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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Énault, Louis: L' art algérien, [1]
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26o L'A

Une Tempête dans le port d'Alger, par Morel Fatio;

Le Maréchal de Mac-Mahon, par Betsellère.

Voilà le musée de peinture d'Alger. A vrai dire, ce n'est
qu'un germe, je dirais volontiers un embryon, et, à coup sûr, la
capitale de notre grande colonie africaine mérite davantage. Elle
aura davantage aussi : c'est le but que se propose la Société des
Beaux-Arts d'Alger, et qu'elle poursuivra, je le sais, avec une
infatigable ardeur. Mais cette Société généreuse, profondément
dévouée aux intérêts de I'Art, et qui s'est donné pour tâche et
pour mission d'en propager le goût et la connaissance dans la
population algérienne, ne peut cependant tout faire par elle-
même. Il faut que toutes les forces vives du pays, — forces gouver-
nementales et sociales — viennent libéralement à son aide. Il faut
qu'on lui donne un terrain suffisant, bien situé, au centre de la
vie européenne, dans le quartier élégant et riche, près des places
publiques et des grandes oasis, où afflue la population intelli-
gente, éprise d'un sincère amour de l'Art, et dont la présence
dans les galeries nouvelles sera le premier gage de leur succès et
de leur vogue.

Voulant faire aimer les arts et en faciliter l'étude, désirant
vivement susciter quelques vocations, tirer de la foule quelques
talents, et ouvrir à l'intelligence de tous des horizons plus larges,
la Société ne borne pas son action à l'enseignement du dessin,
de la peinture, de la sculpture, des lettres, des sciences et de
la musique — ce qui serait déjà une œuvre fort méritoire et
fort utile; —■ mais elle veut encore augmenter dans des propor-
tions considérables ses collections d'objets d'art et de modèles;
elle veut , par l'institution de concours de peinture et de
sculpture, et d'auditions musicales, faciliter à tout élève, et
môme à tout amateur suffisamment avancé, le moyen de se
produire et de se perfectionner. Disposée à favoriser toute ten-
tative artistique, même en dehors de son centre d'action parti-
culier, jalouse d'accueillir les visiteurs étrangers, de les aider
de ses conseils et de son expérience pour tout ce qui a trait aux
arts en Algérie, la Société s'est placée moralement sous le patro-
nage des gens de savoir et de goût, des amis et des protecteurs
des Lettres et des Arts — partout où ils se rencontrent — et
ce patronage sympathique ne lui a pas manqué. Tout ce qui a
une position, un nom, une fortune en Algérie a tenu à hon-
neur de faire partie de la Société, et beaucoup de nos compa-
triotes, répandus sur toute la surface de la France, mais ayant
visité notre belle colonie africaine, ou la connaissant assez pour
savoir à quel point elle est digne d'intérêt, et combien son
avenir se lie de plus en plus étroitement à celui de la mère
patrie. ont envoyé leur adhésion et leur offrande.

La Société des Beaux-Arts d'Alger a donc le droit d'être
fière de l'œuvre accomplie et des résultats obtenus. En dépit de
ses commencements modestes, elle est arrivée à un développe-
ment inattendu, et, ne disposant que de petites ressources, elle a
cependant accompli de grandes choses. L'exposition actuelle,
que nous avons voulu voir de nos yeux, pour en rendre compte
aux lecteurs de l'Art, est une affirmation éclatante de sa
vitalité. Après avoir traversé bien des crises, redoutables pour
toute entreprise qui n'aurait pas eu en elle un principe de
force et de durée, après avoir soutenu bien des luttes dont
elle est sortie à son honneur, après avoir eu à vaincre bien
des préventions injustes et déraisonnables, la Société entre
aujourd'hui dans sa douzième année, et l'on peut dire qu'elle
est maintenant certaine de son avenir et maîtresse de sa des-
tinée.

