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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Fouqué, Octave: Le théatre contemporain: Gabrielle Krauss
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0251

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228

L'ART.

nous, un élève sort du Conservatoire avec un premier prix d'opéra ; engagé à l'Académie de
musique, à laquelle il appartient de droit, il joue un, deux rôles tout au plus; s'il ne veut pas
se résigner à l'inaction, fatale à tout âge pour un artiste, il ne lui reste qu'une ressource : quitter
l'Opéra, quitter Paris, et aller en province ou en Belgique apprendre ce qu'il ne saurait jamais
s'il restait parmi nous. C'est là un des mauvais résultats de ce que nous avons bien souvent
déjà signalé comme une infériorité et un malheur, l'état déplorablement incomplet du répertoire
français. En vérité, on a quelque peine à comprendre comment les abonnés d'un grand théâtre
peuvent se résigner à n'entendre jamais que sept ou huit opéras toujours les mêmes. Il en est
tout autrement à Vienne : qu'on en juge par le nombre véritablement prodigieux des ouvrages
dans lesquels parut M"e Krauss dès les premiers pas de sa carrière.

Son engagement devait durer trois ans. Le 20 juillet 1860, elle débutait dans Mathilde, de
Guillaume Tell; quatre jours après, elle chantait le rôle de Berthe dans le Prophète, et le
5 août celui d'Alice dans Robert le Diable. Avant que l'année eût pris fin, elle avait paru dans la
Flûte enchantée (Pamina), Une Nuit à Grenade, de Kreutzer (Gabrielle), Freyschiïti (Agathe),
le Tannhœuser (Élisabeth), Don Giovanni (donna Elvira et donna Anna), Lohengrin (Eisa).

La saison suivante, M"e Krauss abordait les rôles d'Anna, de la Dame blanche ; Valentine,
des Huguenots ; Léonora, du Trovatore ; Antonina, de Belisario ; Senta, du Vaisseau fantôme;
enfin, la troisième année, elle était applaudie dans Gustave III, la Croisade des dames, Fidelio,
les Noces de Figaro, Cosi fan tutte, Euryanthe.

Réengagée pour quatre ans, l'artiste enrichissait encore son répertoire et se faisait acclamer
dans Lalla-Roukh, Lucre{ia Borgia, Maria di Rohan, Ernani, Zampa.

On le voit, tout y passe : l'école française, l'italienne et l'allemande, les maîtres classiques
comme les compositeurs modernes, et même ceux dits de l'avenir. Quel travail! et quelle promp-
titude de mémoire, quelle facilité d'assimilation il suppose! Plus tard, à l'Opéra de Paris,
Mlle Krauss devait faire voir le point extrême où peut parvenir un talent supérieur par la
concentration de ses facultés sur un petit nombre de sujets ; mais il est permis de penser que
ces études si diverses accomplies coup sur coup à l'heure de la jeunesse, presque de l'adolescence,
cette course précipitée à travers tous les répertoires en tous les genres, cette série de gammes
exécutées sur le clavier du sentiment, n'ont pas peu contribué à développer les dons admirables
que l'enfant avait laissé pressentir. Une telle gymnastique doit assouplir la voix la plus rude ; en
même temps l'âme s'échauffe au contact de tous ces maîtres et chaque rôle, appris avec le zèle
consciencieux que l'artiste doit apporter à ses travaux, est comm . un nouvel aliment fourni au
foyer intérieur dont la flamme rayonne dans le chant.

Quand elle quitta Vienne pour venir se faire entendre à Paris, M"e Krauss était déjà une
femme faite et une grande artiste. Son début se produisit sur la scène des Italiens, d'une façon
assez obscure, un soir où M"c Lagrua, malade, ne pouvait chanter Léonora, du Trovatore.
Quelques jours après, elle parut dans Lucre\ia Borgia, mais ce talent si pur, dédaigneux des
moyens faciles, entièrement différent de ce qu'on applaudissait alors à Ventadour, ne fut pas,
dès l'abord, apprécié. M"c Kraus avait négligé de se faire annoncer à son de trompe, et les
fanfares de la réclame sonnaient pour d'autres que pour elle. La voix paraissait, d'ailleurs, un peu
fatiguée; elle le paraît encore aujourd'hui, et, sans doute, il en a toujours été ainsi. Cependant le
directeur Bagier, cédant aux sollicitations de quelques amis, consentit à engager la cantatrice
viennoise pour la saison suivante.

Peu à peu, l'effort constant de l'artiste, jamais découragée, eut raison de ces froideurs; par
degrés la lumière se fait, et l'admiration, de plus en plus vive, jette une auréole sur son front.
Dès 1868, les critiques la proclament « musicienne et cantatrice hors ligne», déclarent qu' a elle a
la voix, elle a la physionomie, elle a le jeu ». Son succès est « immense, légitime, mérité ». Sa
voix, qui à son début avait paru inégale et heurtée, trouve grâce ; mieux encore, elle devient un
sujet d'éloges. Le 28 février 186g, après l'exécution de la Messe solennelle de Rossini, où la
Krauss chantait aux côtés de PAlboni, la Galette musicale imprime ce qui suit :

« Chaude, vibrante, pleine de larmes, admirablement nuancée, la voix de M"c Krauss a trouvé
 
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