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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 2)

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Burty, Philippe: Henry Monnier
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https://doi.org/10.11588/diglit.16905#0208

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i84 L'ART.

de l'organiser et en laissait la direction à Clément Boulanger, peintre d'histoire. On l'avait voulue
pittoresque, musicale et littéraire. On avait rêvé l'éclat et le bruit d'un carnaval à Venise, au
milieu des décors de Philastre, Cambon, Porcher et Devoir. L'arche d'un pont avait été jetée entre
les deux avant-scènes pour recevoir Musard, le corniste Defresne, l'orchestre et les chœurs; la
scène représentait un salon somptueusement disposé pour le bal et ouvert sur le golfe de Venise ;
loterie d'objets d'art; représentation en nature «à l'instar des fêtes romaines», des tableaux de
Jane Grey, Cromwell et Napoléon au tombeau de Frédéric, dont l'exécution était confiée, en
surveillance, à MM. Roqueplan et Boulanger; vestiaire des costumes desservi par Babin. Les
danses devaient être interrompues par des jeux et divertissements, « Proverbes, scènes comiques et
lazzis composés par M. Henry Monnier».

Deux ou trois ans après, Monnier n'ayant pas d'engagement à Paris partait pour la province.
Les lettres qu'il écrivait à Ferville, correspondant du théâtre et acteur du Gymnase, témoignent
de sa passion et aussi de son découragement intimes : «... Nantes, le 10 mai 1837 — .. J'ai donc joué
le Général du Gamin de Paris, hier encore, pour la deuxième fois. Le premier jour j'étais sous
l'empire d'une diarrhée1 atroce, tant j'ai eu peur. Hier ç'a été un peu mieux, et je crois qu'aux
suivantes j'y jserai mieux. Hier j'ai été étrenné. La première fois succès d'estime. On ne m'a
rien dit, mais je n'ai pas faibli. Et puis je vais te dire, tous ceux qui jouent ce rôle doivent
faire assaut de poumons...»

Dans l'intervalle des répétitions et des représentations, à Nantes, par exemple, il faisait des
portraits. Il y a excellé.

Il est rude dans les portraits d'hommes, mais fin et pénétrant dans les croquis d'après les
jeunes filles et les jeunes femmes. Le dessin d'après Madame Lafarge, qu'a gravé en fac-similé
Jules de Goncourt, est des plus intéressants. Il semble à qui l'a sous les yeux qu'il peut inter-
roger ces traits aigus, ces lèvres sèches, ces yeux jouant le naïf, comme il eût fait sur la nature
elle-même.

Monnier n'avait guère rien conservé de ses travaux de jeunesse. Un jour, dans son petit
appartement mansardé de la rue Ventadour il m'en montrait quelques portraits. Puis la conversation
ayant tourné sur la photographie, il m'offrit une épreuve de son portrait, en Coquerel, dans la
Famille improvisée. Puis il passa la longue houppelande et coiffa le chapeau rond de ce rôle de
vieux marquis. Et ce visage qui à la scène n'avait que peu d'effet, cette voix qui ne portait
point dans la salle me parurent de près exquis et parfaits. Je l'en complimentai. Mais Monnier
m'interrompit avec amertume : «... Non, ce n'est pas cela qui me convient. J'étais né pour jouer
le Molière. Les directeurs des Français ont tous été des imbéciles. J'aurais fait leur fortune, — et
la mienne. »

Quelle injustice envers son œuvre d'artiste! Envers tout ce qui survivra de lui-même!

Ph. Burty.

1. Nous devons à l'obligeance de M. Papin la communication des lettres de Monnier à Ferville.
 
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