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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Burty, Philippe: M. Alfred Gauvin: artiste en damasquine
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0090

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M. ALFRED GAUVIN. 75

serrent leur enfant comme une bûche, le reliquaire où les saints ont les pieds de profil et le
visage de face, le peigne aux dents de herse, toute cette tabletterie sacrée exhumée par les
Annales archéologiques de Didron fournissait des modèles. La demande étant supérieure à l'offre,
on copiait donc ou Ton inventait tout ce que Ton qualifia vaguement en argot de commerce de :
«... clans le goût byzantin ». De peur de ne point être suffisamment « archaïque », on poussait
au « caractère ».

La pièce tournée, pourquoi la conserver? On la cédait en toute innocence à des intermédiaires.
Ceux-ci, pour se persuader à eux-mêmes qu'elle était ancienne, la baignaient dans des acides,
récornaient, la rayaient au grès, l'encrassaient clans les plis, la patinaient avec du purin. Puis,
s1 admirant dans leur propre œuvre, ils cédaient alors à des amateurs altérés d'ivoire ancien, pour
une somme centuple de l'achat primitif, le reli-
quaire ou la statuette. Le Louvre en a acquis,
par l'intermédiaire de Viel-Castel, le saint Vin-
cent de Paul des bibelots truqués. Un autre
morceau, entré par mégarde chez un amateur
qui m'a conté l'histoire, fut échangé contre une
majolique — vraie — et est allé attendre une
généalogie, qui lui naîtra, dans l'obscure arrière-
boutique d'un revendeur, à Burgos ou à Madrid.

Un jour, M. Dournès, qui de l'ivoire avait
fait passer son élève au métal, l'emmena en
province dans un vieux château pour restaurer
de vieilles ferrures. Gauvin était intelligent,
adroit, dévoré d'amour-propre. Il avait, en com-
pagnie de cet homme doué d'un instinct supé-
rieur, entrevu ce qu'étaient « les styles ». Il se
vit en face d'un ouvrage difficile. Quelque chose
le poussait au métal comme Palissy aux arts du
feu. Sur quelques indications très nettes, très
indicatives, comme seuls les savent donner cer-
tains maîtres, il partit, s'emballa, apprit, ou
devina, ou inventa, selon le besoin de la pièce,
tous les procédés du repoussé, de l'incrustation
et de la damasquine.

Depuis, la passion des armures et des armes
a quelque peu fait tort à celle des ivoires du
xne siècle. M. Gauvin a souvent été appelé à
consolider, à réparer, à nettoyer une quantité
d'objets en métal, armes, coffrets, ornements, qui sans son secours auraient perdu toute valeur;
car, à parler en connaissance de cause, ce sont les restaurateurs inhabiles, plus que l'action des
ans, l'état de la matière ou la méchanceté des humains, qui ont anéantriou défiguré le plus grand
nombre des exemples, grands ou petits, humbles ou pompeux, naïfs ou compliqués, que nous
avaient transmis l'admiration, et plus souvent encore le hasard. Plus ces objets deviennent rares,
plus la mode les pourchasse, plus la critique les dissèque et les étiquète, plus il devient difficile
de les restaurer sans en altérer le style et les qualités d'existence, de les compléter sans que l'acte
soit indiscret. Chacun d'eux a été créé, poussé à la perfection d'après une technique spéciale,
une technique qui, quoique employant en apparence les mêmes métaux, le même feu, les mêmes
outils, varie selon les latitudes, les pays, les familles, obtient ses effets les plus tranchés à l'aide
de tours de main sans cesse oubliés, sans cesse réinventés. Une très forte portion d'initiative toute
personnelle, tout instinctive, guide l'artiste qui crée : quand, plus tard, il faut constater maté-
riellement quelles étaient ses habitudes de main ou d'outil, tout en dehors de ses habitudes de

Plaque de fer ébauchée au ciseau et prise dans la mvss::.
Composition et dessin de M. Alfred Gauvin.
 
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