II

La ville d'Alger, ou, pour mieux dire, la colonie tout
entière a voulu donner à son Exposition le caractère d'une
véritable fête nationale. Le ministre de l'instruction publique et
des beaux-arts et le sous-secrétaire d'État, le gouverneur général
de l'Algérie, le consul général du département d'Alger, le préfet,

RT.

la municipalité, dix-huit communes du territoire, les trois
compagnies des messageries maritimes, qui font le service entre
la France et l'Algérie, la compagnie des chemins de fer de Paris
à Lyon et à la Méditerranée, M. Paul Lefort, inspecteur des
beaux-arts, généraux, magistrats, gens du monde, grands indus-
triels et petits commerçants, employés modestes, femmes et
jeunes filles, ont ressenti comme une émulation généreuse à qui
se ferait inscrire tout d'abord parmi les membres fondateurs des
Expositions artistiques d'Alger. Nos confrères africains, fort
habiles en matière de publicité, et qui savent comment on lance
une affaire, avaient depuis quelques jours annoncé l'ouverture
de la solennité, comme une nouvelle à sensation ; de grandes
affiches multicolores, placées aux bons endroits, arrêtaient le
passant dans toutes les rues, et l'invitaient à se rendre sur la
place du Gouvernement, où l'attendaient les merveilles promises.

La cérémonie a été annoncée pour dix heures : c'est diman-
che; les ateliers sont fermés; les tribunaux en vacance; les
grandes administrations donnent congé à leurs employés, les
boutiques chôment, faute d'acheteurs : comme en Angleterre on
s'est approvisionné la veille. On dirait que tout Alger est debout
et dehors. Rien de surprenant à' cela dans une ville qui raffole
de la vie au grand air.

Nous quittons de bonne heure le square de l'Oasis, où nous
avions trouvé un asile aimable, à l'ombre des dattiers et des
bambous géants, et nous roulons avec les flots vivants d'une
foule innombrable sous les arcades de la rue Bab-A^oun, la
plus fréquentée d'Alger. Nous débouchons après quelques
minutes sur la place du Gouvernement. Vaste et magnifique,
cette place serait admirée partout. Sur trois de ses côtés elle est
entourée de constructions monumentales; le quatrième, resté
libre, lui ouvre sur la mer aux flots bleus une perspective
immense. Une quadruple rangée de platanes la décore, comme
un péristyle de blanches colonnes, au-dessus desquelles le prin-
temps va mettre des chapiteaux de verdure. Partout s'élèvent
des mâts vénitiens, pavoisés des couleurs nationales, qui lui
donnent je ne sais quel aspect joyeux. Le soleil n'est pas encore
brûlant, mais il est déjà chaud, et il enveloppe et caresse tous
les objets de sa lumière blonde et dorée.

Sur cette place, où se sont déroulés jadis les drames burles-
ques ou sanglants de la vieille Régence barbaresque, toute la
population d'Alger s'est donné rendez-vous aujourd'hui, et la
population d'Alger, c'est tout un monde! C'est à croire que tous
les échantillons de la race humaine s'y rencontrent, s'y cou-
doient, et s'y mêlent sans se confondre. Nulle part peut-être vous
ne rencontrerez un caractère plus accusé de cosmopolitisme
universel. Tout le monde est venu, car le bruit de la grande
fête artistique a pénétré partout. On en a causé dans l'arrière-
boutique du juif, dans le bazar de l'Arabe, dans la blanche
maison du Maure, dans la case du nègre, et là-bas, à l'extrême
limite de nos possessions, vers l'est, vers l'ouest et vers le sud,
sous la tente fauve des grands chefs.

Le premier coup d'ceil jeté sur cette foule étrange et bigar-
rée vous cause une sensation voisine de Péblouissement. On
voudrait avoir, pour la saisir, l'appareil puissant et instan-
tané de quelque habile photographe. Des groupes de femmes
vous effleurent, enveloppées de leur haïck blanc, ingénieuse-
ment ramené sur leur visage, et ne laissant voir que deux yeux
brillant d'un l'eu sombre. Les hommes, avec leurs costumes
amples et majestueux, vous reportent à d'autres temps et à
d'autres mœurs, et vous vous demandez s'ils ne sont pas venus
ici uniquement pour rehausser par leur présence l'éclat de la
fête qui se prépare. Vous allez du robuste Kabyle, taillé en force,
épaules trapues, large front, visage carré et cheveux roux, à
l'Arabe svelte et mince, dont la barbe noire encadre l'ovale
allongé d'un masque aux lèvres fines, au nez busqué, et dont
une corde en poil de chameau retient le turban bariole. Les
moins indolents s'assoient sur les bancs rustiques, et reposent
leur embonpoint précoce. Ceux-là semblent fiers de leur cos-
 
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