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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Yriarte, Charles: Goya aquafortiste, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0094

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GOYA AQUAFORTISTE

(fin)i

renons encore un autre exemple avant d'accepter les légendes
courantes et les opinions toutes faites. La planche f y représente
« une vieille femme horrible, en robe de chambre, assise devant
sa toilette élégante, posant sur sa tète un pouff au sentiment, et
minaudant devant le miroir qui reflète son horrible face. Deux
galants attendris, en face de tant de charmes, roulent les yeux
et lui envoient des baisers; une jeune camériste, les coudes sur la
table, étouffe son rire en face de cette scène grotesque. »

Il est de notoriété publique que l'artiste, en écrivant sous
cette satire ces rudes paroles, si énergiques dans leur concision :
Hasta la Muerte, « Jusqu'à la mort », a voulu flétrir la coquet-
terie sénile de la vieille comtesse de Benavente, mère de la
duchesse d'Ossuna, qui ne voulut jamais désarmer et qui, la face
fardée sous la perruque, et le visage couvert de poils, minaudait
aux jeunes galants.

On voudrait voir aussi dans la planche 62, Quien lo creyera!

Lettre de Mitelli 2.

« Qui le croirait! » représentant deux épouvantables sorcières enle-
vées dans l'espace et s'arrachant les cheveux dans une terrible lutte, la même duchesse et une
autre plus célèbre encore (qu'on peut nommer puisqu'on ne peut prononcer le nom de Goya
sans y accoler le sien) : la duchesse d'Albe, échangeant des horions avec sa rivale qui lui dispu-
tait les faveurs de Costillares et de Romero, deux toreros du temps, les premières spadas de la
pla\a de Toros de Madrid.

Les objections sautent aux yeux. C'est en 1788, en plein règne du pieux et sage Charles III,
que les deux grandes dames ont donné ce scandale à la cour; et Goya exécutait ses eaux-fortes
de 1793 à 1797; ce qui fait qu'en somme l'actualité n'est pas flagrante. Ensuite,, pour ce qui con-
cerne la duchesse d'Albe, l'année même où Goya gravait cette planche-là, il peignait d'après
nature ce beau portrait en pied que nous avons fait graver dans notre ouvrage et qui figure
encore au palais de Liria. Il n'est donc pas très-probable qu'il choisit ce moment pour la repré-
senter en sorcière, vieille, hideuse et nue comme la main. Allons plus loin et soyons tout aussi
impartial : il y a cependant des chances pour qu'il ait réellement pris un moment le parti de
l'une contre l'autre parce que, pour ne point cacher aux lecteurs ce que personne n'ignore, Goya
était du dernier bien avec la duchesse pendant l'année 1793, et exécuta pour elle deux eaux-fortes
(qu'il a supprimées dans l'œuvre) où, pour plaire sans doute à celle avec laquelle il vivait à San
Lucar, il avait traité un peu vivement sa rivale. Or, s'il a supprimé les planches, — qu'on n'a
jamais retrouvées, mais dont Cardéréra a eu une épreuve, — à plus forte raison eût-il supprimé
cette dernière, beaucoup plus cruelle que les deux autres.

Pour ce qui est de la Benavente, les âges ne concordent pas; il avait toujours le droit de
vieillir ou de rajeunir à son gré les personnages, je le sais bien, mais c'est en tout cas terriblement
diminuer ou exagérer la portée d'une allusion à la coquetterie d'une femme que de faire d'une
vieille une jeune, ou d'une Vénus une sorcière. Il faut considérer encore que Goya était le familier

1. Voir l'Art, 1° année, tome II, pages j, }) et 56.

2. Tirée de VAlfabeto in sogno, exemplareper disegnare, di Giuseppe M* Mitelli, pittore Bolognese. MDCLXXXIII.
 
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