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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Mongeri, Giuseppe: La résidence d'un patricien milanais au commencement du XVIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0241

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L'ART.

218

Le sens si remarquable de l'unité dans la variété, qui était
le partage des artistes de cette époque, se manifeste avec
évidence dans tout son développement par la répétition des
motifs du parapet, dans les tympans semi-circulaires des
lunettes, sur lesquels se déploie et tourne la gouttière qui les
couronne. Ici les ornements sont plus simples : les figures
naturelles ou fantastiques sont plus variées, mais le jeu de
leurs mouvements et de leurs gestes, la disposition des fleurs et
des branchages sont identiques, sauf que le choix de leur coloris
à deux tons s'associe à celu* des panneaux de l'étage inférieur
et des bordures rectangulaires de la frise au-dessus des arceaux
du portique.

La gouttière du faîte part de ces tympans semi-circulaires;
elle est un peu en avancement, elle est formée par une série
continue de berceaux et de crêtes triangulaires qui lui donnent
un aspect plein d'originalité et dont l'emploi comme couron-
nement de toiture est assez rare en Lombardie. Ce dessin
mouvementé ne l'empêche pas de courir en droite ligne et
sans raideur. Le pinceau n'a pas oublié de la décorer aussi, ses
berceaux et ses crêtes sont bordés d'une joyeuse teinte d'or, et
l'intérieur en est enrichi de fleurs et de nœuds d'ornement
jetés rapidement mais avec fermeté, avec une élégance exquise
qui reste toujours dans la donnée des deux tons adoptés pour
tout le reste.

Notre attention s'est étendue jusqu'au couronnement du
toit par suite des analogies qu'il offre avec le parapet. Mais
on n'a pas oublié non plus les parties du mur qui reçoivent
les principaux ornements placés entre les fenêtres. L'art s'y
est élevé à la plus grande puissance. Les quatre espaces formés
par la division des ouvertures sont arrangés en encadrements
rectangulaires, et dans chaque encadrement on a peint la
figure entière, presque de grandeur naturelle, d'une divinité
de la mythologie païenne.

C'est ainsi qu'en entrant on aperçoit devant soi Pallas,
Jupiter, Clio, Euterpe; sur la partie de droite, Thalie, Apollon,
Melpomène, Terpsichore; sur le côté par où l'on entre, Uranie,
Erato, Polymnic, Hermès. Quant aux quatre figures de la face
du nord, elles sont tombées, il y a deux siècles, avec l'enduit
de la muraille ; il n'est pas possible d'en parler pour le moment.

Ces désignations sont indiquées sur le socle même qui
supporte chacune de ces figures; et ce qui caractérise bien
cette époque et augmente la singularité de ces curieuses
images, c'est l'emploi de l'alphabet et de la terminologie grec-
que dans les noms qui leur sont donnés.

Ce spectacle, plein d'éloquence et de majesté, fait éprouver
un profond sentiment de surprise, car il nous transporte dans
un monde inconnu; il ne nous donne pas l'idée d'autre chose
que d'une maison privée et ordinaire et son possesseur nous
apparaît comme un citoyen moins considérable par ses
richesses, que par la distinction de son cœur et de son esprit.

Ce fait excite la curiosité, et éveille, à côté de la question
d'art, une vive préoccupation historique. Nous allons chercher
à percer ce mystère autant qu'il nous sera possible.

Ce qui frappe tout d'abord dans la création de cette œuvre
artistique, c'est qu'on y sent l'inspiration d'un esprit de grande
pénétration et de haute culture. Les allusions à la maison et
à son propriétaire sont dictées par un sentiment d'abstraction
philosophique assez rare à l'époque que nous croyons pouvoir
lui assigner. En s'efforçant de l'exprimer par le dessin, l'artiste a
été obligé de s'élever à la même hauteur afin de le comprendre.
Il est cependant certain que si les lignes sont correctes et puis-
santes, elles se ressentent du goût archaïque et de la raideur
étrusque. Les figures, toutes jeunes et représentant presque
toutes des femmes, ne portent pas le cachet de la beauté
molle et gracieuse de l'école ombrienne qui devait triompher
avec Raphaël; ce sont des figures agiles, fières, sévères dans les
airs de tète comme dans les attitudes, des têtes raides, vraies,
sans expression et sans sourire; les membres secs, nerveux

plutôt que développés musculairement, et rappelant quelque
chose du Panhellenium d'Egine.

