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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Faucon, Maurice: Benozzo Gozzoli a San Gimignano, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0227

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204 L'ART.

clopédie de la douleur virile se déroule. Depuis Giotto la représentation, de ces pompes dernières,
celles où le christianisme du moyen âge permettait la plus grande magnificence, n'ayant pas à
craindre que le mort en conçût de l'orgueil, a tenté tous les peintres. Or, nous n'en connaissons
point de plus variée par le jeu des visages, de plus mâle par la composition, où les lignes
verticales dominent et cette fois avec raison. Ghirlandajo s'en est visiblement inspiré quand il
a représenté les Obsèques de Santa Fina, à la Collegiata de San Gimignano, quelques années
après. En voyant celles-ci pour la première fois, nous nous sommes écrié, du seuil de la
chapelle où elles sont peintes : « Mais c'est encore du Gozzoli ! » Génie où prévalaient l'élégance
et la souplesse plutôt qu'une originalité forte, Ghirlandajo a subi l'empreinte de l'esprit si personnel
de son devancier, et il l'a imité sans l'égaler. L'inscription mise par le peintre au bas de sa
fresque : Quemadmodum in obitu beati Augustini a quamplurimis éjus anima in celis, comitantibus
angelis ferri visa est, explique le prodige que suivent d'un œil curieux les jeunes novices du
cortège. L'évêque, à mi-corps dans un nimbe, est emporté légèrement par deux anges qui volent,
hirondelles célestes, ne sentant pas leur fardeau. N'est-ce point la scène mystique que M. Auguste
Barbier a décrite dans ces vers du Campa Santo :

... Il voit devant lui sa vie immense et pleine
Comme un pieux soupir s'écouler d'une haleine,
Et, lorsque sur son front la mort pose les doigts,
Les anges près de lui descendent à la fois ;
Au sortir de sa bouche ils recueillent son âme
Et, croisant par dessus leurs deux ailes de flamme,
L'emportent toute blanche au céleste séjour
Comme un petit enfant qui meurt sitôt le jour.

Avec les Funérailles se termine l'œuvre de Gozzoli à Sant' Agostino. Le chanoine Pecori
assure qu'il consacra trois années à ce travail; il l'acheva donc en 1467. La même année et
sans doute après avoir mis la dernière main à sa chapelle, il signait ainsi la restauration de la
vieille fresque de Lippo Memmi au Pala{{o del Comune : Benotius Florentinus pictor restau-
ravit anno mcccclxvii. Cette restauration est infiniment précieuse par la discrétion des pinceaux
qui l'ont exécutée. Benozzo n'a pas essayé, comme ces restaurateurs des âges suivants qui ont
gâté tant de chefs-d'œuvre, de la renouveler, de la refaire moderne; il s'est appliqué à n'altérer
en rien son archaïsme rude et imposant. Ce fut peut-être dans le même temps qu'il peignit la
Madone avec Saints qui décore le chœur de la Collegiata, galerie choisie de primitifs où Gozzoli
a pour voisins Pollajuolo et Matteo Rosselli.

Nous ne comptons pas que cette brève notice fasse connaître, au vrai sens du mot, l'œuvre
capitale du maître, aussi engageons-nous tous les amis des arts qui veulent pénétrer dans son
intimité à faire la visite de San Gimignano. C'est là en effet que Benozzo Gozzoli se présente
le mieux avec ses qualités et ses défauts. On y découvre la fertilité d'une imagination ne se
lassant jamais de rechercher et de découvrir dans des types nouveaux l'expression morale
dont il a besoin, la conscience d'un travail opiniâtre que n'effraye aucune difficulté de perspec-
tive ou de raccourci, la singulière puissance d'une conception s'élevant sans effort aux idées
générales, ordonnant les groupes avec une majesté souveraine et faisant passer des âmes sur
les visages les passions secrètes et compliquées qui les animent. Peut-être a-t-il été moins
sensible aux grâces féminines, dont la Toscane lui offrait de si délicats modèles, que les peintres
amoureux de son temps, les Filippo Lippi, les Ghirlandajo; peut-être les a-t-il moins curieuse-
ment détaillées — quoique, dans l'œuvre de Ghirlandajo à Santa Maria Novella, rien ne se
rencontre de plus naturel et de plus élégant que la charmante inattentive du sermon de saint
Ambroise; —peut-être en un mot lui a-t-il manqué une fleur de suavité et de distinction; mais
dans l'expression de la beauté virile, de celle qui résulte de la vraie nature de l'individu
profondément pénétrée, de la transparence de l'âme à travers la grossièreté des organes, et non
point de la beauté que l'artiste réalise par le choix du type, par l'élimination des signes infé-
rieurs du caractère et des accidents secondaires du visage, il est inimitable. Tous ses personnages
 
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