i9o L'ART.
de la remarquable étude que nous avons consacrée il n'y a pas longtemps à Narcisse Diaz1.
Plusieurs des meilleurs sous-bois de Diaz sont exposés à l'École des Beaux-Arts, et parmi les plus
beaux, il en est un qui nous a surtout frappé par la belle qualité de la peinture, le n" 176 du
catalogue : Paysage; valet de chiens dans les roches. La date n'est pas indiquée, mais le tableau
est évidemment de la plus brillante époque de Diaz, et d'un de ses plus heureux moments. Le
fouillis des branchages qui s'enchevêtrent au-dessus des roches mousseuses est étudié de très-près,
bien qu'enlevé de verve par la brosse alerte d'un maître paysagiste qui possède à fond sa forêt,
et la figurine du valet en justaucorps rouge se détache en plein mouvement de course et toute
entourée d'air sur la lumière qui fait scintiller le feuillage à demi roussi par l'automne. Le tableau
a une patine ancienne qui, sans altérer la fraîchèur du coloris, ajoute au charme de cette impres-
sion forestière, dont la force et la justesse égalent la sobriété.
La fleur de Diaz est savoureuse et décorative, elle a surtout le mérite d'être peinte par un
peintre qui en exprime, en quelque sorte, le parfum du même coup de pinceau dont il en saisit
les tonalités éclatantes ou fraîches, et non pas disséquée par un naturaliste qui se flatte d'avoir
fait un tableau pour avoir ajouté un feuillet à un herbier.
Si la femme de Diaz n'est guère plus savamment anatomisée que sa fleur, telle a du moins la
grâce de l'attitude, et si l'ossature laisse parfois à désirer, la carnation est souvent exquise.
M. Jules Claretie raconte dans sa notice que Diaz ne souffrait pas qu'on lui parlât de ses
premiers essais, du « papier peint », disait-il. Il y a quelques papiers peints à l'exposition du quai
Malaquais, et tous ne remontent pas aux premières années du maître. Parmi ses Vénus, ses
Charités, ses Galatées, il en est plus d'une qui légitime la boutade sévère mais juste que le
maître appliquait aux improvisations romantiques de ses débuts. Mais, dans son ensemble, cet
œuvre féminin et voluptueux, dont la vogue immédiate eut pour résultat une production excessive,
gagne à être revu. Toutes ces femmes seraient peut-être fort embarrassées de marcher, mais elles
vivent, elles respirent par tous les pores de leur chair satinée et nacrée dont les tons fins et
souples sont un régal pour les yeux.
Fleurs et femmes forment une immense corbeille de pêches au duvet argentin rehaussé de
roses blonds et de rougeurs vivaces auxquelles la pudeur est du reste absolument étrangère. Et
l'on peut mettre dans le même panier l'Orient imaginaire du moins voyageur des peintres contem-
porains. Diaz n'est jamais allé plus loin que le Bas-Bréau. Cela ne l'a pas empêché de rêver un
Orient vraisemblable sinon vrai. Il aimait la couleur pour elle-même et ses Orientales qu'il plaçait
sous bois, comme des Odalisques de Barbizon, lui fournissaient d'amusants bouquets de tons.
Il ne leur en demandait pas davantage, et ce n'était pas la peine de se déplacer pour si peu,
mais si peu que ce soit, c'est plus que ne rapporte de l'Orient authentique tel peintre plus
consciencieux, plus exact et pourtant moins fidèle.
Mais quel que soit le mérite de toutes ces fantaisies de coloriste, c'est par le paysage, par la
forêt, que Diaz vivra. Il est là sur son vrai terrain. Les mares forestières, les sentiers sous les
arbres, les clairières ensoleillées, lui portent bonheur. Il en varie à l'infini les aspects, et l'expo-
sition qui vient d'être organisée en son honneur par un comité dont il faut louer l'initiative, prouve
que le maître ne se rendait pas justice quand il appréciait son œuvre de paysagiste. S'il ne
connaissait qu'un chemin dans le paysage, il le connaissait bien, il en savait les tenants et
les aboutissants, et il est tel de ses paysages qui n'est pas indigne du grand peintre dont il
devina le génie et dont il plaida toujours chaleureusement la cause. Le n" 22 du catalogue, pour
n'en citer qu'un : Dernier rayon de soleil avant l'orage ; effet d'automne (à M. Ferdinand
Bischoffheim ), pourrait passer pour un Théodore Rousseau, et ce n'en est pas moins un
vrai Diaz.
T. Chasrel.
1. Voir dans l'Art, ;e année, tome ier, page 25, l'article de M. Jean Rousseau sur Diaz.
de la remarquable étude que nous avons consacrée il n'y a pas longtemps à Narcisse Diaz1.
