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Burty, Philippe: Le Salon de 1880, [5], La sculpture
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270 L'ART.
et si moderne et qui, réellement, ne travaille qu'en vue de son idéal; Gustave Moreau, le raffiné
de poésie, et d'autres encore que nous trouverions facilement dans les rangs pressés de l'École.
Au cas contraire, on risque de récompenser un de ces grands lauréats du grand concours qui,
dans la vie, ne donnent plus que des rhéteurs.
Pour la sculpture la question est plus simple; les distinctions sont moins nombreuses. On ne
peut guère tricher, dans cet art rigide ! La forme remporte toujours, et le pittoresque, s'il
intervient, ne peut que préciser des intentions de nature. M. Mercié a pu réunir tous les
suffrages, comme M. Paul Dubois antérieurement, l'un par son Chanteur florentin, l'autre par
son David, mais là, la science était déjà acquise, soit par
/^=>>^ intuition, soit par nouveauté de travail. Nous avons dit,
/m^WÉ^. dès l'abord, quel intérêt surexcitait en nous F Adolescence de
^^^^^^ M. Albert-Lefeuvre. Nous ne nous trompions pas en tout,
^^^Êj^j^ puisque ce jeune artiste, qui n'a point été couvé par la villa
r^Mm>ILi^J^^^%^^ Médicis, a obtenu cinq voix au premier tour de scrutin, et trois
encore au second.
C'est M. Thomas qui l'a emporté, avec le secours des
architectes, dit-on. Sa statue de Mgr Landriot n'avait guère
excité l'attention du public, ni de la critique. L'œuvre est
médiocre, j'entends sans qualités exceptionnelles, quoique bien
supérieure encore à tout ce qui se conçoit et s'exécute en ce
moment clans le reste de l'Europe. Elle ornera un tombeau
officiel, dans la cathédrale de La Rochelle, sans rappeler au
touriste les mâles qualités de l'auteur de Virgile écrivant les
Géorgiques. L'évêque est à genoux, en costume de cérémonie,
les mains jointes, le visage à demi levé. Costume lourd, mains
dénuées de ce bel accent pontifical propre aux princes de
l'Église, visage banal, mondain.
UÈve de M. Falguière est charmante, plus charmante et
plus fine que n'a su la rendre, nous l'avouons, le crayon un
peu trop lourd de notre dessinateur. M. Falguière n'a point
voulu cette femme robuste des flancs de laquelle est sorti le
germe vivant de l'humanité tout entière. La physionomie est
surtout spirituelle. Le serpent lui souffle les mauvais conseils
et insiste sur la comédie qu'elle va avoir à jouer auprès du
naïf Adam. Mais le jet général est délicieux, les chairs sont
souples, l'épidémie est fin, le mouvement un peu paresseux
des bras est plein de sensualité. Voilà un véritable morceau
F. Halévy. d'artiste, éclos en partie sous la râpe, dans la nef elle-même,
Dessin d'A. Brun, d'après la statué en pierre dans ies dernières heures qui précédèrent l'ouverture. Nous
de Mme Léonic F Halévv \ • •
avions vu le plâtre d'après lequel les praticiens avaient enlevé
(Salon de 1880.) r r 1 1 _
au ciseau le gros du marbre, et nous avons vu ensuite
— spectacle rare et émouvant — M. Falguière qui, les yeux brillants, la main un peu enfiévrée,
la cigarette aux lèvres, dégageait de la mise au point encore engorgée" dans les rapides
indications de l'esquisse, cette fleur de beauté féminine qui est, en ce monde périssable, la plus
durable expression de l'idéal des artistes et des poètes.
Ce morceau se rattache par bien des points à la sculpture du règne de Louis XIV et du
xviii8 siècle. U Arlequin de M. René de Saint-Marceaux montre des intentions plus batailleuses,
ne fût-ce que dans le choix du sujet. Là le nu ne parle point directement : c'est la forme qui
fait saillie sous le vêtement. La pose ne poursuit plus les lois strictes de la gravitation : c'est
l'attitude qui triomphe. Nous n'avons point à prendre partie. Si nous étions un de ces riches qui
peuvent monnayer leurs rêves et leurs désirs, nous placerions Y Eve tout près de notre cabinet
et si moderne et qui, réellement, ne travaille qu'en vue de son idéal; Gustave Moreau, le raffiné
de poésie, et d'autres encore que nous trouverions facilement dans les rangs pressés de l'École.
