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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Parrocel, Etienne Antoine: Pascal Coste, [1]: Doyen des architectes de France
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0060

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L'ART.

divers ministres il est inscrit comme employé du pacha ; mais,
détail curieux qu'on ne saurait passer sous silence, lors de sa
visite à Mehemet-Ali, M. P. Coste en entrant dans la salle
d'audience trouva le pacha accroupi à l'angle du divan; il pa-
raissait épeler des lettres auprès d'un cheick, et l'interprète,
questionné par notre curieux visiteur, lui répondit en sortant:
« Oui, Son Altesse apprend à lire, elle a reconnu la nécessité de
s'instruire »; cet homme qui avait révolutionné l'Orient avait
alors quarante-cinq ans.

A ce même moment le comte de Forbin, directeur des
musées de France, son cousin l'abbé de Forbin, plus tard évëquc
de Nancy, M. Prévost, auteur des panoramas, avec M. Linant
son dessinateur, officier de marine, venant de Constantinople et
de Jérusalem, et M. Huyot, architecte, arrivèrent au Caire, et
M. Coste fit partie de la plupart de leurs excursions.

En février iSiS, M. Coste avait gagné la confiance de
M. Boffi. Celui-ci lui soumit son programme; la fabrique devait
être établie entre les ruines de Memphis et le Nil. On se mit à
l'œuvre et toutes ces constructions étaient terminées en juin 1819;
mais en mars M. Coste fut atteint d'une ophthalmie très violente,
Il fallait son organisation de fer pour supporter cette atmosphère
malsaine, il l'affrontait avec une insouciance parfaite, car sous ce
ciel de braise et de feu dix-sept ophthalmies le visitèrent et il en
sortit victorieux.

Après chacun de ces assauts, à peine rétabli, on voit
M. Coste reprendre ses courses et ses travaux, il est indomp-
table ; il a mesuré toutes les pyramides, compté leurs assises,
décrit leur intérieur, dessiné les sphinx et les obélisques, copié
un à un leurs hiéroglyphes et les inscriptions rencontrées sur sa
route, et cela dans les intervalles de liberté que lui laisse la
construction de la fabrique qui entre en plein fonctionnement
en septembre 1819.

Puis M. Coste prend de nouveau les ordres du pacha pour
établir des poudrières, qu'il achève en 1821.

Mehemet-Ali avait conçu à la môme époque l'idée d'établir
un canal de navigation pour mettre en communication la basse
Egypte avec Alexandrie ; un ingénieur turc avait été chargé de
l'exécution, mais il ignorait les opérations de géodésie. Les
travaux commencés en 1818 avaient été abandonnés. Le pacha
appelle alors M. Coste et voilà notre architecte à l'œuvre. Les
fellahs des diverses provinces sont convoqués; M. Coste, toujours
à cheval, inspecte les travaux sur toute la ligne, en même temps
qu'il fait encaisser le canal dans le passage entre les deux lacs
Aboukir et Mariotis, sur une longueur de 2,500 mètres, et ce
canal, qui mesure 30 mètres de largeur sur une moyenne de
3 mètres 65 cent, de profondeur et un parcours de plus de
80,000 mètres, est terminé en décembre J820.

Pendant ces travaux, le quartier général de M. Coste était au
camp d'Ismaïl-pacha, près la colonne de Pompée.

La peste sévissait cruellement à Alexandrie, mais rien
n'arrêtait l'infatigable travailleur ; son camp entouré de cordes
de dattiers, maintenues par des jalons pour l'isoler, une tente
en dehors, pour recevoir les arrivants, furent les seules pré-
cautions que prit M. Coste pour affronter le fléau.

Sur ces entrefaites, les bains de mer furent ordonnés à
Mehemet-Ali. M. Coste lui construisit un pavillon h proximité
de son palais, sur les bords du vieux port à Alexandrie, en même
temps qu'il faisait édifier tout à côté le logement du ministre
des affaires étrangères.

De 1820 à 1822, M. Coste, toujours sur la brèche, fait cons-
truire dix-neuf tours télégraphiques, sur un parcours de
35 lieues, reliant Alexandrie à la citadelle du Caire. Elles avaient
de 9 mètres à 22 mètres de hauteur, avec tous leurs accessoires
télégraphiques, et donnaient les nouvelles en quinze minutes.

Il soumet dans la même période le projet d'une villa à
M. Brise, consul anglais, qui le lui a demandé, et ce projet est
mis à exécution.

