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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Fouqué, Octave: Le drame lyrique et Richard Wagner, [1]
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LE DRAME L YRI Q_U E ET RICHARD WAGNER

L y avait autrefois en Bavière une ville
appelée Munich, qui ressemblait à
toutes les villes. Poussée au hasard,
elle présentait un plan confus, des rues
mal dessinées, des places dépourvues
de tout style architectural. Aucun trait
de physionomie n'arrêtait l'œil du visi-
teur. Survint un roi qui, mécontent
d'une telle capitale, jura de la transfor-
mer et d'en faire le centre et le modèle de l'Allemagne. A sa
voix les artistes s'empressent; bientôt les rues s'alignent;
places et jardins sont bordés de monuments construits sur le
modèle des plus fameux. L'Italie et la Grèce, transportées
sous le ciel du Nord, ont renouvelé l'aspect de la cité, qui est
en effet devenue un centre et un modèle.

L'histoire de Richard Wagner ressemble à celle de ce roi.
Quand il est venu au monde de la musique, le théâtre n'exis-
tait en Allemagne qu'à l'état d'essai hasardeux. « Tous les
styles coexistaient dans la plus complète anarchie : style fran-
çais, style italien, imitation allemande de l'un et de l'autre;
ajoutez encore des tentatives pour faire de la vieille pièce avec
chant, qui ne s'était jamais élevée au genre populaire et indé-
pendant... De cette confusion résultait un inconvénient des plus
visibles, je veux dire l'absence absolue de style dans les repré-
sentations d'opéra... On représentait coup sur coup, aux inter-
valles les plus rapprochés, des opéras français, italiens, des
opéras allemands, imités des deux genres, ou bien issus
des pièces avec chant les plus vulgaires. Sujets comiques,
sujets tragiques, tout était joué et chanté par les mêmes
acteurs... Cette unique circonstance aurait suffi pour empê-
cher la diction d'atteindre jamais à un bon style... Nulle part
un théâtre central, un théâtre modèle »

Mieux à même que d'autres, dans son existence de capel-
meister, de remarquer ces inconvénients, Wagner, qui souf-
frait d'un tel abaissement, résolut de doter sa patrie d'un art

comme ces statues qui, aux d;ux extrémités du dia^oma,
semblaient, elles aussi, suivre les péripéties du drame. Sur la
scène, derrière laquelle le bleu de la mer Egée faisait une
perspective sans fin, des personnages hors nature, exhaussés
et grandis par un masque sculptural, montraient la lutte de la
volonté humaine contre l'inéluctable destin, tandis que, for-
mante! déroulant autour de l'autel de Bacchus les groupes
consacrés, le choeur, soutenu par les flûtes et les harpes, chan-
tait sa lyrique mélopée. Sous l'invocation d'une volonté supé-
rieure et unique, le chant et la danse apportaient à la poésie
la puissance de leur charme ; et c'est ainsi que la musique —
par ce mot les Grecs entendaient la réunion de tous les arts
— s'enroulait autour du drame. On n'aurait pas compris
qu'une partie quelconque de cet harmonieux ensemble prît
délibérément le pas sur la poésie, ou qu'un virtuose quel-
conque, par les prodiges de son exécution, cherchât à attirer
à lui les applaudissements; car alors le but de la solennité eût
été manqué, et au lieu de l'impression forte, salutaire, reli-
gieuse du drame, les spectateurs n'eussent emporté de cette
fête que le souvenir d'une sensation plus ou moins esthétique,
peut-être d'un plaisir vulgaire et bas, comme celui qu'on prend
à un spectacle de gymnasiarques.

Tel est l'idéal que Richard Wagner s'est proposé de réa-
liser au profit de l'Allemagne. On peut dire qu'il y a réussi
autant qu'un homme peut réussir à faire revivre ce que la
poussière des siècles a recouvert.

