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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Hymans, Henri: La planche des armoiries de Bourgogne
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https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0260

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234

L'ART.

Cette ingénieuse combinaison, reprise avec uiï|~certain
empressement par M. Renouvier, ne réussit pas cependant à
persuader ni lui-même, ni d'autres connaisseurs de l'attribution
de notre estampe au maître de 1466. M. Al vin fut lui-même
des premiers à combattre les vues de M. Harzen, ce que firent
également MM. Passavant, de Brou et Alexandre Pinchart,
dans ses excellentes notes au livre de Crowe et Cavalcaselle sur
les Anciens peintres flamands. M. Renouvier considérait les
armoiries de Bourgogne comme produites dans l'atelier du
maître de 1466, tandis que M. Passavant, se fondant sur la
liberté d'allures de certaines parties de la planche1, la donnait à
un maître néerlandais encore inconnu. « Vouloir en désigner
un, disait avec raison de son côté M. de Brou2, ne serait guère
chose facile, surtout si on tenait à le faire avec certitude. Les
documents nécessaires à cet effet sont insuffisants, et l'histoire
de la gravure sur métal aux Pays-Bas au xve siècle est encore
très-peu élucidée et quasi à l'état d'enfance. Plus sage serait de
s'abstenir et d'attendre, au lieu de produire une attribution erro-
née, laquelle n'aurait pour résultat que d'égarer l'investigateur. »

Un silence de près de vingt années pouvait faire considérer
le débat comme clos. L'on avait vainement attendu l'apparition
d'une nouvelle épreuve. Il se produisit mieux que cela : une
nouvelle version des armoiries de Bourgogne, et comme consé-
quence une nouvelle controverse.

La planche se présentait au public sous un fort respectable
patronage : celui de M. Pinchart, des Archives générales du
royaume, collaborateur de l'Art, et depuis plus de trente ans
le possesseur de l'œuvre.

Appliquant à l'estampe nouvelle les arguments développés
autrefois par M. Alvin, M. Pinchart a cru pouvoir la substituer
dans tous les droits de l'ancienne, et se fondant, en outre, sur un
certain nombre de différences matérielles, l'auteur n'hésite pas
à considérer sa planche comme l'œuvre type dont l'estampe de
la Bibliothèque royale serait la copie.

Inutile d'insister sur l'importance d'une pareille affirmation
après les études provoquées par l'œuvre de la Bibliothèque.

Voici en effet une planche que les iconophiles les plus ex-
perts ont examinée en original ou en fac-similé. Divisés quant
à l'attribution de l'œuvre, ils sont cependant d'accord pour la
classer, comme on l'a vu, parmi les pièces primitives. M. Harzen,
dans une lettre insérée par M. Alvin, dans sa notice lue à l'Aca-
démie, déclare que pour lui, sans aucun doute, il s'agit d'une
œuvre du maître de 1466. Waagen, qui de son côté exprime ses
vues après avoir consulté MM. Sotzmann et Stoto, déclare que
« l'estampe peut servir à fixer approximativement l'époque de
quelques graveurs qui portent le cachet de l'école de Van Eyck».
Ce qui concorde avec l'opinion de M. de Brou que l'estampe est
« d'une extrême importance pour l'histoire de la gravure
en taille-douce à l'époque de la naissance de cet art aux
Pays-Bas3 », et cette pièce tant vantée ne serait après tout
qu'une copie ! On voit que nous avions raison de dire en com-
mençant que les œuvres d'art ont bien aussi leur destinée!

La nouvelle planche aux armoiries de Bourgogne se dis-
tingue sous plusieurs rapports de celle que nous reproduisons.
L'imperfection matérielle du travail y est évidente. Les profils
alourdis des lions héraldiques, l'absence de symétrie et de pré-
cision des détails d'architecture et plus encore la maladroite
tournure des deux saints patrons de la Toison d'or , saint
Georges et saint André, placés au sommet des colonnes, nous
parurent des causes évidentes d'infériorité pour cette planche.
Des modifications matérielles nous fortifiaient dans cette opinion
que l'auteur s'était efforcé sans trop de succès à traduire l'œuvre
commune.

