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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Hymans, Henri: La planche des armoiries de Bourgogne
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236

L'ART.

copiste. En étudiant par exemple les mèches de la crinière des
lions qui servent de supports à l'e'cu de Bourgogne, nous trou-
vons dans les deux planches des ondulations identiques. Pour
les de'tails de l'architecture il en est de même. Ce point déter-
miné (à moins que par la suite il ne se découvre une pièce plus
ancienne encore que celles que nous connaissons), la planche
de M. Pinchart devrait être admise comme une création tout à
fait originale, ce qu'établiraient à suffisance, d'après M. de Brou,
des fautes de blason et autres différences matérielles, et surtout
un travail plus pittoresque et moins précisé.

Nos vues sur ce point sont absolument différentes.
Si, plus sages que nos pères, nous avons su rendre aux
maîtres « gothiques » la justice qui leur est due, discerner à
travers de fréquentes gaucheries une véritable élévation de
style et une très-rare intensité d'impressions, nous ne songeons
pas sans doute à trouver dans leurs œuvres la souplesse et le
pittoresque du travail entendus dans le sens moderne. L'éduca-
tion de l'archéologue a précisément pour objet de lui permettre
de discerner entre les maladresses résultant de l'ignorance et
les caractères propres aux œuvres primitives. Refusons aux
maîtres du xv° siècle vingt qualités aimables, mais laissons-leur,
de grâce, l'austère sincérité de l'exécution!

Où se manifeste d'ailleurs dans l'estampe nouvelle cette
liberté pittoresque du travail? L'œuvre que nous plaçons sous
les yeux du lecteur est purement ornementale. L'architecture
caractérise très-nettement les flamboiements du gothique à son
déclin. Déjà même les fûts de colonnes font pressentir la Renais-
sance. Le créateur d'un tel ensemble n'a pu songer à transporter
son œuvre sur le cuivre qu'en sachant parfaitement ce qu'il
voulait produire. Qu'elle fût de commande princière, comme il
y a tant lieu de le croire, ou qu'elle n'eût d'autre destination
que de glorifier le souverain, il fallait avant tout que la planche
ne laissât rien à désirer au point de vue de l'héraldique, chose
essentielle au moyen âge. Si nous cessons d'avoir foi dans
l'exactitude des blasons, l'ingénieux raisonnement de M. Alvin
perdra toute valeur, et pas plus par MM. de Brou et Pinchart
que par nous, l'estampe ne pourra être envisagée comme « la plus
ancienne » produite dans les Pays-Bas. Comment expliquer
d'ailleurs les fautes de blason dans l'écu de Frise, le deuxième à
droite en partant du bas, et cette autre différence signalée par
M. Pinchart que le champ où se lit la devise n'est plus que par-
tiellement semé de flammes, qui sont autant d'étincelles jaillis-
sant des briquets de la Toison d'or? On ne le saurait que par
une ignorance du blason absolument inadmissible chez l'auteur
d'une telle planche. Ces fautes positives doivent être attribuées
au manque de talent du copiste.

L'écu de la Frise est le plus détaillé de tous ceux qui figu-
rent sur la planche, et dans leurs petites proportions les léopards
offraient à reproduire un peu plus de difficulté que le lion
rampant, d'ailleurs fort mal rendu aussi, des autres écussons.
Le copiste a abrégé sa tâche en calquant l'écu que l'impression
a donné à rebours. Et le même système a prévalu pour le
saint André, qui, dans l'estampe de M. Pinchart, n'est pas
seulement renversé, mais perd complètement le style et la
correction des draperies de cette figure dans l'estampe que le
lecteur a sous les yeux, et M. Alvin a fait observer, dans un
récent article consacré à la trouvaille de M. Pinchart1, que
quoique retournée, la figure conservait l'ancien éclairage. C'est
là un point d'une importance capitale.

Ce n'est d'ailleurs qu'à grand'peine que l'auteur de la
planche supposée originale est parvenu à poser le saint André
au sommet de la colonne, et pour nous l'auteur de la planche
de la Bibliothèque royale n'a pas fait preuve de maladresse en
plaçant vers l'extérieur de la planche la croix du saint André.
Elle aurait empiété davantage de l'autre côté sur les lignes

architecturales. Comment se ferait-il, du reste, qu'étant si précis
et venant corriger l'original, le copiste eût commis l'erreur de
retourner cette figure?

