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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Champier, Victor: Le monument de Corot à Ville-D'Avray
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0299

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LE MONUMENT DE COROT A VILLE-D'AVRAY.

239

Tu ramènes tout à l'idéal sans quitter le réel.— Tous ces objets,
en eux-mêmes insignifiants, ô puissance de l'art, deviennent
éloquents ou dramatiques à ton gré, suivant le rôle que tu leur
assignes dans ta symphonie. Et, puisant à pleines mains dans
la nature, à ton tour tu deviens créateur.

« Tout en obéissant scrupuleusement aux lois de l'art et de
la nature, tu jouis d'une entière liberté; tu fais tout ce que tu
veux et c'est toujours bon.—Cette liberté! ce délire! cette
démence ! comme tu le disais si gaiement ; tu l'as gagnée par
un long stage.

« Avant de la posséder, tu as passé par la période de la
science et de l'étude. Tu as aimé, étudié et pratiqué les grands
exemples. Pendant de longues années, Poussin et Claude ont
guidé tes pas. Ils t'ont initié aux lois de la divine proportion, et
leur salutaire influence est restée marquée dans tes œuvres

jusqu'à la fin. Mais cette période nécessaire de la science et de
l'analyse où tant d'artistes restent emprisonnés et comme
emmaillottés toute leur vie, tu l'as traversée triomphalement et
tu es arrivé, comme tous les grands maîtres, à ta troisième
manière, celle de la complète liberté.

« De cette alliance féconde de l'amour et de l'étude, que
d'oeuvres sont issues ! elles courent à travers le monde entier;
elles y sont répandues à profusion.

« Dans les musées, dans les galeries et jusque dans les plus
petits appartements, elles sont la note lumineuse et sympathique ;
partout elles proclament ta sincérité, ton ingénuité : partout
elles répandent le charme poétique, la sérénité qui émanait de
ton génie.

« Te voilà donc enfin installé ici, à ton point de départ,
pour toujours. Nous viendrons souvent te tenir compagnie. Tu

Le Monument funéraire de Corot a Ville-d'Avray,
construit par Mignon, d'après le modèle de Geoffroy-Dccliaume. — Dessin de H. Toussaint.

deviens pour nous le but d'un gai pèlerinage. Tous ceux qui ont
le culte du beau et du vrai, tes élèves et les nôtres, jeunes et
vieux, ceux dont le cœur ne vieillit pas, nous viendrons jous les
printemps nous retremper à ton cordial et vivifiant souvenir;
nous écouterons ensemble le chant des oiseaux, et près de toi,
avec toi, nous assisterons au réveil de la nature. »

Après le discours de M. Français interrompu par le bruit
du canon et par les morceaux de musique de la société orphéo-
nique de Sèvres, M. Hattat, conseiller municipal de Paris, a
pris la parole au nom de ses collègues; puis, un ami de Corot,
M. Dumesnil, a retracé à grands traits l'existence du peintre
de Ville-d'Avray.

Aussitôt après, M"0 Baretta, l'excellente artiste de la
Comédie-Française, qui était assise à côté de M. Turquet, s'est
levée et a dit des strophes sur Corot, composées par François
Coppée.

Devant ce marbre clair, entouré de verdure,
Qu'à l'intime et naïf ami de la nature

Ont élevé vos soins touchants,
La nymphe de ces bois, muse simple et rustique,
Doit apporter aussi son tribut poétique.

Les mains pleines de fleurs des champs.

Je Je connaissais bien, le vieux bonhomme en blouse,
Et quand il préparait sur un coin de pelouse

Son chevalet et ses pinceaux,
Pour embellir encor ses extases secrètes,
.l'étais lù; j'exaltais l'odeur des violettes.

J'excitais le chant des oiseaux.

Tandis qu'il travaillait abrité par un saule,
Je venais regarder par-dessus son épaule,

A petits pas, tout doucement;
Il peignait à la hâte, et, sous sa brosse agile,
J'ai pu voir bien souvent, moi, fille de Virgile.

Eclore son rêve charmant.

La charmante comédienne était simplement vêtue, avec
beaucoup de tact, d'une robe rose à pois noirs, et les vers de
Coppée, en passant par sa bouche, ont fait un vif plaisir. Quand
on la vit déposer, dans un gracieux mouvement, son gros
bouquet de roses blanches sur le monument, quand 011 la vit se
tourner vers l'image de celui qu'on appelait papa Corot, et lui
parler soudain, on put croire que c'était vraiment la nymphe de
Ville-d'Avray, échappée un instant des ombrages mystérieux,
qui venait rendre hommage à la gloire et au génie du peintre.

M. Turquet a levé la séance par quelques mots de félici-
tation à l'adresse des organisateurs de la fête, et en annonçant
 
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