Au cas contraire, on risque de récompenser un de ces grands lauréats du grand concours qui,
dans la vie, ne donnent plus que des rhéteurs.
Pour la sculpture la question est plus simple; les distinctions sont moins nombreuses. On ne
peut guère tricher, dans cet art rigide ! La forme remporte toujours, et le pittoresque, s'il
intervient, ne peut que préciser des intentions de nature. M. Mercié a pu réunir tous les
suffrages, comme M. Paul Dubois antérieurement, l'un par son Chanteur florentin, l'autre par
son David, mais là, la science était déjà acquise, soit par
/^=>>^ intuition, soit par nouveauté de travail. Nous avons dit,
/m^WÉ^. dès l'abord, quel intérêt surexcitait en nous F Adolescence de
^^^^^^ M. Albert-Lefeuvre. Nous ne nous trompions pas en tout,
^^^Êj^j^ puisque ce jeune artiste, qui n'a point été couvé par la villa
r^Mm>ILi^J^^^%^^ Médicis, a obtenu cinq voix au premier tour de scrutin, et trois
encore au second.
C'est M. Thomas qui l'a emporté, avec le secours des
architectes, dit-on. Sa statue de Mgr Landriot n'avait guère
excité l'attention du public, ni de la critique. L'œuvre est
médiocre, j'entends sans qualités exceptionnelles, quoique bien
supérieure encore à tout ce qui se conçoit et s'exécute en ce
moment clans le reste de l'Europe. Elle ornera un tombeau
officiel, dans la cathédrale de La Rochelle, sans rappeler au
touriste les mâles qualités de l'auteur de Virgile écrivant les
Géorgiques. L'évêque est à genoux, en costume de cérémonie,
les mains jointes, le visage à demi levé. Costume lourd, mains
dénuées de ce bel accent pontifical propre aux princes de
l'Église, visage banal, mondain.
UÈve de M. Falguière est charmante, plus charmante et
plus fine que n'a su la rendre, nous l'avouons, le crayon un
peu trop lourd de notre dessinateur. M. Falguière n'a point
voulu cette femme robuste des flancs de laquelle est sorti le
germe vivant de l'humanité tout entière. La physionomie est
surtout spirituelle. Le serpent lui souffle les mauvais conseils
et insiste sur la comédie qu'elle va avoir à jouer auprès du
naïf Adam. Mais le jet général est délicieux, les chairs sont
souples, l'épidémie est fin, le mouvement un peu paresseux
des bras est plein de sensualité. Voilà un véritable morceau
F. Halévy. d'artiste, éclos en partie sous la râpe, dans la nef elle-même,
Dessin d'A. Brun, d'après la statué en pierre dans ies dernières heures qui précédèrent l'ouverture. Nous
de Mme Léonic F Halévv \ • •
avions vu le plâtre d'après lequel les praticiens avaient enlevé
(Salon de 1880.) r r 1 1 _
au ciseau le gros du marbre, et nous avons vu ensuite
— spectacle rare et émouvant — M. Falguière qui, les yeux brillants, la main un peu enfiévrée,
la cigarette aux lèvres, dégageait de la mise au point encore engorgée" dans les rapides
indications de l'esquisse, cette fleur de beauté féminine qui est, en ce monde périssable, la plus
durable expression de l'idéal des artistes et des poètes.
Ce morceau se rattache par bien des points à la sculpture du règne de Louis XIV et du
xviii8 siècle. U Arlequin de M. René de Saint-Marceaux montre des intentions plus batailleuses,
ne fût-ce que dans le choix du sujet. Là le nu ne parle point directement : c'est la forme qui
fait saillie sous le vêtement. La pose ne poursuit plus les lois strictes de la gravitation : c'est
l'attitude qui triomphe. Nous n'avons point à prendre partie. Si nous étions un de ces riches qui
peuvent monnayer leurs rêves et leurs désirs, nous placerions Y Eve tout près de notre cabinet