Ce n'est pas dans son jeune âge et du premier coup que
Wagner a songé à tenter une aussi difficile épreuve. Chef
d'orchestre à Riga et ensuite à Dresde, comment aurait-il pu
même concevoir un projet colossal, dont l'énoncé seul devait
effrayer et choquer tant de choses et tant de gens? Comment
se mettre en contradiction avec les habitudes reçues, secouer
les torpeurs, ébranler les situations? Les pius sincères ama-
teurs de musique ne devaient pas pardonner à celui qui sous
prétexte de leur procurer une volupté supérieure viendrait

nouveau, qui répondit aux plus hautes aspirations de l'esprit troubler leur quiétude d'aussi étrange façon. Aussi que de

allemand. Pour trouver un modèle à sa création future, il ' luttes, que de haines et d'injures, et jusqu'au succès final, que

remonta le cours des âges et demandait la Grèce antique le d'alternatives douloureuses !

secret de ses merveilles. Le théâtre d'Eschyle, de Sophocle et j Né en i8i3, Richard Wagner se révèle musicien à l'âge de

d'Euripide est resté dans les mémoires et dans les imagina-
tions comme le spécimen de l'art le plus parfait qui se soit
jamais vu; tous les témoignages s'accordent à nous dire que le

dix-neuf ans par la composition d'une ouverture et d'une
symphonie exécutées aux concerts du Getvandhaus de Leipzig.
Chef d'orchestre à Magdebourg, à Kcenigsberg, puis à Riga, il

théâtre à cette époque était le plus digne ornement d'une civi- ] écrit un certain nombre d'opéras, dont un seul, Rienji, a sur-

lisation dont à travers tant de siècles l'éclat nous éblouit . vécu. Il vient à Paris, et là, au milieu d'une misère noire, com-

encore aujourd'hui. pose le poème, puis la musique du Vaisseau fantôme. Rede-

Quels étaient les caractères du théâtre antique? On peut j venu directeur de la musique au théâtre de Dresde, il fait

en distinguer trois . jouer Tannhœuser. Mais ce n'est que plus tard que son idéal

i" Les représentations théâtrales n'étaient pas comme chez
nous une distraction journalière. Elles n'avaient lieu que rare-

se révèle clairement à lui. Réfugié en Suisse après les événe-
ments de 1848, l'esprit replié sur lui-même, il réfléchit sur son

ment, à des époques solennelles, à certains jours de fêtes art, ne pouvant le pratiquer, et de ses méditations sortent trois
religieuses, et comme un des moyens de célébrer ces fêtes. ouvrages de philosophie esthétique : l'Art et la Révolution,

2" Les ouvrages représentés —■ trilogies généralement
suivies d'une pièce comique — reposaient sur les mythes ou
légendes populaires.

3» C'est ici le point important, celui sur lequel Wagner a
dû batailler toute sa vie, quoiqu'il eût mille fois raison. La
représentation d'une pièce athénienne nous apparaît comme le
modèle de l'union la plus intime qui ait jamais existé entre les
diverses parties de l'art. Dans un immense amphithéâtre le
peuple se réunissait, ses archontes en tête, muet et attentif

Opéra et Drame, l'Œuvre d'art de l'avenir. En même temps il
esquisse le projet des Niebelungen et compose Tristan et
Iseult. Cependant ses précédents opéras, et surtout Lohengrin,
joué à Weimar sous l'inspiration et la direction de Liszt,
faisaient le tour de l'Allemagne. En 1860, Wagner croit le
moment venu pour lui de triompher à Paris, et dans cette
ville où sa jeunesse s'était inutilement débattue contre la faim
et l'obscurité, il subit avec Tann/ia-user une chute éclatante.
L'Allemagne et la Russie le vengent de ces mépris, et bientôt

1. Lettre à Frédéric Villot, publiée en téte des Quatre Poèmes d'opéra, par Richard Wagner. Paris, Librairie nouvelle.
 
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