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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Soldi, Émile: L' art persan, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0113

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L'ART PERSAN.

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centrale, mais aussi les tribus de l'Arabie encore nomades. Tour
à tour chacun des peuples vainqueurs, Babyloniens, Ninivites,
Mèdes, Perses, Macédoniens, Parthes ou Arabes, y venait cons-
truire la capitale nouvelle, en ruinant, en pillant l'ancienne, en
se servant des mômes matériaux et des mêmes ouvriers. C'est
ainsi qu'apparaissent, et, comme l'a dit Heeren, « semblent
renaître de leurs cendres comme le phénix », Babylone, Ninive,
Séleucie, Ctésiphon, Bagdad, pour ne nommer que les villes
capitales. Le sceptre de la Chaldée, sa fortune et ses arts passent
ainsi des Chaldéensaux Ninivites, des Macédoniens aux Parthes,
des Perses aux Arabes ; et sur les rives traditionnelles d'où tous
les peuples étaient partis, les races les plus différentes, subju-
guées par la richesse et la puissance de la contrée la plus célèbre
de l'antiquité, sont toutes venues se former au berceau de
l'homme, à la plus ancienne école de la civilisation.

La Perse est le pays qui a le mieux montré cette persis-
tance proverbiale des Orientaux à conserver les plus anciennes
traditions. On aurait tort de penser que les invasions victo-
rieuses et effroyables qui se sont disputé son sol pendant cinq
mille ans ont pu lui faire oublier et anéantir son art et son
industrie.

Loin de là, le style de Persépolis rappelle celui de Ninive
ainsi que les sculptures des rochers, les bas-reliefs de Schapour,
(238 ans après J.-G.), et les rares spécimens de l'art persan,
immédiatement après la conquête des Arabes, exécutés dans
des matières moins dures que le roc ou le marbre.

Alais l'art de la Perse ne devait pas seulement se développer
dans les contrées de l'Asie, il devait étendre son influence sur
les principales transformations de l'art en Europe

La réputation de ses productions fut toujours très grande,
les présents d'Haroun-al-Raschild à Charlemagne sont restés
célèbres, et l'Occident a toujours recherché ses vases, ses étoffes,
ses armes qu'il n'a jamais su égaler. Les artistes finirent par
suivre les objets.

On sait que les premières églises chrétiennes furent élevées
à l'imitation des synagogues et des temples païens de l'Orient.
Les premiers monuments dits de l'art byzantin ont été élevés en
Asie Mineure, construits d'après les principes des temples de
Salonique, de Bethléem, du mont Sinaï ; l'église que fit élever
la mère de Constantin sur le mont des Oliviers, l'église de la
Vierge à Josaphat, le temple d'Or à Antioche, celui des Saints-
Apôtres à Athènes, portèrent les premiers un dôme couvert de
mosaïques et fournirent les principaux éléments de ce style qui
a élevé Sainte-Sophie2. «Les Grecs, dit Batissier, avaient une
architecture dont il reste à peine quelques débris; mais elle
offre dans son ornementation ce système de faces et d'angles
imitant des cristallisations, système qui a été importé dans
l'empire d'Orient. Nous savons en effet que Justinien employa
un architecte persan pour décorer plusieurs édifices de Cons-
tantinople. Le goût persan a donc pu exercer une influence

sur l'art byzantin, mais il est difficile, dans l'état actuel de nos
connaissances, de dire nettement en quoi consiste cette
influence3. »

Nous avouons ne pas saisir la dernière réticence de
Batissier. Est-ce que la décoration des édifices de Byzance
n'eut pas comme principe général l'emploi de la mosaïque,
cette peinture éternelle, couvrant toutes les murailles de pièces
émaillées, formant des figures et des ornements, tels que nous
l'avons vu appliquer en Babylonie et comme en Perse et dans
toute l'Asie, ne variant que dans les expressions symboliques
des différentes religions*? Les différences techniques pro-
viennent des fabriques créées à des dates différentes, dans des
pays dont les ressources étaient diverses.

Certes il est difficile de déterminer avec précision les
époques où les Grecs, et les Romains à leur suite, passèrent du
pavé orné aux mosaïques à figures. Ce qu'il y a de certain, c'est
que le luxe des mosaïques ne se développa chez les Grecs que
sous l'influence asiatique des successeurs d'Alexandre. La
mosaïque à cristaux artificiels, nécessaire pour l'imitation de la
peinture, ne parut à Rome que vers l'ère chrétienne5.

