Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

DOI Artikel:
Müntz, Eugène: Amateurs collectionneurs et archéologues florentins à l'époque de la première Renaissance, [2]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0100

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
78 L'ART.

et réduisait les autres à l'impuissance en les faisant frapper d'amendes énormes. C'est ainsi qu'il
se défit de Giannozzo Manetti. Condamné à payer à l'État une contribution de i i^ooo ducats d'or,
le malheureux, ruiné, fut forcé d'entrer au service de princes étrangers. Le vieux Pallas Strozzi
éprouva aussi toute l'inflexibilité du caractère de Cosme. Après trente années d'exil il ne put
même pas obtenir la faveur de mourir dans sa ville natale.

Mais d'autres, sans même sortir de Florence, ont eu des visées analogues à celles de
Cosme. Comme lui, ils ont cherché à assurer la suprématie de leur famille, sans racheter leur
ambition d'un côté par un talent supérieur, de l'autre par le culte des belles choses. Faisons donc
abstraction des faiblesses que Cosme et ses descendants ont partagées avec un grand nombre de
leurs contemporains, et ne nous attachons qu'aux services rendus par eux à la cause des sciences,
des lettres, des arts. Sous ce rapport, le cloute n'est point permis, il n'est point d'éloges qu'ils
ne méritent.

Le mouvement provoqué par l'étude de l'antiquité classique avait acquis une telle force qu'il
devint bien difficile à un grand seigneur, à un chef de gouvernement, de ne point s'y associer. On
sait quelle part brillante les papes, les rois de Naples ont prise au triomphe de la Renaissance.
Les souverains de Ferrare, de Mantoue, de Milan, comptent également parmi les plus ardents
promoteurs des idées nouvelles. Il n'est pas jusqu'au féroce, au brutal seigneur de Rimini,
Sigismond Malatesta, qui ne se soit conquis une place d'honneur dans les annales de l'humanisme.
Encourager les savants, les artistes, construire des palais, créer des bibliothèques, des musées,
c'était là une tâche qui, à ce moment, s'imposait en quelque sorte à tout potentat; nul devoir ne
paraissait alors plus doux à remplir.

Les Médicis, on le voit, comptaient bien des rivaux. En présence d'investigations plus
approfondies il est même possible qu'ils soient contraints de renoncer à l'honneur d'avoir devancé
dans cette voie les souverains des autres parties de l'Italie, ou de les avoir surpassés par l'étendue
de leurs sacrifices. Mais il y a clans leurs efforts une particularité qui séduira toujours l'historien
des arts : je veux parler de cette familiarité qui s'était établie entre eux et les artistes ou les
savants. Ailleurs un abime sépare le grand seigneur de ses protégés. Dans le palais des Médicis,
au contraire, humanistes, peintres, sculpteurs, architectes, sont traités en amis, presque en camarades.
Lorsque Cosme se rend à Rome, il emmène avec lui Niccolô Niccoli. Lorsqu'il est exilé à Venise,
Michelozzo le suit dans son exil'. C'est lui encore, le patricien tout-puissant, qui s'occupe de la
garde-robe de Donatello et commande les habits dont le sculpteur a besoin. Autre exemple de
cette familiarité : en 14J1 un peintre de Camerino, Giovanni Angelo d'Antonio, écrit à Jean, le
fils de Cosme, pour lui proposer un riche parti, sans que l'on trouve déplacée la liberté grande
prise par ce donneur d'avis. Dans ses lettres à l'autre fils de Cosme, Pierre, Benozzo Gozzoli
l'appelle « amicho singularissimo ». Antoine de San Gallo le vieux est le confident de Julien de
Médicis. C'est lui qui, après la mort tragique de Julien, amène à Laurent le fils naturel que
laissait celui-ci, le futur pape Clément VU'3. Quand Pierre de Médicis le jeune prend la fuite
pour échapper à la fureur de ses concitoyens, c'est à un orfèvre de ses amis, le père de Baccio
Bandinelli, qu'il confie une partie de ses trésors. 11 serait facile de multiplier les exemples de cette
« domesticanza », pour nous servir de l'expression pittoresque et intraduisible de Vasari. C'était
un spectacle rare et attachant, bien propre à tirer les artistes de l'état d'infériorité dans lequel
on les tenait à la cour des princes contemporains.

Aussi bien, chez Cosme, la création de monuments nouveaux semblait-elle être devenue un
véritable besoin. On aurait pu croire qu'il voulait faire de l'architecture un moyen de propagande,
de domination, tant était grande l'ardeur avec laquelle il élevait palais sur palais, église sur
église. Florence ne profita pas seule de sa munificence ; d'autres cités italiennes, des contrées
lointaines même s'enrichirent, grâce à lui, de somptueux édifices. Les constructions entreprises

r. « Cosimo, il quale aveva amato Michelozzo quanto si puo uncaro amico amare. » (Vasari, Vie de Michelozzo.)

2. Les humanistes attachés aux Médicis se chargeaient même parfois de négociations assez scabreuses, que l'on désignerait aujourd'hui
sous un fort vilain nom. Voir dans Roscoe, Vie de Laurent de Médicis, Paris, an VII, t. I, p. 405, la poésie adressée « ad Lucretiam Donatam,
ut amet Laurentium Medicem ».
 
Annotationen