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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Burty, Philippe: Silhouettes d'artistes contemporains, [2], J. de Nittis
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0038

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26

L'ART.

qui font du plein air en chambre. « Si je fouille dans mes souvenirs, écrivait Henri Heine en 18 5" 3 ',
je dois l'avoir rencontrée (Vénus) un jour en passant par la place Bréda, qu'elle traversait d'un
pas délicieusement leste : elle portait une petite capote grise d'une simplicité raffinée, et elle
était enveloppée du menton jusqu'aux talons dans un magnifique châle des Indes, dont la pointe
frisait le pavé; »

Le monde entier a cru à cette vision, et Nittis plus que tout autre. Un des charmes les plus
sûrs dans sa peinture, ce sont les personnages qui animent sa Place des Pyramides, sa Place de
la Concorde, son Quai du Pont-Neuf : dames mieux chaussées que les Dianes de la Renaissance,
messieurs qui se penchent au guichet d'un kiosque de marchandes de journaux, fleuristes qui vont
rendre leur ouvrage, flâneurs qui bouquinent, bonnes largement enrubannées qui portent le
cerceau de leur petit maître, petites filles cambrées comme de petites dames, tout cela a le mouve-
ment, la couleur, la démarche, le pimpant et le fleuri de son âge et de sa condition. Paris, depuis

Gabriel de Saint-Aubin, n'a point eu de
preneur de notes plus fidèle et plus brave.
Où rencontrer des documents qui fournissent
un ton plus exact des êtres et des choses
du jour ?

Ce que Nittis a fait sien, surtout, —
personne, pour sûr, ne l'avait osé ainsi, —
c'est cette chaussée large, tantôt en pavés
gris, tantôt en macadam gras, tantôt en
poussière couleur café de crémerie, qui va
de la pointe de vos bottines à la distance
angulaire du regard, c'est-à-dire à cinq ou six
mètres de vos yeux, espace qui est inoccupé,
mais n'est point vide, puisque le peintre étend
un ton d'un résumé tout magistral, de même
qu'un musicien fait précéder de simples
accords, d'harmonies confuses, de sons
rythmés mais sans détails, le passage où
sa pensée revêtira une forme déterminée,
ou pathétique ou pastorale, ou héroïque ou
a , tendre. C'est dans le choix de cette nappe

Iitudea l'eau- forte par.T. de Nittis. r r

colorante que se révèle cette fine et forte
organisation du peintre de la Route des Pouilles, près de Brindisi. Je pense que personne n'a
oublié ce coup de soleil aveuglant et brûlant. Paris, si accueillant pour toutes les originalités
sincères, fit, au Salon de 1872, un succès bruyant à notre jeune Napolitain, qui en 1869 et
en 1870, hésitait encore sur la voie à suivre. Un peu troublé par les conseils de M. Gérôme et
de M. Meissonier, il avait envoyé des sujets Louis XVI, une Femme assise à côté d'une cheminée
et une Visite le matin. Un peu plus, il s'enlisait dans le tableau à costumes !

Au Salon de 1873, M. J. de Nittis mit une Ascension du Vésuve, qui poussait un peu à
l'exagération du ton. En 1874, le jury acceptait une peinture franchement moderne, Fait-il
froid! L'auteur de ce livre exquis, tout frais sorti de la presse, les Armes de la femme, les avait

vues passer aussi, le long du Lac gelé : «.....Les coudes au corps, le manchon à la hauteur du

visage, elles allaient grand train, fouettées par le vent aigre, leur cher nez rougi enseveli dans
la fourrure de leur manchon 2..... ».

J. de Nittis — peintre essentiellement ethnographe — est allé à plusieurs reprises s'installer
à Londres. Dire qu'il a saisi à un point supérieur les allures du monde anglais, le charme du

1. Les Dieux en exil.

1. Les Armes de la femme, par Ernest d'Hervilly. Un volume in-12, avec croquis; chez Pau) Ollendorf.
 
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