On y voit en même temps la fierté virginale de l'antiquité
et les témoignages de la fantaisie capricieuse du xv siècle;
Apollon avec un violoncelle, comme Raphaël lui a donné un
violon au Vatican; ce violon se trouve au contraire entre les
mains de Thalie, la muse comique; Uranie tient une sphère
armillaire; Melpomène s'appuie contre un faisceau qui res-
semble à une torche près de s'éteindre, et semble avoir déposé
l'épée homicide, tandis qu'un peu en avant, Hermès ou
Mercure brandit au-dessus d'Argus un cimeterre recourbé, et
tient de la main gauche la lyre avec laquelle il a remporté la
victoire en forçant sa victime au sommeil. Si l'on voulait éten-
dre des observations du même genre à chacun des attributs
de ces personnages mythologiques, on y reconnaîtrait des
conceptions aussi éloignées de la majesté de l'Olympe qu'elles
sont rapprochées de la grâce des esprits du x\ic siècle; par
exemple Pallas avec son bouclier aussi impénétrable que le
diamant, Hermès avec le coq qui surpasse Argus en vigi-
lance, Erato avec un Amour à ses pieds et des instruments
dans ses mains.

D'un autre côté on y voit éclater les caractères de l'école
lombarde et même de l'école de Léonard. L'Apollon, avec son
dessin et son coloris, avec sa chevelure séparée sur le front et
dont un beau ton blond ardent constitue la nuance, reproduit
assez bien le caractère d'un Christ; de même Terpsichore,
au lieu d'être une danseuse effrontée, apparaît comme une
vierge à l'extérieur modeste, entièrement vêtue et qui, sans
aucun mouvement sensible, pince un psaltérion à plusieurs
cordes. Si on lui ôtait son instrument et qu'elle n'eût pas le
sein découvert, on pourrait la prendre pour une sainte du
xv° siècle. Presque toutes les autres figures sont vêtues comme
celle-ci, à l'exception d'Uranie dont le torse est nu, d'Érato,
vue de dos et qui n'a qu'un simple voile autour des reins,
d'Apollon, d'Hermès et de sa victime qui sont nus également.

Le dessin, outre son caractère de fermeté qui va jusqu'à
la raideur, est étudié directement d'après nature; il en
résulte qu'on n'y trouve aucune de ces préoccupations d'un
style arbitraire qui ont été répandues par les théoriciens. Le
procédé de peinture murale, qui est celui de la peinture à
fresque, a permis à l'artiste d'obtenir la sévérité d'une forte
coloration, une teinte robuste et chaude jusqu'à devenir
parfois d'un brun enflammé dans les ombres et aussi bien
dans celles des carnations que dans celles des draperies. Tous
les objets sont tracés sans mouvements excessifs et sans arti-
fice dans la pose, mais avec une précision pleine de simplicité,
avec la sûreté d'un calligraphe et l'exactitude d'un géomètre.
L'on trouve bien le style du chef de l'école lombarde, mais quel
nom mettre sous ces peintures? On peut ne pas remonter jus-
qu'au Vinci lui-même, mais il faut au moins que leur auteur
en ait été bien rapproché pour en refléter aussi évidemment
l'influence. C'est encore là une question que nous aurons à
résoudre en même temps que toutes les autres. Mais il y a
auparavant un autre objet qui réclame notre attention.

C'est la longue frise peinte qui fait le tour de la cour,
courant horizontalement au-dessus des corniches des fenêtres,
prolongée par la ligne supérieure de l'enchâssement des
ligures et par la projection du toit. Ici nous n'avons à remar-
quer que la délicate richesse de l'ornementation comparable
à une œuvre d'orfèvrerie, et conforme d'ailleurs au caractère
de tout ce travail ; mais la frise qui s'étend avec régularité en
se dégageant des ornements des fenêtres, nous permet d'aper-
cevoir une longue inscription dont beaucoup de mots sont
effacés et qui a même perdu une ligne tout entière, celle du
quatrième côté : elle jette néanmoins une lumière inattendue
sur ce qui est le but de nos recherches.

G. MoNGERI.

(La fin prochainement,!
 
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