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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Faucon, Maurice: Benozzo Gozzoli a San Gimignano, [1]
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L'ART.

mais qu'on se tienne en garde contre l'enthousiasme de l'auteur, l'enthousiasme de l'homme qui
invente, découvre ou réhabilite 1 !

Car, en vérité, l'esprit de réaction contre un oubli injuste et prolongé a fait exagérer les
beautés pittoresques de cette ville ruinée. En prenant au pied de la lettre ces affirmations du
sage Bœdeker que « ses murs, sa porte, ses tours, ses vieilles rues vous reportent comme par
enchantement au moyen âge ; qu'aucune autre ville de la Toscane ne présente une image' si fidèle
du siècle du Dante, et ne fait mieux connaître l'esprit artistique de l'Italie, du xmc au xvc siècle »,
on se ménage plus d'un mécompte. Les rues sont montueuses à cause des accidents du sol, mais
larges, régulières, pavées de briques, bordées de maisons propres, où la rouille de l'âge ne s'est
point inscrite en couleurs imprévues, en capricieuses arabesques. Les remparts sont ruinés. Les
trente-quatre églises du xme siècle ont été la plupart démolies, remplacées, converties en
magasins ou en casernes. A peine trouverait-on aujourd'hui dix églises ou chapelles livrées au
culte, ce qui est encore raisonnable pour une ville de 3,5oo habitants. Enfin, ces belles tours qui,
au temps des Guelfes et des Gibelins, des Salvacci et des Ardinghelli, s'élevaient sur toutes les
demeures seigneuriales, satellites et rivales de la tour du Pala\\o del Podestà, la Rognosa, sans
qu'aucune la pût dépasser en hauteur ; ces tours qu'on apercevait de si loin et qui firent donner
à la ville cette dénomination dantesque San Gimignano délie belle torri, se sont découronnées
d'abord, puis écroulées. Il en reste douze debout, noires, aux arêtes vives, semblables par leur
silhouette hardie à des menhirs bretons, et rappelant comme eux les souvenirs d'une civilisation
disparue.

Si, dans cette ville silencieuse et morte, nous ne trouvons pas une si « fidèle image du siècle
du Dante », si, en Toscane même, à quelques pas, Sienne évoque le moyen âge avec une toute
autre puissance, si les vieilles tours n'invitent pas à pénétrer jusqu'à la ville, à tenter l'ascension
de quelques-unes d'elles, l'aspect de cet ensemble, entrevu du chemin de Poggibonsi une heure
avant l'arrivée, n'en est pas moins infiniment pittoresque. La ville apparaît nettement dessinée par
son enceinte, les campaniles se découpent comme des colonnes sur le ciel clair, les maisons se
chevauchent sans nul souci de la perspective, et on reconnaît avec étonnement une de ces villes
invraisemblables que les maîtres primitifs Siennois ou Florentins, Giotto, Berna, Bartolo di Fredi,
donnaient pour fonds à leurs tableaux, copies si naïves de la vérité que nous les croyons conven-
tionnelles et fantaisistes. Puis San Gimignano a pour l'artiste un attrait plus rare. Benozzo
Gozzoli est resté quelques années dans ses murs ; il a enrichi Sant' Agostino, l'une de ses églises,
d'une suite de fresques admirables, dont la solide couleur défie la morsure de l'âge ; il a exécuté
des peintures dans la Collegiata et dans l'église Saint-André, sur le territoire de la commune ;
il a restauré de sa propre main la fresque peinte par Lippo Memmi dans la grande salle du
palais communal. En un mot, ce maître incomparable a laissé là une des deux pages capitales de
sa vie de peintre, moins connue, non moins importante et expressive que celle du Campo Santo
de Pise.

Le séjour de Benozzo Gozzoli à San Gimignano se place entre Villustration de la chapelle du
palais des Médicis, aujourd'hui Riccardi, à Florence, et les travaux qu'il accomplit au Campo
Santo de Pise. Né en 14202, il était resté pendant trois ans l'élève de Ghiberti et l'avait aidé
pour les portes du Baptistère, commençant, comme tant d'autres de son temps, sa carrière d'artiste
par le métier d'orfèvre. Se tournant ensuite vers la peinture et devenu l'élève de Fra Angelico, il
l'avait suivi à Rome, à Orvieto, où il avait peint la chapelle de la madone de San Brizio (1447).
Puis il se rendit seul à Montefalco en Ombrie et à Pérouse (1456). En 1459, il commença la chapelle
du palais Riccardi; en 1464, il vint à San Gimignano.

Pour écarter de leur ville la peste qui ravageait la Toscane, les Gimignanais s'étaient adressés

1. Cet enthousiasme a gagné les dessins, d'ailleurs tort intéressants, qui illustrent le texte. Alors qu'on trouve dix-sept belles tours
dans la gravure qui représente l'ensemble de la ville, nous en avons sur les lieux mêmes compté dou^e à peine, dépassant la ligne basse des
maisons.

2. Cette date résulte des déclarations faites par Lèse, père de Benozzo, au registre de la Taille en 1430 et 1433. Benozzo est déclaré
âgé de dix et de treize ans. M. Milanesi fait judicieusement observer qu'un père ne pouvait se tromper sur l'âge d'un fils si jeune. Les annota-
teurs de Vasari, se fondant sur une déclaration de biens faite par le père de Benozzo en 1470, assignaient 1424 comme date de sa naissance.
Leur opinion est à rejeter. (Voy. Vasari, éd. Milanesi, t. III, p. 46.)
 
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