Pour le saint Georges, on ne pouvait plus user du système
de copie adopté pour le saint André. Le guerrier eût porté l'épée
à droite et tenu la lame de la main gauche, ce qui était inadmis-
sible.

Si nous passons à l'examen des détails d'architecture, nous
pouvons affirmer qu'aucune estampe originale du xv° siècle ne
fournit l'exemple d'une pareille incorrection, et ce défaut ne
peut en aucun cas passer pour une qualité dans l'appréciation
d'une œuvre d'art.

Considérons, par exemple, la lucarne de gauche, nous
verrons que les meneaux de cette fenêtre deviennent indéchif-
frables dans la planche de M. Pinchart, et quant aux tuiles du
toit elles se confondent à ce point avec les motifs environnants,
qu'en admettant, avec nos honorables contradicteurs, l'estampe
de la Bibliothèque royale comme une copie améliorée de l'autre
planche, il a fallu au copiste un talent qui doit donner à son
œuvre la valeur d'une création personnelle.

Prenons enfin le premier venu des lions héraldiques
inscrits sur les blasons, celui du comté de Namur, par exemple.
Nous constatons de nouveau une inexpérience de travail qui,
pas plus dans les œuvres anciennes que dans les modernes, n'est
l'indice d'un bien grand mérite artistique.

En fortifiant M. Pinchart dans l'idée d'antériorité de son
estampe sur celle de la Bibliothèque royale, M. de Brou fait
nécessairement à l'auteur de la première des deux œuvres
l'honneur de la conception. Si tel était en réalité le cas, l'on ne
pourrait expliquer d'une manière plausible que la planche ait
été tirée avec des incorrections qui devaient motiver sa mise au
rebut immédiate.. Pour nous, au contraire, parmi les maîtres
primitifs, celui-là seul pouvait exécuter l'œuvre qui était en état
de la concevoir. Car, après tout, c'est un ensemble très-remar-
quable que celui qui nous occupe. L'auteur en a parfaitement
coordonné les parties, et il n'aura, semble-t-il, passé à l'exécu-
tion, abordé la tâche difficile de rendre son œuvre par la
gravure, qu'après avoir mûrement étudié les détails. Il eût été
impossible à un copiste n'ayant d'autre guide que l'œuvre indé-
cise décrite par M. Pinchart, de produire la planche de la
Bibliothèque royale.

Sans doute, il faut souvent une grande réserve pour déter-
minpr entre deux pièces semblables l'original de la copie, mais,
en cas pareil, n'est-ce pas la précision plus ou moins grande des
détails et leur juste expression qui sera le meilleur indice pour
la solution du problème? Si, par exemple, Bartsch a cru voir
dans certaines estampes signées W, et qu'il attribue invariable-
ment à ce Wenceslaus de Olomucz, qui a signé la copie de
la Mort de la Vierge, d'après Martin Schœn (B. 22), des copies
d'après Albert Durer, cela n'a point empêché plus récemment
M. le professeur Thausing, dans le remarquable ouvrage qu'il a
consacré au maître 2, d'établir qu'Albert Durer était lui-même
le copiste de ces pièces dont l'original émanerait d'après lui de
Michel Wolgemuth, son maître. Le Seigneur et la Dame (B. 94),
le Groupe des quatre femmes nues (B. 75), l'Oisiveté (B. 76),
sont autant de reproductions d'un maître antérieur. Pourtant,
malgré l'incontestable supériorité de Durer dans le maniement
du burin, il ne corrige pas son devancier. Au contraire, dans la
première des planches, le Seigneur porte l'épée à droite, ce qui
n'existe pas dans l'original et dans les deux autres pièces.
M. Thausing signale des détails dont l'exacte signification a
échappé au copiste, ou qu'il a omis par inadvertance. Ce ne
sera donc pas l'adresse ou la flexibilité plus ou moins grande
d'un burin qui, dans les œuvres primitives, établira la véritable
originalité. C'est par la force de l'expression que celle-ci s'af-

1. L. Alvin. La plus ancienne gravure en taille-douce exécutée aux Pays-Bas. (Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, ij« annee, p. j î

2. Moriz Thausing. Durer, Geschichte seines Lebens und sciner Kunst. Leipzig, 1876.
 
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