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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Soldi, Émile: L' art persan, [2]
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L'ART PERSAN.

9i

Nous sommes loin de douter du rôle important que les
tapisseries ont pu prendre dans l'art, et même en remontant
plus haut, celles des Assyriens et des Perses ont eu certainement
une grande influence artistique sur le développement des arts
gre'co-étrusques, mais les différences de style entre les contrées
de l'Asie centrale et de l'Asie Mineure, l'abandon successif de
tous les éléments des décors anciens, nous paraissent pouvoir
être attribués aux résultats des curieuses réactions contre le
polythéisme, lesquelles peu à peu ont fini par modifier com-
plètement le caractère, la politique et les mœurs de l'Orient.
Le rôle de l'influence religieuse nous semble avoir été plus
grand dans les arts orientaux que celui que l'éminent architecte
nous paraît disposé à lui attribuer.

A chaque pas que firent les civilisations asiatiques de
l'Orient vers l'Occident jusqu'en Europe et en Afrique, les
religions qui se succèdent, leurs systèmes philosophiques ten-
dent de plus en plus vers un monothéisme étroit et jaloux,
semblant avoir pris pour principe ou pour but d'amoindrir, de
diminuer le champ où les arts plastiques pouvaient travailler et
récolter. Dans le principe, le Babylonien et l'Assyrien admettent,
avec les rites chaldéens, les représentations des divinités, des rois
et de toute la création, reproduites par l'émail ou la sculpture
sur les murailles des monuments. Avec la Perse, disciple de
Zoroastre, seuls l'homme et les animaux sont encore acceptés;
mais après l'invasion musulmane les artistes des dynasties per-
sanes schiites ne représentent l'homme qu'exceptionnellement;
les animaux et les fleurs restent seuls à la disposition des artistes.
Avançons vers l'Occident. La Judée n'admet plus que la sym-
bolique des plantes, de même que les Arabes de la secte
sunnite en Egypte ; enfin les Maures en Espagne, par une idée
religieuse encore plus subtile, n'acceptent dans l'art que des
représentations géométriques où la plante elle-même n'est plus
que rarement figurée.

Ainsi à chaque période, la réaction religieuse, iconoclaste,
s'accentue, et si on part de l'Inde aux onze millions de dieux, si
on traverse la Chaldée, la Médie, la Judée, l'Egypte, l'Afrique
et l'Espagne musulmane, on rencontre des lois religieuses de
plus en plus restrictives, qui éliminent peu à peu les éléments
caractéristiques du style propre à chaque contrée de l'Orient.

Le génie des Maures avec de simples figures géométriques
a su créer à Cordoue un art qui nous émerveille, dû pour la
plus grande part à la variété que permettent l'emploi des revê-
tements en plâtre d'une technique si facile, pour combiner et
répéter des entrelacs à l'infini. Mais la dernière transformation
artistique des musulmans n'en avait pas moins restreint l'art à des

manifestations toujours semblables, d'une ingéniosité étonnante,
mais dont tout sentiment était exclu. Ce style, aussi borné
que le Coran, trouve d'autant plus vite son point d'expression
le plus élevé, mais il était condamné, la religion musulmane ne
s'étant pas modifiée, à des redites continuelles.

L'art ne peut vivre et évoluer que grâce aux sensations de
l'artiste vis-à-vis de la nature et de ses phénomènes multiples,
ou porté par l'imagination et les surexcitations intellectuelles,
produites par l'interprétation de toutes les combinaisons et
inventions du polythéisme, ou d'une religion toute poétique,
aussi libre que celle qu'a si bien développée le génie grec. Le
monothéisme est anti-artistique.

Toute règle dogmatique absolue est une entrave.

La religion catholique n'a eu d'art que parce qu'elle a
admis, sous l'influence gréco-byzantine, à côté du créateur invi-
sible, la représentation d'autres émanations de Dieu sous des
formes humaines et animales, et une foule de personnages
secondaires dont la vie légendaire a donné des sujets ou des
éléments à l'art chrétien.

Une race intelligente qui possède une école artistique dont
tous les efforts sont dirigés vers un même but, doit obtenir
fatalement un progrès, ou si l'on aime mieux ce terme : une
originalité. La Grèce a trouvé son idéal dans la beauté des
lignes, la pureté des formes; Rome, dans la richesse de l'orne-
ment; le christianisme, dans le sentiment et l'expression ; la
Renaissance dans la grâce ; l'Orient iconoclaste l'a trouvé dans
la fantaisie et la couleur.

En Orient, les sujets à traiter devenant de plus en plus
rares, la forme exclusivement obtenue par le dessin devenait
de plus en plus difficile, étant la moins étudiée ; la sculpture
était proscrite, la forme déterminée par la couleur ou la tache
était l'unique et dernière ressource. De là à cet égard la supé-
riorité séculaire de l'Orient sur l'Occident dans les arts décoratifs,
la tapisserie, la joaillerie et les émaux.

Nous pensons dans ces quelques pages avoir suffisamment
démontré combien les causes des transformations de l'art en
Asie depuis la chute des Achéménides jusqu'à l'avènement de
l'islamisme sont importantes à discuter pour l'histoire générale
de la civilisation. Les voyageurs qui visitent ces contrées de-
vraient s'imposer le devoir de rapporter des éléments nouveaux
d'études sur ces obscures périodes de l'art. Aux historiens, aux
érudits reviendrait la tâche ardue de les étudier, et grâce à leurs
efforts communs le jour n'est peut-être pas loin où cette grande
page de l'histoire du monde pourrait être reconstituée.

Emile Soldi.

pourquoi : ces conquérants arabes vivaient, de temps immémorial, sous des tentes, comme la plupart des peuples sémitiques. Us n'avaient d'autre luxe que celui
des étoffes et des armes. Pour eux le monument, comme pour les Juifs de l'époque primitive, n'était autre chose que la tente, la cabane recouverte d'une étoffe
précieuse; leurs habitudes ne pouvaient se faire à ces édifices aux surfaces bossuées, couvertes de saillies de sculptures, qù'ils rencontraient sur leurs pas, là où les
civilisations grecque et romaine avaient laissé de nombreuses traces. Ces statues, ces bas-reliefs, ces frises saillantes dans lesquelles s'épanouissaient de larges
rinceaux mêlés à des figures et à des animaux, devaient leur paraître des monstruosités dues à des imaginations égarées par le panthéisme. Admettons donc que
l'école d'Alexandrie elle-même n'eût pas déjà, avant l'invasion arabe, adopté un style de décoration se rapprochant de la tapisserie, il y a tout lieu d'admettre que les
conquérants la mirent dans la nécessité d'adopter ce style, comme se rapprochant davantage de ce qu'ils avaient continuellement sous les yeux et comme étant le
seul que l'homme pût se permettre en face du Dieu unique dont les œuvres ne devaient pas être imitées par la créature. »
 
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