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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Yriarte, Charles: Les restaurations de Saint-Marc de Venise, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0169

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LES RESTAURATIONS DE SAINT-MARC DE VENISE1

ni

Nous allons entrer dans la basilique afin d'aborder cette
question de la restauration des mosaïques et du pavimento.

Entrons parla porte de l'Atrium, dans la belle chapelle du
cardinal Zen. Nous avons en face de nous le tombeau et l'autel
qui correspondent au premier arc de la façade récemment res-
taure'e au midi, à notre droite la façade interne du premier arc
de la façade ouest, et à notre gauche la porte qui conduit au
baptistère.

Vers 1501, le cardinal Zen e'tant mort en laissant à la Ré-
publique un legs considérable, un décret du Sénat avait voté
l'érection de son tombeau dans Saint-Marc et la consécration
d'une chapelle spéciale. Antonio Lombardo, de 1505 à 1515,
avait modifié l'aspect de la chapelle primitive du xn0 siècle,
plaçant au centre le tombeau du légataire et adossant à la face
méridionale le riche autel de bronze fondu par Zuane Dalle Cam-
pane ; il avait respecté l'ornementation des autres parois et des
voûtes où les mosaïstes du xu° siècle avaient représenté douze
épisodes de la vie de la Vierge.

Lorsqu'il s'est agi de restaurer la façade méridionale (pre-
mière opération que nous avons décrite), on a cru devoir
reprendre les fondations, les murs, les voûtes elles-mêmes et, par
conséquent, enlever cette riche décoration du temps, qu'on a
remplacée, une fois les travaux de maçonnerie exécutés, par de
nouvelles mosaïques faites sur les mômes cartons et reproduisant
les mosaïques primitives avec la fidélité la plus consciencieuse.
Pouvait-on conserver les mosaïques primitives en reconstruisant
la voûte? L'industrie moderne, qui a trouvé le moyen d'enlever
les fresques, pour les porter sur des toiles ou des panneaux, et
d'étendre cette ingénieuse opération jusqu'aux peintures à
fresque qui ornent les voûtes, pouvait-elle aussi conserver, en
les enlevant et les replaçant une fois l'opération de construction
achevée, les précieuses mosaïques de la chapelle Zen? C'est une
question à laquelle les hommes pratiques peuvent répondre.
Quoi qu'il en soit, les mosaïques anciennes, restaurées, ra-
menées à la forme horizontale, sont conservées dans la chambre
au-dessus de la chapelle, encadrées dans des règles de bois,
comme on a conservé d'ailleurs tous les marbres, chapiteaux,
frises, fragments de sculpture remplacés au cours des travaux
entrepris. Nous exprimons, en passant, le vœu qu'une salle
basse du Fondaco dei Turchi, restauré désormais et destiné au
musée Correr, recueille toutes ces précieuses épaves, parmi les-
quelles nous avons remarqué surtout deux morceaux de
sculpture du xme et du xiv° siècle, qui sont de premier ordre.

Nous avons un élément qui nous permet de constater la
fidélité et la conscience des mosaïstes modernes auxquels on a
confié la tâche. Si les voûtes tout entières ont été refaites, il
n'en est pas de même des archivoltes et des surfaces horizon-
tales; et, au-dessus de la porte de l'Atrium, le Christ entre les
quatre Prophètes nous montre des figures du xne siècle simple-
ment restaurées, car la mosaïque offrait encore une certaine
résistance; et nous devons dire qu'une fois la question de prin-
cipe acceptée, le nouveau travail est exact, fidèle et conscien-
cieux. Seulement il va sans dire que les ors sont trop brillants,
que les couleurs jettent un éclat trop vif, que cette belle harmonie
qui est l'œuvre du temps est depuis longtemps détruite ; mais là
du moins, que les siècles fassent leur œuvre, l'harmonie se
rétablira, la nature, en enveloppant toute chose, assouplira et
fondra tous ces tons divers sans que la forme ait été altérée.

