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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Bonnaffé, Edmond: Les amateurs de l'ancienne France, [3]: le Surintendant Foucquet
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0141

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i24 L'ART.

amateurs avait fait table rase des anciens maîtres, « on avoit déjà transporte ce qu'il y avoit de
meilleur et le peu qui reste n'étoit plus clans le commerce ».

Aussi l'abbé pressait-il vivement son frère de commander au Poussin « une couple de belles
pièces d'une égale grandeur, de quelque sujet agréable et de son choix ». Mais le surintendant
avait d'autres vues : le Poussin se faisait vieux, on parlait déjà de « sa main tremblante1 » ;
Foucquet préféra sans doute choisir lui-même, sur place et à coup sûr, une œuvre de son
meilleur temps. Chantelou possédait alors les plus beaux Poussin et l'œuvre capitale du maître,
la Manne, composée en 163g. Comment la Manne devint-elle la propriété de Foucquet? Je ne
saurais le dire, mais le fait est hors de doute. Dans le Journal du cavalier Bernin en France
(1665) rédigé par Chantelou lui-même2, celui-ci raconte qu'il eut l'idée de proposer à Colbert de
faire faire « pour le Roi une tenture de tapisserie sur divers tableaux de M. Poussin qui sont à
Paris, de l'histoire de Moïse, laquelle pourroit être appelée la tapisserie du Vieux Testament. Elle
seroit composée de Moïse exposé sur les eaux, qui est chez Stetta, du Moïse trouvé, qu'a M. de
Richelieu, de la Manne, qu'avoit M. Foucquet », et Chantelou énumère les autres originaux du
Poussin appartenant à des amateurs parisiens. Voilà qui est net : Chantelou devait savoir mieux
que personne où se trouvait la Manne qu'il avait possédée ; il ne s'agit pas ici d'une réplique,
puisque le Poussin n'en a pas fait; d'ailleurs, Chantelou n'eût pas parlé d'une réplique pour servir
de modèle à des tapissiers, s'il avait eu l'original entre les mains. Ce petit détail n'était
point connu, il a son intérêt pour fixer la généalogie des tableaux de notre grand maître
national:i.

Au lieu des peintures que demandait l'abbé, Foucquet le chargea de commander au Poussin,
pour la maison de Vaux, quatorze Termes sculptés. L'artiste se mit immédiatement à l'œuvre; on
sait qu'il aimait à modeler lui-même et se servait de maquettes en cire pour préparer la compo-
sition de ses tableaux ''. « Il le ht bien voir, raconte Bellori, dans ses statues de Termes pour la
maison de campagne que faisait M. Fochet (sic), car il ht de sa main les modèles de la grandeur
d'exécution de ces statues, qui furent exécutées par plusieurs sculpteurs clans l'atelier desquels je
l'ai vu bien des fois travailler la terre avec l'ébauchoir et modeler avec une grande facilité. Avec
ces figures, il donna aussi le dessin de deux vases à l'antique qu'il fit travailler et exécuter en
marbre africain antique"'. »

La correspondance de Louis Foucquet montre que les Termes étaient en main, et que l'on
y travaillait sous la direction du Poussin ; mais l'abbé ne parle pas de l'expédition de ces
ouvrages, qui eut lieu probablement après sa rentrée en France.

Quelques années plus tard, en 1661, après la mort de Mazarin, Foucquet envoya un nouveau
chargé d'affaires à Rome; c'était François de Maucroix, l'ami de La Fontaine. La mission de
Maucroix, comme celle de l'abbé Foucquet, avait deux buts : il devait créer au surintendant des
partisans à Rome et acheter pour lui des antiques, des peintures et des curiosités, en prenant les
conseils de l'abbé Elpidio Benedetti, agent de France à Rome et l'ancien homme d'affaires de
Mazarin. Ses instructions lui prescrivaient d'ailleurs la discrétion et le mystère recommandés à
son prédécesseurc.

Bertinetti, graveur en médailles, qui remplissait auprès de Foucquet les fonctions de secrétaire,
fut également l'un de ses agents à l'étranger. M. Eug. Grésy a raconté les aventures romanesques
de ce personnage7; on ignore si lui ou Maucroix réussirent clans leur mission artistique.

Edmond Bonnaffé.

(La suite prochainement.)

1. Lettres, id., p. 290.

2. Galette des Beaux-Arts, XXIII, 2' pér., 27G.

3. Le projet de Chantelou fut mis à exécution et l'on composa aux Gobelins deux tentures de VHistoirc de Moïse avec or en dix et
onze pièces. Le peintre Bonnemer fut chargé d'agrandir la Manne. (Note de M. Darcel, Chronique des arts, 25 mars 1881.)

4. Voir une curieuse note de M. de Montaiglon à ce sujet. Arch. de l'art français, 2e série, vol. II, 270.

5. Id. Bellori, Vie du Poussin, éd. Pise, III, 179-80.

6. Chéruel, Mémoires sur Foucquet, p. 144

7. Page i5.
 
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