L' art: revue hebdomadaire illustrée (3.1877 (Teil 2))

L'ORNEMENTATION

ET

L'ILLUSTRATION DES LIVRES EN

FRANCE

PARTICULIEREMENT AU XVIIIe SIÈCLE

e goût des livres illustrés est déjà bien ancien, et les amateurs enthou-
siastes de figures ont de nombreux ancêtres ; on peut même dire, sans
crainte de tomber dans le paradoxe, qu'avec le premier manuscrit est
née l'ornementation du livre. Sans remonter jusqu'à l'antiquité pro-
prement dite, il nous suffira de prendre pour point de départ les
premiers siècles du moyen âge ; à cette lointaine époque, l'ornementation des
manuscrits, à la fois archaïque et rudimentaire, s'inspire à peu près exclusivement
de l'art byzantin, lui-même dernière émanation directe de l'art antique. Le caractère
en est ou religieux, comme dans les évangéliaires, les antiphonaires, ou simplement
ornemental, comme dans les copies faites dans les monastères de ce qui a survécu
des classiques grecs et latins. Peu à peu, l'art s'émancipe et se dégage des généra-
lités un peu vagues des âges précédents; il prend un caractère plus personnel et en
quelque sorte propre au génie de chaque nation et se montre avec une originalité
nouvelle dans les poésies des troubadours, dans les fabliaux et les romans de cheva-
lerie, dans les chroniques dont les principaux épisodes sont miniaturés sur le vélin.
A Paris, en Bourgogne, en Touraine, dans les Flandres, en Italie, aux xivc et
xve siècles, on enlumine avec un art extrême, et les plus beaux manuscrits datent de
cette époque ; ce sont des livres de prières ou livres d'heures où les scènes de l'An-
cien et du Nouveau Testament sont naïvement représentées avec les costumes de
l'époque du miniaturiste, des missels, des livres de vénerie, les récits des prouesses
de la chevalerie qui donnent la représentation des tournois et des combats corps à
corps, ou les chroniques des expéditions en Terre-Sainte, tout ce qui, en un mot,
à ces époques chevaleresques, intéresse et passionne la société. On doit citer entre
tous, parmi les miniaturistes de cette période : en France, Jehan Fouquet, à qui l'on
doit les Heures d'Étienne Chevalier ; Memling, en Flandre, le principal auteur du
fameux bréviaire du cardinal Grimani ; Attavante en Italie ; enfin, parmi les manus-
crits célèbres, les Heures d'Anne de Bretagne, et le manuscrit de Juvénal des Ursins.
La xylographie, art précurseur, multiplie en même temps les Simulacres de la mort H.lZTe^lfrmTon
et les scènes de la vie et de la Passion du Christ. (lS2i)-

Enfin l'imprimerie est découverte, et l'on assiste alors à une véritable explosion artistique.
L'auteur ou l'éditeur, sentant le besoin d'attirer le lecteur par la figuration visible des principales

i. Cette étude, dont M. le baron Roger Portalis nous a permis de donner la primeur à nos lecteurs, doit servir d'introduction à un
volume qui aura pour titre : les Dessinateurs d'illustrations au XVIII' siècle, et qui paraîtra dans le courant de mai chez MM. Morgand et
Fatout, libraires-éditeurs, passage des Panoramas.

L'auteur s'est proposé d'étudier dans cet ouvrage les nombreux artistes qui ont orné les livres au siècle dernier et dont les travaux délicats,
complément naturel de l'art exquis et si apprécié maintenant, de cette époque, se trouvent dans toutes les bibliothèques des hommes de goût. Ce
travail qui commence à Gillot pour finir avec Prud'hon, et qui se compose d'environ soixante-dix notices biographiques, anecdotiques et cri-
tiques sur chacun d'eux, est le fruit de nombreuses recherches et se base sur des documents puisés aux meilleures sources et le plus souvent
inédits. Il se complète par une nombreuse série de courtes notices sur les dessinateurs d'ornements et de portraits. Enfin, l'auteur a eu l'excel-
lente idée de réunir à la fin de chacune d'elles l'indication des collections où les dessins de ces artistes sont actuellement conservés.

Pour illustrer cette étude, nous avons fait reproduire un assez grand nombre de gravures et de dessins d'après plusieurs des artistes dont
s'occupe l'auteur. (Note de la Rédaction.)

Tome IX. 17