Plusieurs des meilleurs sous-bois de Diaz sont exposés à l'École des Beaux-Arts, et parmi les plus
beaux, il en est un qui nous a surtout frappé par la belle qualité de la peinture, le n" 176 du
catalogue : Paysage; valet de chiens dans les roches. La date n'est pas indiquée, mais le tableau
est évidemment de la plus brillante époque de Diaz, et d'un de ses plus heureux moments. Le
fouillis des branchages qui s'enchevêtrent au-dessus des roches mousseuses est étudié de très-près,
bien qu'enlevé de verve par la brosse alerte d'un maître paysagiste qui possède à fond sa forêt,
et la figurine du valet en justaucorps rouge se détache en plein mouvement de course et toute
entourée d'air sur la lumière qui fait scintiller le feuillage à demi roussi par l'automne. Le tableau
a une patine ancienne qui, sans altérer la fraîchèur du coloris, ajoute au charme de cette impres-
sion forestière, dont la force et la justesse égalent la sobriété.
La fleur de Diaz est savoureuse et décorative, elle a surtout le mérite d'être peinte par un
peintre qui en exprime, en quelque sorte, le parfum du même coup de pinceau dont il en saisit
les tonalités éclatantes ou fraîches, et non pas disséquée par un naturaliste qui se flatte d'avoir
fait un tableau pour avoir ajouté un feuillet à un herbier.
Si la femme de Diaz n'est guère plus savamment anatomisée que sa fleur, telle a du moins la
grâce de l'attitude, et si l'ossature laisse parfois à désirer, la carnation est souvent exquise.
M. Jules Claretie raconte dans sa notice que Diaz ne souffrait pas qu'on lui parlât de ses
premiers essais, du « papier peint », disait-il. Il y a quelques papiers peints à l'exposition du quai
Malaquais, et tous ne remontent pas aux premières années du maître. Parmi ses Vénus, ses
Charités, ses Galatées, il en est plus d'une qui légitime la boutade sévère mais juste que le
maître appliquait aux improvisations romantiques de ses débuts. Mais, dans son ensemble, cet
œuvre féminin et voluptueux, dont la vogue immédiate eut pour résultat une production excessive,
gagne à être revu. Toutes ces femmes seraient peut-être fort embarrassées de marcher, mais elles
vivent, elles respirent par tous les pores de leur chair satinée et nacrée dont les tons fins et
souples sont un régal pour les yeux.
Fleurs et femmes forment une immense corbeille de pêches au duvet argentin rehaussé de
roses blonds et de rougeurs vivaces auxquelles la pudeur est du reste absolument étrangère. Et
l'on peut mettre dans le même panier l'Orient imaginaire du moins voyageur des peintres contem-
porains. Diaz n'est jamais allé plus loin que le Bas-Bréau. Cela ne l'a pas empêché de rêver un
Orient vraisemblable sinon vrai. Il aimait la couleur pour elle-même et ses Orientales qu'il plaçait
sous bois, comme des Odalisques de Barbizon, lui fournissaient d'amusants bouquets de tons.
Il ne leur en demandait pas davantage, et ce n'était pas la peine de se déplacer pour si peu,
mais si peu que ce soit, c'est plus que ne rapporte de l'Orient authentique tel peintre plus
consciencieux, plus exact et pourtant moins fidèle.
Mais quel que soit le mérite de toutes ces fantaisies de coloriste, c'est par le paysage, par la
forêt, que Diaz vivra. Il est là sur son vrai terrain. Les mares forestières, les sentiers sous les
arbres, les clairières ensoleillées, lui portent bonheur. Il en varie à l'infini les aspects, et l'expo-
sition qui vient d'être organisée en son honneur par un comité dont il faut louer l'initiative, prouve
que le maître ne se rendait pas justice quand il appréciait son œuvre de paysagiste. S'il ne
connaissait qu'un chemin dans le paysage, il le connaissait bien, il en savait les tenants et
les aboutissants, et il est tel de ses paysages qui n'est pas indigne du grand peintre dont il
devina le génie et dont il plaida toujours chaleureusement la cause. Le n" 22 du catalogue, pour
n'en citer qu'un : Dernier rayon de soleil avant l'orage ; effet d'automne (à M. Ferdinand
Bischoffheim ), pourrait passer pour un Théodore Rousseau, et ce n'en est pas moins un
vrai Diaz.
T. Chasrel.
1. Voir dans l'Art, ;e année, tome ier, page 25, l'article de M. Jean Rousseau sur Diaz.