Toutes les discussions sur les monuments de la Perse per-
mettent de se demander si l'on apprécie bien le rôle joué par
l'art persan, ces Italiens de l'Asie, comme les appelle Théophile
Gautier, dans l'adoption ou l'invention de l'art ogival. Tantôt
celui-ci est né, suivant Flandin, de la forme ancienne et en-
core actuelle des tentes des tribus des Turcomans ; suivant Prisse
d'Avesnes, des Arabes, en s'appuyant sur l'exemple de la
mosquée de Touloun au Caire, édifiée au ix° siècle. Est-ce aux
Arabes ou aux Persans que l'on doit le système d'agrégations
de petites niches en encorbellements, les entrelacs sculptés sur
pierre, les inscriptions en lettres d'or ? Si on pense pouvoir
affirmer que l'influence grecque est venue modifier l'ordon-
nance générale de la construction dans toute l'Asie, quelle est
la part du Persan et de l'Arabe, de l'Europe et de l'Asie, dans
toutes les transformations architecturales depuis l'ère chré-
tienne?

Le système décoratif arabe est-il original ?

Est-ce une création propre à ce peuple ?

Autant de questions qui ont soulevé et soulèveront encore
longtemps des discussions aux résultats problématiques. Sans
vouloir entrer ici dans l'examen de ces points, rappelons seu-
lement : 1" que dans les ruines gigantesques du palais de
Kosroès, élevé du v° au vi° siècle, on trouve l'arc ogival déjà
employé ; 20 que Prisse d'Avesnes a pu écrire : « Les ornements
12 et 16, pris des chapiteaux sassanides à Bisatouri, appar-
tiennent au style byzantin dans leurs contours en général et
renferment les germes de toute l'ornementation des Arabes et
des Maures. C'est le plus ancien exemple que nous ayons d'orne-
ments diaprés en forme de losanges. Les Égyptiens et les
Assyriens paraissent avoir employé pour couvrir les grands

1. L'Orient a toujours fourni à l'Occident la plus grande partie des idées et des motifs des arts qu'il a cultivés. Les Grecs et les Étrusques dans l'antiquité,
comme tous les peuples modernes, n'ont cessé d'emprunter à cet inépuisable foyer artistique.

La Grèce le plus souvent n'a fait que choisir, que coordonner les éléments de tout ordre qui lui étaient fournis par le commerce, les voyages dans les colonies
de l'Asie Mineure; tâche qu'elle a su accomplir avec une grandeur sublime, à la vérité, et qui lui assure à jamais le premier rang dans l'art.

Mais enfin il faut avouer qu'elle n'a fuit que se servir la première et avec bonheur des matériaux que l'Assyrie et l'Egypte lui fournissaient, matériaux déjà
améliorés parle sens ingénieusement artistique des peuples de l'Asie Mineure et de la Phénicie.

Mythologie, symboles, ordres d'architecture, premiers principes de la sculpture, polychromie, tout fut fourni par l'Orient et versé dans le creuset sublime qui
enfanta le Parthénon.

Nous retrouvons les Grecs, à l'époque byzantine, encore plus adroits dans une nouvelle adaptation des principes de la décoration orientale.

2. Parmi les ouvrages qui donnent les détails les plus intéressants sur les origines de l'art byzantin nous citerons : Ivan Jones, Grammaire de l'ornement ; —
Flandin et Coste, Voyage en Perse; — Du Sommerard, tes Arts du moyen âge: — Salzenberg, Alt-Chrislliche Baudenkinale von Constant inople. Waring and
MesqUoid. Architectural Art in Hely spain; — Barras et le duc de Luynes, Recherches sur les monuments des Normands en Sicile; — Hessemer, Arabische und ait
ltaliœnische Bail Ver^ierung; — Texier, Description de l'Arménie et de la Perse; — Batissier,Histoire de l'art monumental, etc., etc., et ceux que nous avons
déjà cités.

3. Batissier, Histoire de l'Arch. mon., page 456.

4. La Bible, dans le livre d'Esther, mentionne un riche pavage sur lequel des pierres précieuses faisaient une sorte de peinture.

5. « Les carrelages sont une invention des Grecs, dit Pline, XXXVI, lx, qui arrivèrent à en faire une sorte de peinture, jusqu'au temps où les mosaïques en
prirent la place. »

« Les mosaïques furent en usagedès le temps de Sylla; dit Pline, XXXVI, lxiv, l, du moins voit-on encore aujourd'hui un carrelage en petits segments qu'il
fit faire à Preneste, dans le temple de la Fortune. Puis les carrelages passèrent du soi aux parois, et on les lit de verre. C'est une invention récente ; la preuve c'est
qu'Agrippa, aux Thermes qu'il construisit à Rome, (it peindre à l'encaustique (v. XXXV, 9) les murailles en terre cuite dans les pièces chauffées, et dans le reste,
orner les crépis; et sans aucun doute il eût orné les pièces en mosaïque de verre, si cette mosaïque avait été dès lors inventée, ou du moins si des parois du théâtre
de Scaurus où elle ligure comme nous avons dit (XXXVI, xxix, 11), elle avait passé aux appartements. »

Tome XXI. 12
 
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