98 L'ART.
excursionniste et aventureuse à laquelle un artiste tel que M. Gérôme par exemple doit les mani-
festations les plus durables de son habileté prodigieuse, à laquelle Fromentin lui-même doit le
plus clair de sa personnalité artistique ? Les Théodore Rousseau et les Jules Dupré sont aussi
rares que les Ruisdael et les Hobbema. Peu importent les aventures si elles sont profitables.
Permis aux peintres voyageurs de regretter le changement d'air. Permis à nous de sourire de
leurs regrets et de ne pas les partager.
Sans essayer d'une comparaison qui passerait pour une flatterie, nous ne regrettons pas
davantage les circonstances qui ont espacé le talent élégant et sympathique de l'artiste dont le
nom est en tête de cette étude, et qui
ont ajouté à la gamme si riche et variée
de la peinture orientaliste une note nou-
velle, la note féminine avec toute la déli-
catesse, tout le charme et toute la dis-
tinction qu'implique l'idée de la femme
ajoutée à la notion de fart.
L'addition n'est que d'un demi-ton,
d'un quart de ton, si l'on veut, pour
rester dans les données orientales, mais
ce quart de ton appartient à l'artiste qui
a eu la bonne fortune de pénétrer quel-
ques-uns des mystères de la vie intime
de l'Orient, et le talent de faire tourner
au profit de la peinture le privilège des
découvertes de la femme. On se rappelle
le vif succès de Une Visite au harem au
Salon de 1861. C'était sinon une révéla-
tion, du moins une rectification qui avait
le cachet de l'observation directe et per-
sonnelle. Ce que d'autres avaient entrevu,
deviné ou simplement imaginé, Mmc Hen-
riette Browne l'avait vu, c'est la part du
privilège ; et elle avait réussi à commu-
niquer au public profane toute la fraîcheur
et toute la vivacité des impressions de
l'initiée, c'est la part du talent.
La chance heureuse d'une telle initia-
tion n'était pas, du reste, la condition
La Perruche.
D'apiùs ic tabkau de m- Henriette Browne. indispensable de ce talent aimable et gra-
cieux, qu'ont fait éclore des dons naturels
d'une qualité rare, développés par l'étude et par le travail. La jeune fille promettait ce qu'a
tenu la femme. 11 nous faut ici démasquer l'une et l'autre ; mais une indiscrétion dont tout le
monde est complice cesse d'être impertinente. Or, chacun sait que Mmo Henriette Browne porte un
nom honoré dans la diplomatie française, celui de M. Jules de Saux, ministre plénipotentiaire. Origi-
naire d'une ancienne famille de Bretagne, elle est la fille du comte de Bouteiller, amateur de
musique assez distingué pour avoir obtenu de l'Institut, en 1806, un prix de composition musicale.
Née à Paris, elle commence à s'occuper de dessin en 1849 sous ^a direction de M. Emile Perrin,
aujourd'hui directeur du Théâtre-Français. En i8|i, elle reçoit de M. Chaplin ses premières leçons
de peinture, et, dès 185:3, expose un premier petit tableau de genre. Le nom d'Henriette Browne
est un nom d'emprunt, celui d'un bisaïeul, un certain général Browne, compromis au service du
prétendant Charles-Édouard, et réfugié à Nantes où sa fille avait épousé uh comte de Bouteiller.
C'est à l'Exposition universelle de 185:5: que ce pseudonyme artistique attira pour la première fois
excursionniste et aventureuse à laquelle un artiste tel que M. Gérôme par exemple doit les mani-
festations les plus durables de son habileté prodigieuse, à laquelle Fromentin lui-même doit le
plus clair de sa personnalité artistique ? Les Théodore Rousseau et les Jules Dupré sont aussi
rares que les Ruisdael et les Hobbema. Peu importent les aventures si elles sont profitables.
Permis aux peintres voyageurs de regretter le changement d'air. Permis à nous de sourire de
leurs regrets et de ne pas les partager.
Sans essayer d'une comparaison qui passerait pour une flatterie, nous ne regrettons pas
davantage les circonstances qui ont espacé le talent élégant et sympathique de l'artiste dont le
nom est en tête de cette étude, et qui
ont ajouté à la gamme si riche et variée
de la peinture orientaliste une note nou-
velle, la note féminine avec toute la déli-
catesse, tout le charme et toute la dis-
tinction qu'implique l'idée de la femme
ajoutée à la notion de fart.
L'addition n'est que d'un demi-ton,
d'un quart de ton, si l'on veut, pour
rester dans les données orientales, mais
ce quart de ton appartient à l'artiste qui
a eu la bonne fortune de pénétrer quel-
ques-uns des mystères de la vie intime
de l'Orient, et le talent de faire tourner
au profit de la peinture le privilège des
découvertes de la femme. On se rappelle
le vif succès de Une Visite au harem au
Salon de 1861. C'était sinon une révéla-
tion, du moins une rectification qui avait
le cachet de l'observation directe et per-
sonnelle. Ce que d'autres avaient entrevu,
deviné ou simplement imaginé, Mmc Hen-
riette Browne l'avait vu, c'est la part du
privilège ; et elle avait réussi à commu-
niquer au public profane toute la fraîcheur
et toute la vivacité des impressions de
l'initiée, c'est la part du talent.
La chance heureuse d'une telle initia-
tion n'était pas, du reste, la condition
La Perruche.
D'apiùs ic tabkau de m- Henriette Browne. indispensable de ce talent aimable et gra-
cieux, qu'ont fait éclore des dons naturels
d'une qualité rare, développés par l'étude et par le travail. La jeune fille promettait ce qu'a
tenu la femme. 11 nous faut ici démasquer l'une et l'autre ; mais une indiscrétion dont tout le
monde est complice cesse d'être impertinente. Or, chacun sait que Mmo Henriette Browne porte un
nom honoré dans la diplomatie française, celui de M. Jules de Saux, ministre plénipotentiaire. Origi-
naire d'une ancienne famille de Bretagne, elle est la fille du comte de Bouteiller, amateur de
musique assez distingué pour avoir obtenu de l'Institut, en 1806, un prix de composition musicale.
Née à Paris, elle commence à s'occuper de dessin en 1849 sous ^a direction de M. Emile Perrin,
aujourd'hui directeur du Théâtre-Français. En i8|i, elle reçoit de M. Chaplin ses premières leçons
de peinture, et, dès 185:3, expose un premier petit tableau de genre. Le nom d'Henriette Browne
est un nom d'emprunt, celui d'un bisaïeul, un certain général Browne, compromis au service du
prétendant Charles-Édouard, et réfugié à Nantes où sa fille avait épousé uh comte de Bouteiller.
C'est à l'Exposition universelle de 185:5: que ce pseudonyme artistique attira pour la première fois