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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Véron, Eugène: Th. Ribot, [1]: Exposition générale de ses oeuvres dans les galeries de l'Art
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0159

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TH. RIBOT. 129

pain et de faire de ces raclures une bouillie pour son pauvre petit enfant qui grandissait parmi
ces souffrances. Elle et son mari le regardaient manger en souriant; c'était tout leur repas. »

Ribot avait eu le bonheur de trouver une femme aussi courageuse que lui, qui s'associait à
ses souffrances, sans les lui reprocher. On peut dire que c'est la seule chance qu'il ait eue dans
la première partie de sa vie ; mais on peut la considérer comme une compensation à bien des
maux. Que serait-il advenu de lui si, à toutes ses souffrances, il lui avait fallu ajouter dans son
intérieur une lutte continue contre les plaintes et les récriminations qu'aurait pu susciter son
obstination à ne pas lâcher ses rêves d'artiste ?

C'était là en effet ce qui le soutenait dans son atroce misère. Ne trouvant rien à faire, il
peignait. N'ayant pas de quoi payer des leçons, il peignait sans maître; il s'apprenait tout seul
cet admirable métier qui a fait plus tard son incontestable supériorité, et qu'auraient presque
infailliblement gâté tous les enseignements qu'il aurait pu recevoir. Il peignait dans sa mansarde,
et s'habituait ainsi à ces effets, à ces brusques sursauts de lumière et d'ombre que tant de
critiques ont accusés de parti pris et de procédés puérils. Même quand il avait au dehors un
travail, qui lui prenait ses journées, il peignait encore, mais alors, il peignait la nuit, à la
lumière de la lampe, ce qui façonnait de plus en plus son œil à ces contrastes violents de blanc

Dessins de Th. Ribot.

et de noir sans reflets, qui résultent nécessairement de la lumière massée et concentrée, et
auxquels le public a eu tant de peine à s'habituer. Voilà comment il a été amené tout naturellement
à faire du Ribera, sans le savoir.

Ce point est essentiel, car il ne manque pas de gens qui sont convaincus que Ribot s'est
appliqué de propos délibéré à pasticher le maître espagnol, tandis que en réalité il n'a fait que
subir une fatalité qui a fini par devenir pour lui une habitude, un besoin de l'œil et de l'esprit.
Peut-être par nature était-il porté à préférer les effets de ce genre, mais qui pourrait le dire
avec certitude ? lui-même ne pourrait probablement pas l'affirmer. Qui peut savoir quelle eût été
l'influence d'un milieu différent? comment la mesurer exactement? Ce sont là des problèmes
psychologiques dont nous laissons à d'autres la solution. Nous nous bornons à constater que, en
fait, les effets que recherche et qu'aime Ribot sont précisément ceux que lui imposait le milieu
dans lequel il a appris à peindre, et cela nous suffit pour expliquer que plus tard il leur soit
resté fidèle, et qu'il ait continué à peindre comme il a commencé, dans une mansarde.

Ribot avait eu un moment l'idée d'aller demander des leçons à son compatriote Yvon.
Aujourd'hui on se figure mal Yvon apprenant à peindre à Ribot. Par bonheur, Yvon était absent
quand Ribot se présenta chez lui, et un camarade emmena Ribot chez Glaize, qui l'employa à
peindre les fonds d'architecture de ses tableaux. Ribot était déjà très ferré sur la perspective.

Pour échapper à la misère qui continuait à le torturer, il accepta en 1848 les fonctions de

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