem-
bres de la jurade. On se mit à l'œuvre et le chantier fut ouvert
pour les études du nivellement le 13 novembre 1773.

Les travaux ne furent terminés qu'en 1779, après d'immenses
difficultés souvent causées par des embarras financiers, et l'inau-
guration eut lieu le 7 avril 1780. On joua Athalie et le Juge-
ment d'Apollon; 1,700 personnes y assistèrent et ce dut être,
avec les brillants costumes du temps, une fête des plus splendides.

L'architecte Louis revint à Paris quelque temps après, assez
peu satisfait des procédés qu'on avait eus à son égard, car il consta-
tait lui-même dans une lettre écrite à M. Dupré Saint-Maur, in-
tendant de la province, qu'il quittait Bordeaux sans avoir pu se
faire payer ses honoraires.
 
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