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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Mongeri, Giuseppe: Le résidence d'un patricien milanais au commencement du XVIe siècle, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0260

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236

L'ART.

colossale d'orfèvrerie ciselée; on n'a pas à craindre d'en être
ébloui, on en est seulement frappé, comme d'un éclat mobile
et vivant qui se meut dans cette atmosphère tranquille et
lumineuse.

L'or commence par s'appliquer aux larges feuilles des
chapiteaux et du gorgerin dont elles se détachent, il en couvre
les fleurs, il suit les listels des volutes et de l'entablement. De
là, il s'élève et rayonne par bonds, par flaques, par simples
traînées de points le long des saillies, des arcatures et des
corniches des fenêtres; il s'étend sous le portique, sur les
voûtes des arcades qui relient les colonnes aux murs; il revêt
les chapiteaux en pendentifs qui soutiennent ces arcades et
qui correspondent à ceux des colonnes; il couvre les rosaces
des grandes et des petites voûtes; il jette ses scintillements
sur les cordons qui s'y emmêlent, sur les branches de lierre
qui s'y développent. Puis il se montre de nouveau à découvert,
il s'attache aux corniches, aux moulures; il s'y enchevêtre avec
une volubilité pleine de fougue et de délicatesse, frappant
d'une touche légère les feuilles, les rosettes, les oves, les
fuseaux, les perles; il n'oublie pas les ornements peints sur
les panneaux et la frise; de là, il monte en semant de lignes
transversales les espaces où se joue et se déchaîne la joyeuse
bande des enfants. Il n'oublie pas les figures, il borde leurs
vêtements d'un mince filet et pique au milieu des étoffes
des fleurs et des arabesques : sur les instruments, sur les
saillies, sur les accessoires, partout il dépose des points
brillants. Il n'y a pas un endroit, ayant besoin d'être relevé
par un accent, d'attirer l'œil un instant, auquel l'artiste n'ait
accordé l'honneur de ce précieux éclat métallique. C'est ainsi
qu'il se répand partout, qu'il inonde tout sans fatigue, avec
une sorte d'orgueil de se montrer à découvert dans une har-
monie générale qui rappelle celle d'un ciel constellé de mille
lueurs frémissantes.

Suivant l'esprit qui présidait à cette restauration, les lettres
de l'inscription gravée sur la grande frise au-dessus du toit ne
pouvaient être oubliées; aussi ne le furent-elles point, lien
résulta que, l'œuvre une fois accompli, l'œil fut vivement
frappé de cette légende. Nous n'avons plus qu'à la transcrire
pour le lecteur dans son texte et avec ses lacunes, telles qu'on
les voit sur les trois côtés que le temps a respectés. Elle est
ainsi conçue :

virtvs s* vitae un inck1ias cm fides.
oi> na ur. ambkosio <*» ai.iprando ^ a .\ ZN :
ml st ara comites vthae... un aedes.

L'art a donné au sens de la vue tout ce qu'il était en son
pouvoir de lui procurer. Il ne reste plus maintenant, avec le
secours de l'inscription, qu'à interroger l'histoire, elle nous
apportera plus de lumière.

L'inscription, dans son état actuel, n'a pas encore ren-
contré son Œdipe. Trois points seulement sont devenus clairs ;
le nom d'Ambrogio Aliprandi est celui d'une ancienne et
noble famille milanaise, qui prétendait descendre des rois
lombards; ses éminentes qualités morales, parmi lesquelles on

peut compter sa foi religieuse, son sentiment de solidarité à
l'égard de ses collègues les comités — c'est ainsi qu'on inter-
prète le mot comités, qui prend ici, en ce qui concerne
Aliprandi, une signification spéciale comme s'il offrait à
ses collègues la dédicace de la décoration de sa propre
demeure.

