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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Bonnaffé, Edmond: Les amateurs de l'ancienne France, [3]: le Surintendant Foucquet
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0139

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122

L'ART.

sorte que de nécessité il faut choisir, ou de ne rien acheter, ou que ce qu'on achète soit sçeu,
hors tableaux et austres menues hardes. »

Cependant l'abbé eut la main heureuse : il se mit dans les bonnes grâces du Poussin qui
consentit à le guider dans ses acquisitions. Foucquet, qui avait du « goût pour les choses
exquises1 », ne voulait que des morceaux excellents et « de fort bons tableaux ». Aidé des
conseils du maître, l'abbé fit un premier envoi (11 janvier i656), « statues, bustes, scabellons,

tables de marbre en estât et autres choses....., un lit de broderie non achevée, à qui neantmoins

il ne manque que deux pièces, qui a esté trouvé beau et à bon compte, un tapis de Perse, un
ballot de tableaux, un cabinet d'agathes, toutes fines et orientales, et grandes chacune comme la
paume de la main, et de lapis-lazuli ; un service de chapelle d'ambre ». Les objets les plus pesants
devaient aller par mer jusqu'à Saint-Malo, les autres jusqu'à Marseille. Le ballot de tableaux
comprenait une Décollation de saint Jean, le Massacre d'Abel, le Baptême de Notre-Seigneur, la
Magdeleine, Saint Jean l'Èvangéliste, Saint François, Saint Sébastien, Saint Joseph, « tous
originaux fort beaux et fort bien faits et de grands peintres tous morts... un Paysage de Gaspard
(Guaspre), beau-frère de M. Poussin, et deux copies d'originaux de M. Poussin; elles représentent
une Exposition de Moyse et une Vierge avec un Jésus ». Les deux premiers tableaux coûtaient
<( 100 pistoles2, les sept autres originaux 80 pistoles, ce qui a été un marché admirable ». Un
Saint Michel d'Alexandre Véronèse, une ébauche, fut même donné par-dessus le marché « pour
tenir les tableaux en estât dans le ballot ». Le cabinet d'agates orientales coûtait 700 écus, le
lit en broderie 590, les deux copies 23 pistoles, le paysage du Guaspre 12 ou i3, le tapis de
Perse 26 pistoles, la chapelle d'ambre i3o écus. « Vous trouverez aussi, disait l'abbé en terminant
sa lettre (7 mars 1656), des bassins d'argent qui m'ont paru beaux et d'un travail incogneu
en France; ils font belle monstre sur un buffet. Ce n'est pas que je ne sçeusse bien qu'on
travaille admirablement en France en argent, mais en choses massives et d'une autre manière.
C'est argent de la Chambre apostolique, qui est tout le meilleur. L'argent et sa façon coûtent
588 écus d'Italie. » Il paraît que le surintendant fut satisfait de ce premier envoi, sauf de la
chapelle d'ambre, qu'il trouvait « inutile et difficile à conserver ». Sur quoi l'abbé piqué réplique
que le bon marché l'a décidé, que d'ailleurs, si la chapelle ne plaît pas, il « la retirera à semblable
prix, espérant bien le faire doubler par quelque autre à Paris, par troc ou autrement ».

Le 3 avril de la môme année, nouvel envoi de quatorze tableaux sans désignation. Le 10,
l'abbé informe qu'il fait restaurer « une bellissime statue antique qu'il avoit achetée depuis long-
temps ». Le 17, il fait espérer « un marché de force bons tableaux » ; en même temps il annonce
« une table magnifique de pièces rapportées, qui est enfin achevée, et qui depuis quatre mois
m'a fait suer sang et eau... deux petits vases de porphire bien jolis et à fort bon compte... deux
petites colonnes de marbres toutes d'une pièce. Vous en avez maintenant quatre et dans peu
vous en aurez huit ».

La dernière lettre de l'abbé est du 24 avril i656; elle annonce « une statue restaurée
passable et à bon marché, et de nouvelles colonnes fort belles, et autres choses », ainsi que des
greffes d'arbustes rares « accommodés avec du miel et de la mousse... M® Senci, qui a le plus
beau jardin d'Europe en agrumes (cédrats et citrons), est celui qui en a donné la meilleure partie,
et un Père Ferdinand le reste ».

Quelle était la valeur de ces peintures que l'abbé décrit d'une façon si sommaire? Sans doute
ces « originaux fort beaux et fort bien faits, de grands peintres tous morts », qui reviennent en
moyenne à 200 livres la pièce3, sont des morceaux honorables, car le Poussin disait son mot sur le
tout et « ne laissoit rien passer de médiocre » ; pourtant on se fait une autre idée des magnificences
du surintendant, et l'on aimerait à voir son frère moins préoccupé des prix et des bonnes affaires.
11 faut bien le dire, la pénurie des beaux ouvrages était extrême à Rome : « c'est l'œuvre d'un
siècle, disait le Poussin, que de .trouver une bonne emplette à faire ». La concurrence des

1. Tournefort, Cadette des beaux-arts, XVIII, 317.

2. Pistoles d'Espagne de 10 livres.

3. Les tableaux du Poussin, « dont la cherté est estonnante », se payaient 200 pistoles, 2,000 livres. Jl est vrai qu'il s'agissait « des
trois plus grandes pièces qu'il aye faites et des plus achevées ». Lettres de L. Foucquet, id.
 
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