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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Hédou, Jules: Jean Le Prince (1734-1781)
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0240

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194 L'ART.

Que fait-il alors? Il va trouver le maréchal de Belle-Isle, alors gouverneur de Metz, et lui
raconte si gentiment sa situation présente, ses espérances et ses projets que, peu à peu, il
l'intéresse à son sort, le touche par sa vivacité et sa foi dans l'avenir, et finit enfin par le
séduire à tel point qu'il en obtient une pension.

Sans retard, il fait son entrée à Paris avec son protecteur, qui lui ouvre les portes de
l'atelier de Boucher. C'était jouer de bonheur, car jamais maître et élève ne durent se mieux
convenir. Se figure-t-on Boucher donnant des leçons à Le Prince, le peintre des amours faciles
et des voluptueux abandons, faisant l'éducation d'un élève aussi fin, aussi malin, aussi fûté ! Si,
comme artiste, Jean Le Prince ne peut désavouer son maître, comme homme, il le reflète
également. Même facilité de travail, même facilité de mœurs, avec cette nuance toutefois, que
l'un est et restera toujours le maître, tandis que l'autre sera et restera toujours l'élève.

Une fois son éducation artistique ébauchée, Le Prince remercia le maréchal de Belle-Isle de
la pension qu'il lui faisait, et voulut voler de ses propres ailes.

C'est à ce moment qu'un malheureux hasard lui fit contracter une union disproportionnée.
En 17£2, le 2 décembre, il épousa Mlle Marie Guiton, qui avait deux fois son âge; il est vrai
qu'elle avait aussi quelque fortune. La discorde se mit rapidement dans le ménage; mari jeune
et dépensier, femme âgée et économe ne devaient point vivre longtemps en bonne harmonie. Il
fallut bientôt se séparer. Jean Le Prince rendit la dot et reprit sa liberté.

Le premier usage qu'il en fît fut de se rendre en Italie, où il dessina quelques vues de
ruines que Saint-Non grava à l'eau-forte en 175:6. Ce pays, toutefois, ne l'inspira point, et il le
quitta sans en rapporter un bagage sérieux.

De retour à Paris, Le Prince fut repris de la nostalgie de voyager, et ce fut vers le Nord
qu'il se dirigea. Il se rendit à l'invitation que lui firent probablement deux de ses frères établis
à Moscou. La Russie, qui n'avait point encore été sérieusement explorée par les artistes, l'attirait;
il pensait, avec raison, qu'il y avait là une riche mine à exploiter.

Il partit donc en traversant la Hollande, où Rembrandt semble l'avoir préoccupé par ses
effets de lumière, qu'il cherchera à imiter plus tard dans ses intérieurs russes. De la Hollande,
il s'embarqua pour la Russie ; mais le navire sur lequel il avait pris passage fut pillé par des
corsaires, et Le Prince ne se tira d'affaire qu'en faisant, avec son violon, danser ces visiteurs
désagréables.

Quoi qu'il en soit de cette histoire plus ou moins véridique, Jean Le Prince arriva à Saint-
Pétersbourg en 17^8. Muni de lettres de recommandation de M. de Belle-Isle, son ancien
protecteur, il fut bien reçu par le marquis de l'Hôpital, ambassadeur de France près la cour de
Russie, comme aussi par la haute société russe. La bonne réception se traduisit par des
commandes, et il accepta même la mission de décorer le palais impérial et d'y peindre des
plafonds, mission dont il s'acquitta à merveille. Mais, comme le dit fort bien M. Ch. Blanc,
Le Prince n'était point venu en Russie pour exercer ses talents, mais bien pour les former. En
travaillant pour le public, il pourvoyait à ses besoins matériels ; mais ses besoins artistiques
demandaient aussi, et surtout, à être satisfaits. C'est dans ce but qu'il voyagea en Russie, en
faisant une masse de croquis et d'études peintes ou dessinées. Il réunit ainsi une telle quantité
de documents, que c'est sur ce fonds qu'il travailla le restant de sa vie, et qu'il composa ses
tableaux, dessins et eaux-fortes.

En 1761, il rencontra l'astronome Chappe d'Auteroche, envoyé en Russie pour observer à
Tobolsk le passage de Vénus sur le soleil, et c'est d'après les dessins de notre artiste que
furent gravées les nombreuses planches qui illustrent la relation de ce voyage, parue en 1768.

Il faut reconnaître que le voyage de Russie fut d'une importance majeure pour Jean Le
Prince et qu'il eut pour résultat certain de former son talent, d'accroître sa réputation et de lui
donner presque la gloire. Mais si cette excursion de cinq années dans les froides régions du Nord
valut à l'artiste la célébrité, elle fut fatale à l'homme qui rapporta, de ces durs climats, le germe
d'une maladie fatale pour une santé déjà délicate.

Réinstallé à Paris, Le Prince se mit à l'oeuvre et s'occupa aussitôt de tirer parti de tous les
 
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