En effet, si on regarde le blason qui est représenté dans
les petits claveaux des arcs du portique, et même dans celui
de la grande porte sur la rue, on s'aperçoit tout de suite que
les armoiries ne sont pas celles de la famille Aliprandi, mais
celles de la famille Bigli, à laquelle la rue doit son nom. Sans
nous permettre des conjectures qui nous éloigneraient de
notre sujet, nous sommes autorisé à conclure que certainement
l'édifice a été construit par un Bigli, peut-être vers 1490, et
que, au commencement du siècle suivant, il passa en la posses-
sion des Aliprandi, ou par acquisition directe, ou par offrande
des comités.

L'imagination une fois lancée dans cette voie, rien ne vient
l'en détourner; au contraire, les secours lui arrivent de toute
part.

Les mémoires de cette époque sont remplis du nom de
cet Ambrogio Aliprandi et de toute sa famille; ils en font un
personnage important de la cour des Sforza, d'abord conseiller
du malheureux Giovanni Galeazzodont la couronne et la
vie furent vainement défendus parle roi de France, Charles VIII,
contre les usurpations de son oncle Lodovico. Aliprandi
devait être déjà né vers 14'jo. C'est son père qui doit s'être
associé à Bernardo de Sienne - dans l'entreprise de la pacifica-
tion des familles prêchée deux fois à Milan par ce religieux
franciscain; la seconde de ces prédications eut lieu en 1421).
Les Bigli, aussi, devaient être enrôlés dans cette milice de la
paix. C'est à cette circonstance qu'est dû le symbole du
Chrisma rayonnant que nous avons vu plusieurs fois reproduit
sous l'atrium et dans divers endroits delà cour. Cet Aliprandi,
à ce qu'affirment d'anciens documents, fut un jurisconsulte
éminent:t, inscrit dans cette corporation, conseiller de justice
et sénateur; et ce rôle en ce temps de ruse et de violence,
auprès d'une cour comme celle des Sforza, fréquentée par les
poètes et les artistes, donne lieu de penser que ce n'était pas
un personnage vulgaire et qui pût se contenter de l'exercice
de la justice sans y ajouter le culte des lettres et l'amour des
beaux-arts. Un poète milanais de cette époque, célèbre huma-
niste, qui fréquentait la cour de Louis le More et dont l'amitié
pour le magistrat ne pouvait pas être une vaine formule, dans
son poème : Ad Mediolamim Patriam, a fait sans le nommer
des allusions si transparentes à Aliprandi, que tous nos histo-
riens se sont empressés de l'y reconnaître. C'est lui qui, après
avoir évoqué la mémoire de Lycurgue et de Solon à propos
du collège des jurisconsultes milanais, le met à leur tête, dis-
court à son sujet, fait son portrait physique et moral, parle de
sa salle d'affaires, de son cabinet, comme nous dirions aujour-
d'hui, et le traite enfin comme un citoyen et un homme de
loi *.

C'est avec une conviction complète que nous indiquons

1. Crescenzi, Anfiteatro Romano. Milano, 1647.

2. Acta Sanctorum, collecta a Henscheuo et Papebrochio. Antverpiie, iôS5.

3. De Sitonis de Scotia, Theatrum equestris nobilitatis secundo: Romte. Mediolani, 1700. — Argellati, Bibliotheca scriptorum Mediolanensium. Mediolani, 1745.

4. Pra: rapido incessu, nutusque, manusque loquentem

Nec tanto ore astus; meditantem et semper agentem
Res ex re memorans : timeo ne litibus urbem
[mplicatam accusare malus videar; numerum sed
Ingentem excuset populus numerosior, et quai

lu populo surgunt numerosa negotiu, et adde
Quod superet quemvis ubicumque notarius est, qui
Causidicorum e cetu est ille notarius idem
Qu;eque rogatus agit, testatur acumine eodem
Cancellos (scu septa) frequens atque excolet ordo
Porticum uti consultas adit qua, sede parata,
Desidct et miseros satagit relevare clientes.

(Lancini Curtii Sylvarum liber ]. Mediolani, i53q, p. tS.)
 
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