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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Fouqué, Octave: Le théatre contemporain: Gabrielle Krauss
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0253

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23o

L'ART.

jamais venue dans nos murs. » De là elle partait pour Vienne, passer l'été, suivant une habitude
qu'elle a gardée, auprès de son ancien maître, M"1" Marchesi. Là elle recevait une lettre venue
de Paris par ballon monté. M. Perrin lui déclarait que l'Opéra étant fermé pour un temps dont
on ne pouvait prévoir la durée, elle pouvait se considérer comme libre d'engagement.

Elle alla alors en Italie, où elle resta quatre ans. Nous la voyons à Milan, acclamée dans le
Ruy Blas de M. Marchetti; elle crée le rôle principal d'un opéra de M. Gomez, Fosca, que son
talent ne préserve pas d'une chute à peu près complète, et chante Eisa dans Lohengrin, à qui
les Milanais firent expier son succès de Bologne. Après une saison à Florence et une à Trieste,
elle chante Aida à Naples (1874), où elle assure le succès de Bianca Orsini, opéra du maestro
Petrella. Dans l'intervalle elle avait paru aux Italiens de Paris, où on lui avait fait une ovation.
Engagée par M. Halanzier, elle revient parmi nous, répète la Juive et part pour Saint-Péters-
bourg. Aux premiers jours de 1875, elle venait prendre part à l'inauguration du Nouvel Opéra.

Ce fut, on s'en souvient, par une soirée de gala que s'ouvrit le monument de M. Garnier.
Pour le public officiel et mondain qui remplissait la salle, la présence du jeune roi d'Espagne
dans la loge de sa mère était un événement grave. L'entrée du chef de l'Etat, que le directeur
était allé recevoir, le traditionnel candélabre à la main, celle du lord-maire de Londres, précédé
de ses hérauts vêtus de rouge et sonnant de la trompette, suivi de ses shérifs aussi en robe
rouge, de son porte-glaive et de ses officiers aux titres aussi bizarres que leurs habillements, tout
cela passionnait les spectateurs au moins autant que l'ouverture de la Muette ou de Guillaume
Tell jouée par les musiciens de M. Deldevez.

La visite aux foyers remplissait les entr'actes; on rentrait dans la salle bien longtemps après
que la sonnette avait annoncé la reprise du spectacle, et le temps de l'acte se passait à lorgner,
à envoyer des saluts, car il était essentiel d'être vu là par certaines personnes. Un instant cepen-
dant MUc Krauss parvint à fixer l'attention distraite de cette foule, et un rayon du grand art
pénétra dans les cœurs. Un critique disait le lendemain :

« La Krauss a été très belle, très dramatique dans ce rôle de Rachcl qu'elle a joué et chanté
pour faire honneur à sa réputation. Je ne me souviens pas d'avoir entendu quelque chose de plus
pur, de plus parfait, de plus profondément senti par l'interprète que l'exécution de la romance
du trio dite par Rachel agenouillée aux pieds d'Eléazar. 11 a suffi de ces deux couplets à la grande
artiste pour donner sa mesure. La voilà certaine à présent de triompher dans son genre et sut-
un théâtre où le premier pas qu'elle fait est une conquête définitive. L'actrice de race, la tragé-
dienne passionnée s'était révélée déjà dans la manière dont elle avait compris et traduit les
nuances de l'air : // va venir : ce n'est qu'après ce premier cri d'amour que l'effroi assombrit le
visage et le cœur de Rachel, c'est le nuage qui passe sur un rayon de soleil. Je signale cette
opposition si heureusement rendue ; c'est dans ces riens qui échappent à la médiocrité que se
montrent les princes et les principes de l'art. »

Le 26 avril, Mlle Krauss abordait les Huguenots. « Toutes les Valentines titulaires, suppléantes
ou aspirantes, dit M. Ad. Jullien,. toutes les artistes de l'Opéra qui sont en possession de ce rôle
ou en passe de l'obtenir, semblaient s'être donné rendez-vous dans la salle, et étudiaient d'un
œil attentif le jeu et le chant de la nouvelle Valentine. » Elle aurait pu tout au moins leur
apprendre une chose, le respect absolu de la pensée du compositeur. Jamais M"e Krauss ne s'est
permis d'altérer un texte, et dans cette partition des Huguenots elle a rétabli en plus d'un endroit
le dessin mélodique de Meyerbeer, défiguré par de tristes variantes.

En 1876, Gabrielle Krauss, devenue à l'Opéra la cantatrice aimée et nécessaire, créait Jeanne
d'Arc, et dépensait dans ce rôle mal écrit une telle énergie que la fatigue la forçait bientôt à
s'éloigner de la scène. A la fin de cette année, Robert le Diable était pour elle l'occasion d'un
triomphe. Depuis elle a créé Pauline dans l'opéra de Polyeucte, que la monotonie du livret a
tué. Elle a chanté successivement Aida, Agathe, de Freyschùt\; donna Anna, de Don Juan; Sélika,
de l'Africaine. Ce dernier personnage lui sied à merveille, et elle a trouvé dans le rôle de la
reine sauvage, amoureuse et abandonnée, une foule d'effets inaperçus. C'est le livre ou la partition
en main qu'il faudrait suivre chaque air, chaque récit, chaque réplique, pour saisir cet art profond
 
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