Le pacha, de son côté, réclame encore plusieurs projets :

I 10 un palais réunissant son palais divan et deux ministères, celui
de l'intérieur et celui des finances; 2" un projet pour l'agran-
dissement du jardin de sa résidence de Choubrah. Le pacha
voulait se faire un petit Versailles, avec labyrinthe, bosquets,
hippodrome, grandes pièces d'eaux entourées de galeries, avec
quatre pavillons divans, en y adjoignant une chapelle mosquée.

Les plans de l'architecte marseillais plurent au vice-roi, et
furent approuvés, mais une partie dut être supprimée par suite
des intrigues des architectes turcs et arméniens jaloux du jeune
Français. Toutefois, M. Coste voyait grandir sa faveur; le pacha
fait venir des Syriens pour introduire la culture du mûrier en
Egypte, il met à leur disposition environ 6,;00 hectares de terre.
Ibrahim-Pacha, deuxième fils du vice-roi, entraîne avec lui
notre ingénieur architecte. Ce dernier reconnaît qu'on peut
amener dans cette plantation les eaux du Nil, par un canal
parcourant une longueur de 3 5 kilomètres. 1 Combien d'hommes
et de temps vous faut-il pour exécuter cela? lui demande le
prince. — Trente mille fellahs et soixante jours, lui réplique
l'architecte. — Eh bien, je vous en donne quatre-vingt mille »,
et le canal fut creusé à la largeur et à la profondeur indiquées,
en quinze jours, et cependant une nuée de sauterelles à obscurcir
le soleil avait failli dévorer M. Coste, lui faisant perdre vingt-
quatre heures.

De retour au Caire, Mehemet-Ali demanda de nouveau à
M. Coste le projet de deux mosquées, l'une pour Alexandrie,
l'autre pour le Caire. L'architecte fait observer qu'il n'est pas
initié aux mystères du culte ; il reçoit à l'instant un firman par
lequel les portes de toutes les mosquées lui sont ouvertes. Il
étudie les huit principales et les plus importantes par leur
caractère architectural du type arabe.

La mosquée El-Azhard, sorte d'université où se réunissaient
les étudiants du Coran, toujours prêts à s'insurger, lui est dési-
gnée comme dangereuse, avec avertissement de n'y point entrer.
L'architecte sans se déconcerter rend visite au directeur :« Je viens
au nom du pacha, dit-il, pour reconnaître le mauvais état du
dallage ». La pipe et le café lui sont offerts, il est reçu avec empres-
sement, les tapis et les nattes qui couvrent le sol sont enlevés,
et le voilà mesurant toutes les parties de l'édifice, prenant une
vue de l'ensemble de la cour intérieure et autres détails d'aspect,
sans être inquiété. Le directeur attend encore le redallage de
ses salles. Mehemet-Ali, instruit de ce fait par l'auteur rendant
compte de sa mission, ne put s'empêcher de rire aux éclats.

En août 1820, le pacha l'envoie de nouveau à 36 kilomètres
d'Alexandrie pour reconnaître la vallée d'Aboukir et juger s'il
est possible d'y établir un canal pour la fertiliser. On ne trouve
dans ces parages que de l'eau saumàtre ; deux chameaux sont
chargés de pastèques pour suppléer à cette eau malsaine ; les
tentes sont dressées, on se livre aux nivellements, mais pendant
la première nuit de campement, les serpents, si nombreux dans
cette contrée, perçent toutes les pastèques et en hument le jus.
Les hommes qui accompagnent M. Coste, mourant de soif, font
alors usage de cette eau saumàtre ; au retour deux d'entre eux
meurent en route. L'expédition a duré quinze jours, M. Coste
a résisté, il a eu le soin de mêler du café à cette eau saumàtre,
et en a paralysé les effets pernicieux.

En mai 1821 encore une nouvelle mission dans la haute
Egypte, pour régler les travaux du canal Sohajieh. Que de
monuments relevés sur cette route, que de rencontres intéres-
santes, de détails amusants ! tout cela est noté ou dessiné par
M. Coste, les ruines des temples d'Hermautis, de Louqsor, de
Karnak, d'Isis, de Memnonium avec son colosse renversé, de
Médinet-About, avec son palais et ses deux colosses encore
debout, qui datent de 1600 ans avant Jésus-Christ. En un mot,
il reproduit toutes ces importantes ruines de la Thèbes aux
cent portes, avec ses pylônes, ses colosses, ses obélisques,
ses avenues de plus de deux mille sphinx accroupis sur leur
socle, se faisant face et portant chacun la statue d'Amenoph
entre leurs pattes étendues, découpant leurs silhouettes dorées
 
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