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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Chronique étrangère
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Nécrologie
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https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0059

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48 L1

L'inauguration des nouvelles galeries du Muse'e moderne a
eu lieu à Bruxelles le lundi 2 avril, à deux heures. Le Roi et la
Reine y assistaient.

M. Joseph Dupont, l'habile chef d'orchestre du théâtre
royal de la Monnaie et des Concerts populaires de musique clas-
sique à Bruxelles, a eu l'excellente ide'e d'organiser un concert
spécialement consacré à l'audition d'œuvres symphoniques de
Richard Wagner, et notamment de quelques fragments de la
tétralogie l'Anneau du Nibelung, représentée à Bayreuth en
août 1876. La chevauchée des Walkures, les adieux de Wotan
à Brunnhilde, fragments du 3° acte de la Wuïkure, et la marche
funèbre du 3 e acte de Siegfried, formaient naturellement le
principal attrait de ce concert, auquel les ouvertures du Vais-

.T.

seau fantôme, de Tannhœuser, de Lohengrin et des Maîtres chan-
teurs de Nuremberg ne laissaient pas d'ajouter un vif intérêt,
bien que le public bruxellois y soit initié depuis quelque dix
ans. Le succès de cette séance extraordinaire a pris de telles
proportions qu'après quinze jours, le 18 mars, il a fallu bisser
le concert tout entier, et que, depuis, toutes les grandes villes de
Belgique se disputent M. Joseph Dupont, son orchestre de 120
instrumentistes et son programme exclusivement wagnérien.
Nous avons sous les yeux des lettres de Bruxelles qui sont en
quelque sorte des symptômes de délire walkyrique et qui attestent
la profonde impression produite par ces quelques citations de
l'œuvre de Bayreuth, et par l'interprétation, car, de l'aveu de
tous les auditeurs, l'orchestre et son chef se sont surpassés.

NECROLOGIE

Le peintre du Choral de Luther et de la Foire aux
servantes, l'Erckmann-Chatrian de la peinture, s'est suicidé
le 31 mars. Cette funèbre nouvelle a consterné le monde
artiste. L'article suivant de M. Philippe Burty, dans la
République française, explique cette fatale résolution en
résumant la vie et l'œuvre du sympathique artiste :

« Le peintre Charles Marchal, l'aimable et sensible
peintre des mœurs populaires de notre chère Alsace, a été
trouvé mort, samedi, dans son atelier. On l'avait vu rentrer
quelques heures avant, le sourire sur son visage cordial et
des paroles tranquilles sur les lèvres. Il avait écrit à ses
meilleurs amis quelques lettres d'adieu, s'était étendu sur
son lit et s'était fait sauter la cervelle.

« Triste mort ! à laquelle auront peine à croire ceux
qui ne savaient point le secret d'une existence qu'avaient
atteinte des déboires, amers assurément, mais ne légitimant
pas une aussi terrible résolution !

« Sa vue s'affaiblissait. Il ne travaillait plus et n'avait
rien de prêt pour le prochain Salon. Il supportait avec
impatience que les jurys ne l'aient point porté pour une
médaille supérieure à celle qu'il avait obtenue en 1875, et
que l'administration ne lui ait point accordé une décora-
tion que d'autres lui semblaient avoir moins méritée. Il
n'avait point reconquis le succès auprès du public depuis sa
Pénélope et sa Phryné du Salon de 1868. La vie s'était
faite dure pour lui, qui avait eu, jusqu'à ces derniers
temps, à faire honneur à de lourdes charges de famille.
Mais tout cela était supporté sans amertume apparente,
avec une bravoure d'allures toute parisienne, à laquelle ce
triste dénouement imprime un rare caractère.

« Charles Marchal était né à Paris, rue de Ménars,
dans une loge de concierge. Les livrets d'expositions le
font élève de François Dubois et de l'atelier Drolling. Ses
premiers envois sont, à notre connaissance, en 1852 et en
1853, un Malentendu et un Van Dyck dans l'atelier de Ru-
bens. En 1855, il commençait à se débrouiller. La vie mo-
derne l'attirait. Il dessinait un Retour du bal masqué. En
1857, la Fête de la mère, — un ouvrier maréchal-ferrant
qui embrasse sa vieille mère et va lui faire la surprise d'un
gros bouquet, — attira sur son œuvre l'attention de la cri-
tique. Ses vrais, ses légitimes succès furent, en 1861, un
Intérieur de cabaret, un Jour de fête che^ les paysans de
Bouxvillers (Haut-Rhin); le Choral de Luther (1863);
la Foire aux servantes (1864); le Printemps (1866). Mar-
chal s'était épris de ces gars aux larges épaules, de ces filles

aux longues tresses, de ces parents aux visages calmes, aux
gestes affectueux. Les costumes de l'Alsace et ses doux
paysages ne l'emportent point sur les caractères spéciaux
de la race, ses passions, ses instincts, ses traditions. Mar-
chal avait un esprit fin et naïf à la fois. Il s'est résumé dans
la mise en scène et dans les épisodes de cette Foire aux
servantes à Bouxvilliers, où les fermiers passent, en gogue-
nardant, entre la double file des blondes et des brunes.
C'est à ce moment que Marchal devait recevoir cette croix,
si libéralement accordée aux tableaux sans portée et sans
âme ! Malheureusement, Charles Marchal, pour obéir à
ces recherches de «style» qui dévoient notre école, Charles
Marchal quitta l'Alsace. Ses deux pendants du salon de
1868, une Pénélope glacialement vertueuse et une Phryné
glacialement provoquante, obtinrent un succès de vogue,
mais rentraient dans la série banale des illustrations à effet.
Le Soir et le Matin en Alsace furent un effort plus labo-
rieux que réussi pour reprendre pied sur la terre sacrée.
Celle-ci devait cependant encore lui porter bonheur une
fois : Charles Marchal a dirigé la mise en scène, le décor
et le costume de l'Ami Frit^. Le souvenir de ce loyal et
aimable homme restera intimement lié au succès d'une
pièce qui est, à vrai dire, une paraphrase de son œuvre. »

Dans une des préfaces de son théâtre complet, M. Du-
mas fils raconte certaine promenade en barquette à Saint-
Ouen, qui lui a inspiré un des épisodes les plus heureux
de son roman l'Affaire Clémenceau. Charles Marchal en
était. La préface lui est même dédiée. L'écrivain rappelle
au peintre que chacun d'eux avait fait serment de tirer
parti du spectacle entrevu pendant cette promenade, à tra-
vers les branches qui ne masquaient qu'à demi un groupe
de baigneuses folâtrant sur la rive. Il lui reproche amicale-
ment de n'avoir pas tenu sa promesse. Charles Marchal est
mort sans faire honneur à cette promesse. L'a-t-il oubliée,
ou bien a-t-il vainement essayé de fixer sur la toile l'im-
pression qui l'avait frappé? S'il avait persévéré, qui sait si
ce motif ne lui eût pas apporté ce regain de succès qui lui
a manqué, et rendu un peu de cette vogue dont la capri-
cieuse infidélité l'a brusquement précipité dans un irrémé-
diable désespoir ? Charles Marchal n'avait pas cinquante ans.

— M. Madou, le célèbre peintre belge, est mort le
3 avril des suites d'une syncope dont il a été frappe le
3 1 mars, à l'ouverture de l'exposition annuelle de la Société
royale belge des aquarellistes, dont il était depuis long-
temps le président.

Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
 
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