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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Montrosier, Eugène: Art dramatique, [1]
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La fille des Césars — oui, du grand Théodose ! —
Se mêle au vil troupeau dont Attila dispose!
Si nous y consentions, à défaut de nos dieux,
Lucrèce et Cornélie, orgueil de nos aïeux,
Souvenir qui sur nous en opprobre retombe,
Pour souffleter nos fils sortiraient de leur tombe.

Attila, furieux, congédie Maximin tout en lui annonçant
qu'il va marcher sur Rome et la réduire en cendres. Puis, déçu
dans ses espérances matrimoniales, il jette les yeux sur l'es-
clave Hildiga et lui annonce qu'il la prend pour épouse. Cette
détermination brusque d'un monstre que le mal n'a jamais
arrêté nous fait entrer dans le cœur du drame, car Hildiga est
aimée en secret par Walter, fils du roi d'Aquitaine, et par Ellok,
fils d'Attila. Walter, venu pour racheter Eric et sa fille Hildiga,
a été retenu prisonnier par Attila ; c'est ce qui explique sa pré-
sence auprès du roi des Huns.

A la demande d'Attila Hildiga a d'abord opposé un refus
obstiné, mais épouvantée par les menaces de son maître qui
parle de décimer les prisonniers qu'il traîne à sa suite, elle se
dévoue malgré les anathèmes et les malédictions qui l'ac-
cablent. Son père la renie, son peuple la couvre d'injures; seul
Walter la défend. La situation est très belle et elle produit une
impression très vive sur le public.

Attila, qui n'admet pas de retard, presse le mariage. Il
s'accomplit suivant les rites en usage chez les Huns. C'en est fait
d'Hildiga. Mais elle a dans les veines du sang de Judith, et quand
Attila pénètre dans la chambre nuptiale, elle l'étend à ses pieds
d'un coup de hache. A ce moment, les Francs qui se sont réorga-
nisés ont envahi le camp d'Attila, brûlé son palais, et Attila
expirant a encore le temps de les voir et de constater leur
revanche.

Nous avons dû, forcément, passer une foule d'épisodes cu-
rieux, de scènes caractéristiques, de situations poignantes ; épi-
sodes habilement présentés; scènes heureusement amenées;
situations admirablement écrites. Mais ce qu'il nous faut cons-
tater, c'est le beau souffle qui passe à travers les péripéties de
cette tragédie dont les horreurs rappellent celles de la tragédie
grecque, l'ampleur et l'harmonie des vers, la grande élévation
de l'idée maîtresse qui sur des pensées antiques fait vibrer des
émotions récentes. En un mot les Noces d'Attila sont dignes
en tous points de la Fille de Roland. C'est une œuvre qui

RT.

honore l'homme qui l'a enfantée et le théâtre qui l'a fait vivre
de toutes les splendeurs d'une mise en scène qui confine au
grand art.

Nous parlions tout à l'heure des décors de Chéret. Après le
campement sur le bord du Danube nous avons eu, au deuxième
acte, le palais d'Attila en Pannonie dont nous offrons à nos lec-
teurs un fac-similé fait d'après la maquette exécutée spécialement
pour l'Art par le savant décorateur.

La demeure royale du Fléau de Dieu affecte des pro-
portions gigantesques. Une galerie laisse voir au fond toute la
campagne dont les derniers plans se perdent là où l'horizon
devient incertain. Un amphithéâtre construit à l'instar des
arènes romaines étage ses gradins qu'en un instant la foule
pourrait envahir. Dans la grande salle du palais, à droite, le trône
d'Attila accoté d'étendards francs aux armes de Lutèce, une
trirème voguant sur les flots. A gauche, une large baie con-
duisant aux cages des fauves; des lions gardent l'entrée de cette
baie.

Le décor du quatrième acte représente la chambre nuptiale
d'Attila et d'Hildiga. De larges tentures en masquent les portes;
un plafond lumineux tamise la lumière lunaire. Très bel effet de
mystère et d'épouvante.

Pour les costumes, M. Thomas, qui déjà s'est distingué par
tant de restitutions historiques savantes, a fait un véritable tour
de force. Toute trace a disparu, toute indication manque, tout
élément fait défaut sur l'époque lointaine que l'auteur a tirée de
l'oubli. Il fallait donc inventer quelque chose qui eût la vrai-
semblance d'une époque sans en avoir la vérité. L'artiste a réussi
au-delà de toutes les espérances qu'on fondait sur son talent bien
connu.

Les dessins de costumes intercalés dans cet article, avec
leur libre allure et la hardiesse de leurs lignes, permettent au
lecteur de se faire une idée du travail auquel M. Thomas s'est
iivré. Le public a été unanime à admirer la très attachante ré-
surrection du jeune et déjà célèbre artiste.

Nous ne saurions mieux terminer qu'en signalant le talent
que MM. Dumaine, Marais et Mllc Rousseil ont déployé.

M. de Bornier n'aurait trouvé nulle part des interprètes
plus capables de faire valoir sa tragédie.

Eugène Montrosier.

CUL-DE-LAMPE

composé et gravé par A. de Saint-Aubin.
 
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