Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

DOI Artikel:
Yriarte, Charles: Goya aquafortiste, [2], les eaux-fortes d'après Velasquez - les caprices
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0050

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
4o L'ART.

d'une jeune fille une famille affamée se procure des ressources. Ainsi va le monde. » La
planche 5-7 porte la simple légende : la Filiacion; elle montre « des hommes de lo'i groupés
autour d'une jeune fille assise, tenant sur ses genoux une tête grotesque; son visage est couvert
d'un masque à face de chienne; une femme, sa mère sans doute, lit un manuscrit qui établit la
filiation de la fiancée. »

L'artiste se charge d'expliquer ainsi la scène étrange : « Il s'agit ici de tromper le futur en
lui montrant les aïeuls, les bisaïeuls et les trisaïeuls de la demoiselle. Mais celle-ci, qui est-elle?
Il le saura, quoiqu'un peu plus tard. » De sorte qu'il n'épargne personne; après les parents
cupides, les fiancés ridicules; après les fiancés, la jeune fille qui se révélera comme une fille
perdue.

J'indique seulement cette série Mariage. Les Espagnols comprennent sous le nom de Brujas
un certain nombre de planches éparses dans le recueil qui ont trait aux superstitions, à la sor-
cellerie, à ce monde fantastique de farfadets, de fantômes, de démons, de stryges, de bruco-
laques, de harpies, noirs habitants des ombres, hôtes habituels des songes de Goya. Mêlant
l'ironie au fantastique, l'artiste abandonne la terre, mais il transporte ses allusions dans le monde
du surnaturel. Dans une planche qui est peut-être une des plus sages au point de vue de la
pensée (voir page 3g la reproduction de la pl. il nous donne lui-même la clef de ces bizarres

compositions. Un peintre (Goya sans nul cloute) s'est assoupi sur sa table de travail et repose
la tête sur les deux bras, dans l'attitude d'un homme épuisé par l'effort de la composition. Des
crayons sont là, sur la page commencée, et, comme avec les ombres de la nuit s'éveillent les
oiseaux nocturnes, toute une volée de chouettes, de hiboux, d'engoulevents, de chauves-souris
accourent à tire-d'aile et voltigent dans les ténèbres. L'un d'eux, un chat-huant énorme, se pose
sur ses épaules et le couvre de l'ombre de ses ailes, un autre a saisi l'un des crayons; deux
chats, aux yeux ardents, font luire dans la nuit leurs grandes prunelles rondes aux tons chan-
geants. Et pour qu'il ne nous reste aucune illusion sur cette singulière scène conçue avec
sagesse et exécutée avec réflexion, Don Francisco écrit en grandes lettres sur la table même :
El sueno de la ra\on produce monstruos. — « Le songe de la raison enfante des monstres. »

On a défiguré ailleurs l'idée en traduisant sueno par sommeil ; il faut traduire ici rêve ou
songe. C'est un aveu. C'est l'hallucination, c'est la fièvre qui engendrent ces monstres, et Goya
aurait dû, au lieu de placer cette planche au numéro qu'elle occupe dans ses Caprices, en faire
le frontispice d'un recueil auquel nous arriverons tout à l'heure : les Songes et Proverbes, Suenos
y Proverbios, dont nous donnons dans cette série d'articles quatre planches inédites, et qui est
bien le plus noir cauchemar qui puisse hanter un cerveau d'artiste.

Charles Yriarte.

( La suite prochainement.)

Cul-de-lampe composé et dessiné par Léon Gaucherel.
 
Annotationen