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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Art dramatique: théatre-français, reprise de L'Aventurière
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0204

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ART DRAMATIQUE

THÉÂTRE-FRANÇAIS, REPRISE DE L'AVENTURIÈRE

On sait le conflit qu'a provoqué la reprise de la pièce d'Emile
Augier. Depuis trois semaines les journaux ne parlent que
de cet incident, émettent leur opinion, défendent ou blâment
l'intéressante transfuge qui s'est dérobée par la fuite aux suites
d'un insuccès que la souplesse de son talent pouvait trans-
former aux représentations suivantes en un triomphe éclatant.
Nous n'avons pas ici à juger un acte que la majeure partie du
public a sévèrement apprécié, et qui, pendant quelques jours,
a divisé la presse en deux camps, les Bernhardtdistes et les
Bartettistes. La réussite de M"° Bartet dans la reine de
Ruy Blas a prouvé suffisamment que personne n'est indispen-
sable dans une troupe aussi sérieuse que celle du Théâtre-Fran-
çais. Le succès de M"0 Croizette abordant après Mra0 Sarah Bern-
hardt le rôle de Clorinde a confirmé suffisamment cette vérité.

Si M"10 Sarah Bernhardt n'avait pas les caprices d'une jolie
femme, si, d'autre part, elle était mieux conseillée, nul doute
qu'au lendemain de sa fugue, faisant un retour sur elle-même,
elle fût venue prononcer son mea culpa. La Comédie l'eût
reçue à bras ouverts, tuant même le veau gras à son intention,
et le public l'eût acclamée comme devant. Malheureusement
l'artiste capricieuse et universelle est restée sourde à la voix de
la raison ; et le temps qui s'est écoulé depuis son équipée
a creusé un abîme profond entre elle et ses admirateurs de tous
les jours.

Dans ces conditions, la seconde représentation de la reprise
de l'Aventurière s'offrait à nous comme une solennité des plus
piquantes. On savait que prise de court, M'10 Croizette avait
résolument abordé les difficultés de sa tâche et qu'elle avait été
demander des leçons à Mm0 Arnould-Plessy, la Clorinde merveil-
leuse, sublime, inoubliable de l'œuvre d'Augier.

Ah ! qu'elle fut belle dans ce personnage, la Célimène
d'autrefois ! Quelle révélation éclatante d'un art exquis elle nous
fit voir ! Aucun de ceux qui l'applaudirent il y a déjà si long-
temps n'a oublié son entrée, au deuxième acte, dans le salon de
Montè-Prade. Elle s'y présentait flanquée de son coquin de frère,
en virago, le poing sur la hanche, la tète audacieuse, en héroïne
sûre de vaincre. Elle avait la beauté, l'astuce féline, la rouerie
insinuante et ce je ne sais quoi de capiteux qui grise les tètes les
plus fortement équilibrées. Elle était à la fois le vice et le charme ;
et sur ses lèvres voltigeait le mot de César : Veni, vidi, vici !

Après Mme Arnould-Plessy, il nous paraissait impossible de

trouver quelqu'un qui pût, sinon la faire oublier, du moins la
faire revivre dans l'Aventurière.. Aussi ne fûmes-nous pas étonné
de l'insuccès de Mme Sarah Bernhardt. Cette dernière qui a tant
de dons exquis, une voix sans rivale, des attitudes sculpturales,
un mélange indéfinissable de mélancolie et de tendresse, devait
échouer dans un rôle qui demande de l'originalité en dehors,
des finesses de tact et de diplomatie, et, à la péripétie suprême,
l'affaissement d'une âme enfin éclairée par le rayon de l'amour
pur. Elle eût vaincu dans le dénouement si l'indécision des pre-
miers actes ne l'avait paralysée. Au lieu de tenter de changer
son plan de bataille à la deuxième représentation, elle a préféré
se dérober par une ruse qui manque de stratégie. Paix à son
souvenir !

M"° Croizette, très émue au deuxième acte, probablement
parce que la salle tout entière venait de la saluer de ses applau-
dissements, s'est remise aux deux actes suivants, les plus impor-
tants, les plus mouvementés, et elle les a joués en comédienne
de race, s'efforçaiit toutefois de prouver que les leçons de son
illustre professeur lui avaient profité. Dans sa voix sagement
rythmée, dans des élans tantôt contenus et tantôt véhéments,
dans l'ensemble de son jeu enfin, nous retrouvions comme un
ressouvenir un peu pâli de l'autre Clorinde, — la grande.

MIIe Baretta a délicieusement animé la Célie du poète, et il
est difficile de dire mieux qu'elle ne l'a fait la scène si délicate
du troisième acte, entre elle et la courtisane. La Pudeur ne
saurait être personnifiée autrement.

Coquelin est un superbe Annibal. Tout son rôle est com-
posé de même qu'un tableau de maître, chaque nuance, chaque
valeur bien à sa place. Sa scène d'ivresse, au deuxième acte, est
une des belles trouvailles du théâtre moderne. Très bien aussi
M. Febvre, costumé comme un héros du Titien, et donnant à la
figure un peu composite de Fabrice tous les reliefs qu'elle doit
avoir.

11 y a là, en somme, une chose des plus intéressantes à voir,
un poème exquis à écouter. L'Aventurière, c'est l'œuvre de prin-
temps de ce maître, Augier ! Toutes ses illusions d'antan, il
les a coulées dans chaque vers, semées dans chaque page, fait
circuler dans ces actes charpentés naïvement, mais si chaude-
ment humains, et où son génie le fait être, tour à tour ou ensem-
ble, un poète et un musicien consommés.

Eugène M ontrosi e r.

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CLXXX

Italie monumentale. Collection des édifices les plus remar-
quables de Rome ancienne et de Milan : plans, élévations,
coupes et détails à grande échelle, relevés et dessinés avec le
plus grand soin par les meilleurs artistes ; accompagnés d'une
étude historique et raisonnée sur l'architecture italienne et
de notices explicatives par M. le marquis R. Pareto, membre
de l'Académie florentine des arts du dessin. Ouvrage qui a
obtenu la grande médaille de mérite à l'Exposition universelle
de Vienne et l'approbation des Académies royales de Naples,

de Milan, etc., dédié à S. M. Humbert Ier, roi d'Italie. Pre-
mière édition française. 2 vol. Milan, Pierre Moretti, éditeur-
propriétaire, 23, rue S. Pietro all'Orto ; Paris, Jules Baudry,
librairie polytechnique, 15, rue des Saints-Pères. 1879.

Ce livre est de ceux qui font honneur à une époque et à un
pays. On ne saurait trop louer l'éditeur, M. Moretti, d'avoir osé
l'entreprendre. Nous espérons fermement qu'il n'aura pas à se
repentir de cette hardiesse, et que le sentiment de patriotisme
qui l'a porté à prendre l'initiative d'une publication dont les
frais ont dû être énormes, se trouvera au même degré chez un
 
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