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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Tardieu, Charles: Le salon de Paris 1877, [2], les grands cadres
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https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0176

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1,-2 L'ART.

Le Roux, les Danaïdes, et autorise une infraction à Tordre alphabétique. Le dessin que nous en
donnons ne manque pas d*agrément, mais la peinture est bien pâlotte. Les Danaïdes se portaient
mieux que cela, et si elles n'avaient pas eu plus de sang dans les veines, il leur eût été aussi
difficile de commettre leur crime que de subir leur peine.

Nous voici arrivé devant" le tableau de M. Falguière, la Décollation de saint Jean. On ne se
fait pas idée de ce qu'il y a de décollations de saint Jean au Salon de peinture. Celle-ci n'est pas
la moins intéressante assurément, mais ce n'est pas non plus la meilleure. Les Lutteurs de 1875-
ne sont ni dépassés ni même égalés, et le peintre du Caïn de 1876 aura mieux à faire pour
prendre sa revanche. Qui sait s'il ne ferait pas bien de se remettre tout bonnement à la
sculpture ? Peut-être cette décollation n'est-elle pas dans son jour, mais, sauf révision, nous n'y
trouvons rien de bien encourageant. On pourrait passer au peintre ses taches de couleur, ses
rouges et ses verts, qui se plaquent sans lien sur le fond brun du tableau; mais il est plus
difficile de s'expliquer la musculature du bourreau, à peine ébauchée par le sculpteur.

Nos sculpteurs se font peintres, voici maintenant que nos peintres se font sculpteurs. On leur
a tant parlé de Michel-Ange et des maîtres de la Renaissance, on a tant vanté le cumul d'apti-
tudes qui à cette époque faisait d'un même artiste un grand peintre, un grand sculpteur, un grand
architecte, un grand poëte, un grand musicien, on leur en a tellement rebattu les oreilles, et sans
négliger de comparer à ces multiples colosses la mesquinerie contemporaine cantonnée dans le
cercle étroit de la spécialité, qu'ils ont fini par se mettre en tête sinon de rivaliser avec les artistes
universels du xvic siècle, au moins de stupéfier la critique du xix1'. Voici M. Gustave Doré qui fait
de la sculpture après avoir fait tout ce qui concerne son état d'improvisateur sur bois et sur toile,
et il faut convenir qu'il ne s'en tire pas mal pour un premier essai. On dit que son groupe la
Parque et l'Amour a failli être refusé. Si le jury ne s'était pas laissé attendrir, on se demande ce
que fût devenu le jardin du Salon, peuplé de tant de bustes médiocres au milieu desquels on ne
distingue qu'un très-petit nombre de statues, groupes et bas-reliefs vraiment remarquables. On
annonce pour l'année prochaine un groupe en bronze de M. Gérôme inspiré de son tableau Pollice
verso. Ce sera certainement une des curiosités de l'Exposition universelle de 1878, mais cette
confusion des genres ne laisse pas que d'être inquiétante. 11 y a par-ci par-là quelques réussites,
notamment les portraits de M. Paul Dubois, et encore l'éminent artiste fait-il preuve de tact en
traitant ses portraits en bas-reliefs plutôt qu'en tableaux ; encore n'est-il jamais aussi heureux que
lorsqu'il supprime les fonds, une des grandes difficultés de la peinture. Mais à part quelques
exceptions, que nous ne voulons ni diminuer ni surfaire, ces velléités sculpturales des peintres,
picturales des sculpteurs, semblent dictées par le désir d'exciter la curiosité publique en lui don-
nant le spectacle d'un tour de force, plutôt qu'imposées par l'irrésistible expansion d'une nature
qui se sent à l'étroit dans le cadre de ses premières manifestations artistiques et qui aspire à
s'emparer de l'idéal et du beau sous toutes ses formes.

Nous avons aussi des graveurs peintres, et au premier rang de ces derniers il faut citer
M. Gaillard, bien que son Christ au tombeau, visiblement imité de Philippe de Champaigne, soit
loin de valoir son Saint Sébastien de l'année dernière. La touche est trop minutieuse pour un
aussi grand morceau. On dirait un miniaturiste abordant la fresque. Le jury, d'après ce
qu'on raconte, avait d'abord refusé ce tableau, croyant sans doute rendre service à l'auteur.
Il a bien fait de se raviser; un artiste de la valeur de M. Gaillard n'a pas besoin de médaille
pour être hors concours, et d'ailleurs c'est une autre façon de lui rendre service que de laisser le
public juge d'une œuvre qui est plutôt une erreur qu'une défaillance, une erreur qui certainement
sera réparée à la prochaine occasion.

Les grands cadres prennent de la place, et nous ne sommes pas au bout de ce chapitre. On
ne nous en voudra pas de l'égayer de quelques dessins qui ne se rattachent pas tous au sujet que
* nous nous sommes imposé.

(La suite au prochain numéro.)
 
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