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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Hymans, Henri: La planche des armoiries de Bourgogne
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https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0259

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LA PLANCHE DES ARMOIRIES DE BOURGOGNE

es œuvres artistiques n'ont pas plus que les livres le
a 60a privile'ge d'échapper à cette destinée dont parle le poëte.
2^=31 Que d'individualités, que d'écoles entières, tour à tour
encensées, perdues dans l'oubli, pour renaître à de nouveaux
honneurs après de longues périodes d'indifférence ! Et si notre
examen s'arrête aux œuvres multipliées par l'impression, com-
bien il s'en révèle dont à peine quelques spécimens survivent à
une diffusion que nous savons excessive et qui méritent un
examen d'autant plus attentif qu'ils nous parlent d'un passé plus
lointain !

Notre époque, — il faut le dire à son honneur, — s'est
montrée plus soucieuse qu'aucune autre de rendre aux manifes-
tations artistiques du passé leur place légitime, et nous ne pen-
sons pas qu'aucun art ait plus que la gravure excité l'intérêt des
archéologues.

C'est que, jusqu'à ce jour, un insondable mystère enveloppe
les origines, — encore si rapprochées, — de ce procédé curieux.
Il semble que le hasard se plaise à compliquer le problème.
Chaque nouvelle découverte déroute les chercheurs. On voit
surgir alors des théories plus ou moins ingénieuses qui bientôt
auront à soutenir l'assaut d'une nouvelle critique, et qui demain
peut-être seront à leur tour réduites à néant. Nous n'en
pourrions citer de meilleur exemple que l'estampe que nous
plaçons sous les yeux du lecteur.

La planche des armoiries de Bourgogne a dès longtemps
pris place parmi les productions les plus importantes de la gra-
vure en métal à ses débuts. Non-seulement elle se distingue
parmi les œuvres primitives, par la combinaison d'une belle
donnée ornementale avec un sujet qui restreint dans d'étroites
limites la période probable de son exécution, mais elle imprime
aux recherches une direction plus précise que d'autres travaux
de la même époque. Notons ensuite que ce résumé pompeux
des possessions du duc de Bourgogne, — car telle est en réalité
sa signification, — passa directement d'un recueil de la Biblio-
thèque dite « de Bourgogne1 » au Cabinet des estampes de
Bruxelles, et enfin qu'aucun autre cabinet n'a signalé la
présence d'une seconde épreuve tirée de la planche. C'est sans
doute plus qu'il n'en faut pour donner un intérêt considérable
à l'œuvre qui nous occupe.

C'est en 1859, une couple d'années après leur découverte,
qu'il fut d'abord question des armoiries de Bourgogne. Dans
une notice très-approfondie, qui parut dans les Bulletins de
l'Académie royale de Belgique2, M. Alvin fit connaître les
circonstances de sa trouvaille et le résultat des recherches qu'il
avait faites pour arriver à lui assigner une date probable.

Si par le style, et mieux encore par la devise du duc
Charles le Téméraire : Je lay Emprins, l'estampe se classait
d'emblée entre les années 1467 et 1477, il n'en était pas moins
d'une importance considérable de mieux préciser, s'il était
possible, la date de son exécution. Une étude attentive des
blasons représentés par le graveur permit à M. Alvin de res-
treindre à un maximum de cinq années la période probable de
la production de l'estampe. Et, en effet, Charles le Téméraire
ayant pris possession du duché de Bourgogne en 1467, n'acquit
qu'en 1472 le duché de Gueldre et le comté de Zutphen. Or, les

blasons de ces deux provinces ne figurent point dans l'estampe,
qui se trouve être ainsi, par une déduction logique, antérieure
à 1472. M. Alvin constatait ensuite la présence de l'écu du
Charolais, alors que dans aucun des diplômes connus du fils de
Philippe le Bon, après son avènement, ce titre n'a subsisté.
L'auteur était ainsi amené à désigner l'année môme de l'avéne-
ment de Charles le Téméraire, comme date probable de l'exé-
cution de la planche.

La découverte fit naturellement sensation dans le monde
des iconophiles, et l'on assista pendant plusieurs mois à un
intéressant débat, auquel prirent part en France, en Allemagne
et en Belgique, des hommes d'une compétence reconnue.
Le différend s'engagea surtout à propos de l'attribution de la
planche, donnée par les uns au maître de 1466 lui-même, par
d'autres à son école, attributions du reste contestées d'autre
part. On vit successivement entrer dans l'arène M. Harzen, un
amateur très-érudit, dont la collection appartient actuellement à
la ville de Strasbourg; M. Renouvier, l'auteur bien connu du
beau livre sur l'Histoire de l'origine et des progrès de la gravure
dans les Pays-Bas; M. Passavant, le directeur du Cabinet de
Francfort, et le continuateur de Bartsch, M. de Brou, conserva-
teur des collections du duc d'Arenberg.

Sur la question de date l'on différait peu. « Point de doute
possible à cet égard, écrivait notamment M. de Brou3, c'est
l'âge que nos recherches personnelles, communiquées à M. Alvin,
avaient permis d'assigner, c'est-à-dire qu'elle doit avoir été

gravée entre les années 1467 à 1472, peut-être 1473..... »

M. Harzen, qui pendant un séjour à Bruxelles avait assisté à la
découverte de la pièce, allait plus loin encore. M. Alvin avait
émis l'opinion que parmi les nombreuses estampes rangées fort
arbitrairement dans l'œuvre du maître E. S., de 1466, il s'en
trouvait dont le faire se rapprochait de celui de la planche aux
armoiries de Bourgogne. M. Harzen était plus catégorique.
« M. Alvin vient de trouver dans un manuscrit de la Biblio-
thèque de Bourgogne une pièce inconnue jusqu'ici du maître
de 1466... », écrivait-il4, et dissertant ensuite sur la nationalité
de ce maître célèbre, tour à tour revendiqué par l'Allemagne, la
Flandre et la Hollande, il crut pouvoir en faire un Valencien-
nois, cité par Jean Lemaire dans ce passage de sa Couronne
Margaritique :

..... J'ay ouvriers dont la main sage et caute

Saura très bien platteforme eslever,
Bien estamper, bien soulder, bien graver.

Lors un Valenciennois,
Gilles Steclin, ouvrier fort authentique,
Lui dit aussi : Maistre, tu me congnois.
Quand Mérite oy parler Gilles Steclin :
Certes, dit-il, tu t'avances à bonne heure;
Mais il convient, pour entente plus meure,
Prier ton père aussi qu'il y besongne ;
Car chacun sait la main fort propre et seure
De Hans Steclin qui fut né à Coulongne.

Gilles Steclin était donc Valenciennois, fils d'Allemand,
signant indifféremment Egidius ou Gilles, de là E. S. ou G. S.,
initiales que M. Harzen avait cru lire sur la célèbre Vierge
d'Einsiedlen. Steclin n'était qu'une corruption de Stecher,
graveur.

1. La Bibliothèque de Bourgogne forme une section de la Bibliothèque royale de Belgique.

2. 2e série, tome VI, et Revue universelle des arts, tome IX.

). Revue universelle des arts, tome IX : Le Graveur de 'an 1466 et les grandes armoiries de Bourgogne.
4. Archiv fur die Zelehnende Kttnsten, V, et Revue universelle des arts, IX.

Tome IX.
 
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