L' art: revue hebdomadaire illustrée (6.1880 (Teil 2))

LA SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT DES BEAUX-ARTS

DE SAINT-PÉTERSBOURG1

(fin)

II

MUSÉE ET BIBLIOTHÈQUE.

Le Musée sert à l'instruction esthétiqué des élèves de l'École,
des artistes et du public ; il a pour but d'agir sur le dévelop-
pement du goût en présentant aux yeux des collections systé-
matiques d'objets d'art.

Les élèves y trouvent des productions qui non seulement ont
une influence sur leur imagination et leur goût, mais qui leur
montrent encore à quelle importance artistique peut atteindre
l'industrie la plus modeste, et relèvent ainsi à leurs yeux leur
métier ainsi que le caractère de leur propre travail. Ils se
familiarisent en outre, à la vue de ces collections d'objets d'un
même genre, avec la technique et les procédés les plus parfaits
de chaque industrie.

Le Musée se compose des sections suivantes :

i° Histoire de tous les styles de sculpture et d'ornement;

2° Céramique;

3° Sculpture sur bois, ivoire, pierre, etc.

4° Tissus et broderies (principalement par rapport au dessin
et à l'agencement des teintes);

5° Mobilier (types principaux des productions anciennes et
modernes) ;

6° Verrerie (cristaux, mosaïque) ;

7° Email;

8° Orfèvrerie;

9° Fonderie, ciselure;

io° Bijouterie;

110 Reliure ;

12" Arts décoratifs.

Malgré les destinations varices du Musée et la diversité de
ses sections, la règle générale, lors de la formation des collec-
tions, est que celles-ci consistent principalement en exemplaires
indiquant le lien intime de l'art avec l'industrie, ainsi que les
avantages que cette dernière peut en retirer.

Les objets exposés sont réunis par groupes du même genre
de production (verrerie, meubles , etc.). Chaque groupe pré-
sente, par ordre chronologique, les principaux types d'une cer-
taine nationalité, et chaque subdivision est classée dans l'ordre
du développement progressif de l'industrie.

Les ressources du Musée consistent en 3,000 roubles de
subvention annuelle de la part du gouvernement, et en dona-
tions particulières montant en moyenne à 10.000 roubles par an.

Placé primitivement dans une des salles du palais de la
grande-duchesse Marie, qu'elle avait mise à sa disposition avec
sa bonne grâce habituelle, le Musée est réuni maintenant à
l'École dans un vaste local que l'État a cédé à la Société, dans
un des plus beaux quartiers de la ville, et qui a été approprié
avec un goût parfait aux besoins de ses différents services.

Le prix d'entrée est de 25 copeks (70 centimes environ)
par personne, excepté le dimanche, où l'entrée est libre.

Il se compose de 8,042 objets, dont le nombre s'accroît
chaque année, et qui consistent, tant en reproductions des pro-
duits les plus célèbres de l'industrie artistique ancienne et
moderne qu'en pièces originales, également de tous les pays et
de toutes les époques.

Parmi ces dernières, il en est un certain nombre de la plus
haute valeur et d'une rareté inestimable. Nous citerons entre
autres :

Dans la section de la céramique, à côté des oeuvres les plus
importantes des grands faïenciers français anciens et modernes
et des produits les plus remarquables de l'industrie anglaise,
allemande, chinoise, japonaise et persane, de magnifiques Ber-
nard Palissy (vente Rattier); une collection, unique au monde,
de plaques émaillées, provenant du revêtement des murs des
mosquées de Tachkendt et de Samarcande. Le travail de ces
plaques, où l'on retrouve, avec un admirable agencement de
couleurs, tous les procédés de l'art de l'émailleur, en creux, en
relief, en surface plane et en mosaïque, est du xn° et du xme siècle.
Un poêle russe, ouvrage du xvn0 siècle, tiré d'un monastère du
gouvernement de Vologda; deux cires, d'une grâce et d'une
légèreté idéales : les Gymnastes, de Clodion.

Dans les bois sculptés, un cadre de Brustolon, travail véni-
tien du xvn0 siècle, formé de petits génies entrelacés et tenant
les attributs de la science, du commerce et des arts. Par la
fougue de la composition unie à la morbidesse et à l'élégance
des formes et des détails, cette œuvre hors ligne peut être con-
sidérée comme un des plus beaux spécimens de la manière du
grand artiste, que Balzac appelait : le Michel-Ange des cadres;
le couronnement d'une crosse épiscopale, représentant les
différents épisodes de la vie de Jésus-Christ, admirable pièce
de maîtrise du xv° siècle, exécutée d'un seul morceau, et mar-
quée du monogramme M; un triptyque, signé Melchior
(xvie siècle), ayant pour sujet l'Adoration des Mages; un
manche de couteau, composé de figures allégoriques de.la guerre
et de tètes de lions, portant le même monogramme que le
cadre du musée Sauvageot.

Dans les ivoires : trois diptyques, travail français du
xivc et du xv° siècle, représentant la Vierge et l'Enfant Jésus,
dont deux proviennent de la collection Rattier, et un de la col-
lection Soltykow.

Dans la section de l'orfèvrerie étrangère : un ostensoir en
vermeil, travail français du xvi6 siècle (collection Laborie); un
reliquaire, tète de Vierge émaillée et garnie de cabochons,
travail allemand du xm° siècle ; un groupe en argent repoussé,
représentant sainte Anne enseignant à lire à la Vierge, travail
français du xvi° siècle, aux lis de France.

Dans la section de l'orfèvrerie russe : une coupe en argent
émaillé, avec cloisonnage au cordelet, ouvrage du xvu° siècle,
exécuté à Ousting, gouvernement de Vologda.

Parmi les tissus et broderies : une splendide collection
d'étoffes et de cuirs repoussés de Samarcande, de style semi-
arabe et semi-mongol, et dont les couleurs s'harmonisent avec
cet art exquis, qui est encore de nos jours le privilège des orne-
manistes orientaux.

Dans le mobilier : une crédence française., style du cardinal
d'Amboise ; un meuble gothique en marqueterie, travail alle-
mand du xvi° siècle ; une armoire, style Renaissance, meuble
d'origine bourguignonne.

Dans la verrerie : toute une collection de verres anciens
et de verres de Venise, d'Allemagne et de France.

Parmi les émaux : quatre reliquaires, de Limoges (xm° et

1. Voir l'Art, 6e année, tome II, page 286.