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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Burty, Philippe: Silhouettes d'artistes contemporains, [1], J. de Nittis
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0028

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iS

L'ART.

pour l'observation des faits naturels, également hostiles aux vieilles méthodes, également curieux
de l'air, de la lumière, de la profondeur des lointains, du découpage des silhouettes au milieu
de ce «paysage urbain» qui est un des plus doux et des plus inoubliables attraits de Paris.
Dans le roman comme sur la toile, c'est une manifestation de l'esprit moderne.

Serait-ce que nous avons inventé ce « moderne » dont la critique a tant usé de nos jours,
les uns tenant le mot pour plus large que « réaliste », pour moins pesant que « naturaliste » et
pour moins subtil que « impressionniste ». Être moderne veut dire être de son temps, et ne l'est
pas naïvement et totit entier qui veut. Les peintres surtout ont peine à s'y débrouiller. Les
courants littéraires les oppriment, la mode les entraîne. Combien était-il difficile à Claude le
Lorrain de remiser cette malle rouge que des matelots embarquent ou débarquent à perpétuité
sur ses quais bordés de colonnades ! Poussin aurait entrevu des nymphes jusque dans les allées
du bois de Boulogne! Les hautes classes de leur temps ne leur permettaient pas d'être eux-mêmes,
pendant que dans les Flandres la riche bourgeoisie et les gildes entendaient au contraire se
présenter à la postérité au mieux de leur ressemblance. Il a fallu tout le grand mouvement philo-
sophique du xvme siècle, Chardin et Diderot, Fragonard (paysagiste) et J. J. Rousseau, les parcs
anglais et le romantisme, pour que notre pays, essentiellement académique, consentît à risquer
une oreille et un œil. Il n'y a pas quarante ans que Balzac a gagné son procès, et pas vingt
que l'on ose exposer des paysages pris dans Paris. Les premières vues des quais, — de ce quai
de Charenton où Paris se déroule en gris comme une toile de fond dans un décor d'opéra, —
les premiers Jongkinds excitaient des étonnements adoucis par la pitié. J. de Nittis, le premier,
osa faire patauger de véritables Parisiens sur la place des Pyramides.

Va-t-on pardonner à J. de Nittis l'exhibition de ses dernières œuvres qu'il prépare pendant
que nous écrivons ces lignes? Nous le souhaitons, nous le croyons même, parce que, grâce au
groupe si discuté, si malmené, et en fin de compte si utile des « impressionnistes », les
préjugés du public contre la nouvelle peinture se sont considérablement amoindris. Nous
n'entendons pas dire que les impressionnistes aient clos la série des recherches, qu'ils aient même
mis au jour un nombre considérable de chefs-d'œuvre, mais on ne saurait contester que leur
insistance à n'user que des tons clairs, à poursuivre les effets d'ensemble, à se borner aux horizons
qu'ils connaissent à fond, a mis de leur côté cette partie du grand public qui voit juste, qui est
douée de sensibilité et qui veut trouver dans les œuvres d'art des échos de ses joies et de ses
tristesses. Ceci dit, nous nous garderons de classer M. Joseph de Nittis dans un groupe délimité.
M. de Nittis veut d'une certaine façon, exprime comme il peut ce remuement que cause à ses
nerfs le spectacle de la nature, essaye tous les moyens qu'il peut pour arriver à s'imposer à ses
spectateurs. Voilà tout ce que nous voulons savoir. Nous ne prendrons qu'une précaution, celle
d'avertir que notre héros est fort instruit, qu'il a travaillé aussi longtemps et aussi correctement
qu'un fort en thème, que faire vite est aujourd'hui pour lui une condition expresse de sa méthode,
mais que plein de respect pour le public comme pour son talent, quand il n'a point réussi,
il n'exhibe pas ses erreurs ou ses défaillances. Nous souhaitons à quelques artistes que leur
génie a conduits à l'Institut, d'être aussi réservés sur le dernier point dans les Salons annuels.

On s'est trop souvent occupé de M. J. de Nittis, notamment à propos de l'Exposition
universelle de 1878, pour que nous ayons à rappeler en détail les morceaux qui composent son
œuvre. Nous n'en citerons que les plus caractéristiques. Pour le détail contrôlé, nous nous
aiderons d'une étude biographique et critique écrite il y a quelques années par notre ami
Jules Claretie1, qui a été de l'intimité du maître depuis son arrivée d'Italie et n'a point cessé
d'en être.

Il est Italien et il a du sang espagnol dans les veines par ses ascendances maternelles.
Il est né à Barletta, dans les Pouilles, en 1846. C'est aujourd'hui un petit homme, trapu, aux

1. L'Art et les Artistes français contemporains, avec un avant-propos sur le Salon de iSyO. Charpentier, éditeur, 1876.
 
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