1. Voir l'Art, 6e année, tome II, page 11;.

Si nous passons de la chapelle Zen dans le baptistère où
nous trouvons les plus anciennes mosaïques de la basilique —
elles datent du xic siècle — nous constatons encore que leur
restauration a été ce qu'elle devait être, c'est-à-dire qu'on s'est'
borné à remplacer les cubes vitrifiés qui manquaient dans telle
ou telle partie. L'étonnante composition, Saint Jean baptisant
le Seigneur dans le Jourdain, œuvre du plus haut intérêt
parce qu'elle nous montre les premiers mosaïstes d'Occident
composant encore leurs cartons d'après les traditions byzan-
tines, a conservé toute sa saveur étrange et son curieux carac-
tère.

Pour ce qui regarde l'ensemble de la superbe décoration de
mosaïques qui fait de la basilique à l'intérieur comme un vaste
et splendide reliquaire, il faut observer que le changement des
rttlli dont se composent les grandes verrières de la porte prin-
cipale et de la Crociera, en apportant une lumière assez vive
dans un temple autrefois plongé dans un demi-jour mystérieux,
a pu amener les visiteurs à penser que les restaurations ont été
plus nombreuses qu'elles ne le sont en effet. Là où tout était
autrefois noyé et perdu dans une demi-teinte harmonieuse, où
quelque rayon furtif venait faire éclater une touche d'or pur,
où quelque lampe fidèle qui brûle nuit et jour devant une image
consacrée allumait dans l'ombre un vif reflet, le jour entre
désormais en nappes larges et hardies, dissipant les ténèbres
et montrant en pleine lumière, dans leur franche réalité, les
compositions mosaïques du Titien, des Zuccati, des Tintoret,
des Vecchia, de l'Aliense, et les grandes figures hiératiques des
mosaïstes grecs. Qui peut dire, malgré toute la splendeur de la
réalité, ce que l'homme d'imagination perd à voir se dissiper
son rêve ! Cependant, puisque nous nous plaçons ici sur le
terrain pratique, nous devons dire que les rulli dont se compose
l'ensemble de la verrière, qui n'avaient pas été remplacés depuis
plusieurs siècles, étaient à moitié brisés et n'étaient plus main-
tenus par leurs mailles de plomb. Du moment où on leur
substituait des rulli neufs, il fallait refaire toute la verrière
sous peine d'avoir une marqueterie inégale comme celle d'un
échiquier.

D'une façon générale, après avoir examiné l'intérieur de
l'édifice tout entier, gravissant jusqu'aux voûtes des orgues et
jusqu'au cul-de-four du maître-autel, nous reconnaissons que
toute mosaïque refaite l'a été sur les cartons anciens conservés
à la Fabbricceria, et, qu'à part la substitution complète des
mosaïques modernes aux anciennes de la chapelle Zen, les répa-
rations urgentes ont seules été faites ; à part aussi la voûte en
berceau au-dessus de la grande tribune de la porte d'entrée,
après les Visions de l'Apocalypse du Zuccato, où on a opéré
d'après un carton moderne, et cela, m'a-t-on dit, parce que le
carton ancien n'existait plus.

Les belles compositions de Michel Gianbono (1490), la Vie
de la Vierge, qui ornent la chapelle dei Mascoli, dont les car-
tons sont si bien appropriés à la matière de la mosaïque, qu'ils
peuvent offrir un exemple à tous les artistes qui se vouent à
cette spécialité, sont refaites en entier ; mais comme elles le
sont depuis bien des années déjà et que les mosaïstes modernes
ont suivi religieusement les cartons de Gianbono, le temps, à
son tour, a fait son œuvre d'harmonie; l'effet est encore satis-
faisant, et malgré une restauration à fond, il n'y a rien de très
sérieusement compromis. Plût à Dieu qu'il en eût été de même
pour le vitrail médiocre qui éclaire cette partie si intéressante
de l'édifice et la déshonore.
 
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