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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0063

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NOTRE

BIBLIOTHÈQUE.

47

M. Champfleury, qui sait aussi bien que personne ce qu'il
faut prendre et ce qu'il faut laisser dans le bagage de ce carica-
turiste populaire, s'en est tenu avec Monnier à des aperçus
piquants, à une c'tude de'taille'e, à des finesses d'analyse très
curieuses. Il n'a outre' ni le rôle que joua Monnier ni l'influence
qu'il pouvait avoir. Il s'est contente de le synthétiser.

Henri Monnier, contemporain de Charlet, de Grenier, de
BellangéetdeRaffet, est, comme il le dit lui-même, « ne'à Paris,
rue de la Madeleine, 51, faubourg Saint-Honoré, de parents
pauvres, mais honnêtes, un an juste après la proclamation de
l'Empire ». Comme toute la jeunesse du commencement du
siècle, il a commencé par assister à des revues, à des triomphes
militaires qui ont fait sur lui une vive impression; le mirage de
ces défilés, l'éclat des costumes, le faste des apothéoses ont dès
lors obsédé sa pensée. Il entre au lycée Bonaparte et y passe
juste le temps nécessaire pour ébaucher des études très incom-
plètes : « Je quittai le lycée sachant fort peu le latin, et cela par
ma faute, je le confesse, peu de grec, point de mathématiques,
pas l'ombre de géographie, écrivant assez tristement le français
et mettant assez proprement l'orthographe. » Des bancs du
collège Monnier passe dans une étude de notaire où il entre
comme petit clerc ; plus tard nous le trouvons employé dans un
ministère. La bureaucratie lui ouvrit les yeux. Il reconnut bien
vite l'inutilité de ses rouages, ses redondances puériles, la nullité
pleine d'ostentation des chefs de service. Sa verve de causticité,
le talent qu'il possédait de dessiner prestement, sa tendance à la
raillerie trouvèrent largement à s'exercer. Avec Monnier,
l'ennemi était entré dans la place; et. suivant un mot qu'il
répéta souvent, il déchira le sein qui l'allaitait. Aussi dut-il
bientôt quitter son ministère et chercher ailleurs.

Tout ce début de Monnier est exposé bien finement par
M. Champfleury, et avec une curiosité presque minutieuse.

De la bureaucratie qu'il devait cribler de railleries devenues
rapidement populaires, il passa dans l'atelier d'un peintre,
Girodet. Vous voyez d'ici Monnier, qui déjà n'avait plus de
respect pour les pontifes, se démenant de toute sa gouaillerie
parisienne dans un milieu hétéroclite pour lui, sous la tutelle
de Girodet qui est bien démodé aujourd'hui, mais qui fut

1. Voir l'Art, 3e année, tome II, page 177.

pourtant un véritable caractère et qui défendit les novateurs.
Après Girodet c'est à Gros qu'il s'adresse, sans plus de conviction,
si j'en crois un article de Nestor Roqueplan, paru dans le Cons-
titutionnel du j août 1863. Monnier fut là comme partout un
farceur, un loustic d'assez mauvais goût, toujours à la recherche
de quelque scie nouvelle, de quelque cabrionnade inédite.
Entre temps il étudie la physionomie humaine, s'efforce d'en
rendre la partie individuelle. Il parvient à acquérir une véri-
table puissance en ce genre, grâce à une gymnastique constante,
à une sorte d'entraînement : « En ai-je fait de ces portraits à
Nantes, c'est effrayant ! » écrit-il à Ferville, l'ancien colonel du
théâtre du Gymnase.

M. Champfleury suit dans le détail l'existence si complexe
de Monnier et nous le fait voir dans ses diverses créations.
Il est peintre, c'est trop peu; le voilà mime et comédien. Il joue
les vaudevilles d'autrui en attendant qu'il joue les siens propres.
Cependant, c'est le caricaturiste seul qui survit.

On a oublié les grimaces du comédien, et les écarts du
satirique commencent à paraître ridicules. Mais beaucoup de
dessins resteront parce qu'ils portent bien le caractère de
l'époque où ils furent faits, et qu'il suffit de les feuilleter pour
voir se lever cette société dont M. Joseph Prudhomme a été la
vivante incarnation.

J'aurais voulu suivre plus longtemps le livre si intéressant
de M. Champfleury, et chercher à rendre plus complètement la
physionomie d'Henry Monnier, mais M. Philippe Burty a écrit
dans cette revue1, au lendemain de la mort de l'humoriste, un
article qui m'oblige à la concision.

Ce qui rend le livre de Champfleury indispensable à tout
critique et à tout amateur, c'est, d'une part, le grand attrait qu'il
offre, les particularités qu'il signale, les doutes qu'il dissipe, les
dates qu'il détermine, la nomenclature des Séries qu'il établit,
les dessins qu'il renferme, pour la plupart inédits; c'est, d'autre
part, le catalogue presque définitif des oeuvres littéraires, des-
sinées ou lithographiées, et des gravures faites d'après Henry
Monnier.

C'est de là que devront partir les biographes de l'avenir.

Eugène Montrosikr.

Croquis d'Henry Monnier (vers 1850).
(Gravure tirée de Henry Monnier, par Champfleury. Paris, Dentu.)
 
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