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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Carr, J. Comyns: La saison d'art à Londres, [3], La Royal Academy
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https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0325

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LA S.AISON D'ART A LONDRES

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Lettre du chevalier K. A. Petitot,
gravée par Bossi.

LA ROYAL ACADEMY2

11

eut-ètre n'est-il rien de tel qu'un sujet de genre pour donner la mesure
exacte d'un peintre, de son goût, de sa distinction. Il est si facile, en
pareil cas, d'obtenir un succès sans la moindre idée d'art. En Angleterre,
il faut bien le dire, la tentation est plus forte que partout ailleurs, parce
que l'expression des sentiments domestiques et la reproduction du costume
contemporain suffisent à une grande partie du public anglais, peu inquiète
des moyens employés et indifférente à la beauté de la peinture. Ce
public se plaît aux scènes pathétiques, il contemple avec délices les
petites douleurs de la vie intime, il s'intéresse avec une sorte de volupté
au sort des malheureux pleurant dans leur pauvre logis d'attendrissantes
larmes ;-telle est la caractéristique du goût moderne aussi bien dans la littérature que dans l'art,
et c'est dans l'art surtout que ce goût a exercé la plus déplorable influence. L'attraction du sujet
a détourné les peintres de la peinture elle-même, et leur a fait oublier et négliger dans la nature
les qualités essentielles que l'art est appelé à rendre.

Aussi devons-nous de la reconnaissance aux artistes qui traitent d'un point de vue réellement
artistique les divers aspects de la vie, qui cherchent à exprimer l'élégance de l'attitude, du geste,
du mouvement, et observent attentivement les délicatesses de la forme et ces beautés de la
couleur que la peinture sentimentale juge indignes de ses préoccupations. Cette année, il nous
faut remercier et féliciter M. Orchardson de son tableau the Queen of Swords (la Reine des
épées), une œuvre qui se signale par une distinction et une dignité toujours fort rares dans la
peinture de genre, mais surtout à l'époque actuelle. Une danse pittoresque du siècle dernier lui a
fourni un thème qui eût paru insignifiant à tel autre peintre, mais qui lui a inspiré à lui des
trouvailles exquises d'élégance et de grâce. L'observation féconde d'un véritable artiste abonde
ici en précieux résultats. La composition, bien que compliquée d'un assez grand nombre de
personnages, n'en a pas moins un grand charme de fraîcheur et de simplicité. Il y a une
certaine dignité altière dans toute la personne de cette jeune femme qui passe, hère en son
allure, sous le dernier arceau des épées étincelantes ; elle a conscience, non pas de notre
admiration, mais de l'admiration de ceux qui l'entourent. Les danseuses s'avancent avec une
grâce aisée et inconsciente sous la voûte d'acier, et leurs galants cavaliers tout entiers à
leur rôle, et très-appliqués à maintenir les épées croisées au-dessus de ces jolies tètes, se
tiennent sans apprêt dans une parfaite liberté d'attitude, dont l'art offre infiniment moins
d'exemples que la nature, celle-ci ne livrant les secrets de sa beauté qu'à ses observateurs les plus
attentifs et les plus fidèles. Il est relativement facile de saisir et de rendre tel moment particulier
d'émotion, de peindre le rire ou les larmes, de telle sorte que personne ne puisse se méprendre
sur les intentions du peintre; il l'est beaucoup moins de reproduire dans une œuvre d'art cette

1. Voir l'Art, j° année, tome II, pages 241 et 265.

2. Voir l'Art, }' année, tome II, page 241
 
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