M. Pinchart nous apprend en quoi sa planche diffère de
celle de la Bibliothèque 4.

« Certaines différences sont à constater entre l'épreuve de la
Bibliothèque royale et la mienne, écrit-il. La figure de saint
André d'abord, qui dans celle-ci regarde en dehors, comme
saint Georges, et tourne conséquemment le dos à ce dernier,
tandis que l'autre image de saint André regarde à droite et dans le
même sens que saint Georges. En second lieu, les lions léopardés
de l'écusson de Frise sont posés l'un sur l'autre sur un champ
semé de besans, dans un sens inverse du véritable. Ils marchent
de gauche à droite. Le copiste (c'est-à-dire l'auteur de la planche
de la Bibliothèque royale) a rectifié cette erreur et les a dessinés
allant de droite à gauche. Une autre encore, assez notable aussi,
est que le champ sur lequel est placée la devise: Je lay Emprins,
n'est orné de flammes qu'aux deux extrémités. »

L'article de M. Pinchart nous fait connaître, en même
temps que l'opinion de son auteur, celle de M. de Brou, dont on
a vu la part active dans le débat provoqué par la découverte de
M. Alvin. « En comparant votre estampe à celle de la Biblio-
thèque, écrivait M. de Brou à notre savant collaborateur, d'ins-
tinct on distingue l'œuvre prototype de la reproduction.d'ail-
leurs les variantes qui existent entre les deux estampes viennent
d'elles-mêmes plaider en faveur de la vôtre. Le copiste a corrigé
son devancier. »

Au fond, il n'y a rien de bien extraordinaire dans ce fait d'une
copie passant pour une œuvre originale et vice versâ. Pour n'en
citer qu'un exemple éclatant, rappelons que l'original du célèbre
Crucifiement d'Albert Durer, gravé pour le pommeau d'épée de
l'empereur Maximilien, fut longtemps dédaigné, tandis qu'à sa
place un prix excessif était attribué à une des copies signalées
par Bartsch. Mais il s'agissait, dans l'espèce, d'une planche ayant
à peine deux centimètres et demi de diamètre, et dont la copie
était assez fidèle pour tromper même un connaisseur comme
Bartsch, qui était lui-même un graveur d'un vrai mérite.

Rien de semblable dans le cas des armoiries de Bourgogne
dont il serait bien difficile de confondre les deux planches. On a
vu sur quelles différences matérielles s'appuient MM. Pinchart
et de Brou. Il y a, pour ce dernier, des preuves plus évidentes
encore en faveur de l'antériorité de la planche. « L'auteur de
votre estampe, écrit-il à M. Pinchart, est peut-être un moins
habile buriniste que celui de la planche de la Bibliothèque
royale, mais il est, par contre, bien plus original, plus simple et
plus coloré dans ses tailles, lesquelles sont toujours très-libres
et fort pittoresques, tandis que son copiste quoique étant fort
précis est toujours plus sec et plus froid. »

Rapprochons ce nouveau passage de ceux que nous con-
naissons déjà, et nous constatons que, pour M. de Brou comme
pour M. Pinchart, l'auteur de l'œuvre récemment découverte
est appelé à bénéficier de ses imperfections. Fautes de blason
et incorrections de dessin doivent être envisagées comme ces
écarts que l'on pardonne à un Rembrandt ou un Goya en faveur
de leur originalité. Nous doutons fort que ces arguments par-
viennent à rallier les amateurs aux vues de nos honorables
devanciers, malgré la conviction exprimée par M. de Brou, qu'il
n'est pas un iconophile un peu expert qui puisse hésiter à re-
connaître comme il le fait l'original de la copie.

La gravure à ses débuts n'était pas ce qu'elle est devenue
par la suite : un art de reproduction ; et plus d'un siècle s'écoule
avant que l'on ne voie apparaître les traductions, par le burin,
d'œuvres peintes ou sculptées. L'on ne pourrait citer à cette
règle que de très-rares exceptions, surtout parmi les travaux
produits de ce côté des Alpes. A toutes les époques, par contre,
nous trouvons des copistes, et personne n'ignore qu'il y en a

1. Passavant. Peintre-Graveur, II, page 271.
1. Revue universelle des arts, IX, page 431.

3. Revue universelle des arts, IX, page 432.

4. Alex. Pinchart. La plus ancienne gravure sur cuivre faite aux Pays-Bas. {Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, rj« année, page 228.
Bruxelles, 1876.)
 
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