Overview
Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 3)

DOI Artikel:
Véron, Eugène: L' idéal dans l'art d'après Platon, [1]
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0070

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
52 L'ART.

oppriment, les limitent et les emportent. Elles ne peuvent se soustraire au changement et à la
destruction, et par cela seul qu'elles sont bornées, corruptibles et changeantes, elles ne sauraient
être belles dans la complète acception du mot. Ce n'est donc pas en elles que notre amour de la
beauté peut trouver sa satisfaction.

Cependant il y en a qui conservent de leur origine des traces assez manifestes, pour que
leur vue réveille en nous les souvenirs lointains, et pour ainsi dire endormis, de notre premier
séjour au milieu des pures essences, et ranime en notre âme l'amour de cette beauté éternelle et
divine que nous avons autrefois possédée.

C'est cet amour qui donne naissance à l'art. Pour sauver du changement et de la corruption
les objets dont la beauté périssable nous rappelle la beauté immuable que nous avons été admis
à contempler dans une vie antérieure, nous nous efforçons de les imiter, de les reproduire dans
des conditions de durée qui assurent, sinon la perpétuité, du moins la prolongation de nos jouis-
sances.

L'artiste est donc celui qui a conservé le plus vivant dans son cœur le souvenir et l'amour
de la beauté éternelle, et qui en retrouve le plus vite et le plus sûrement les traces dans les
objets visibles, celui chez qui l'idée innée de la beauté absolue s'éclaire d'une plus vive lumière à
l'occasion des spectacles que lui présente le monde des réalités périssables.

Mais, par la même raison, on conçoit que l'imitation qu'il tente de ces réalités ne saurait
s'astreindre à une copie exacte et servile. L'objet qu'il imite s'illumine sous nos regards de ce
rayon de la beauté divine dont nous portons en nous-mêmes le souvenir. L'artiste a donc en
réalité deux modèles, ou, pour mieux dire, l'objet périssable qu'il semble contempler s'efface gra-
duellement à ses yeux, pour ne laisser subsister que l'idée plus ou moins atténuée et obscurcie,
mais toujours vivante, de l'essence idéale.

Cette image déjà lointaine de la perfection typique des choses est ce que Platon nomme
l'idéal.

Cette concejption de l'idéal constitue le fond même de l'esthétique platonicienne. Il importe
donc de nous y arrêter quelques instants, d'autant plus que cette idée, très-simple et très-nette
dans les œuvres du philosophe grec, est devenue singulièrement vague et flottante dans les livres
des écrivains modernes qui se donnent comme les héritiers et les continuateurs de ses théories.
La raison en est facile à concevoir. Du moment qu'ils écartent l'hypothèse de la réminiscence et
de la vie antérieure, sans la remplacer par aucune autre explication analogue, ils suppriment en
réalité le fondement même de la doctrine de l'idéal et la laissent suspendue dans le vide.

Eugène Véron.

(La suite prochainement.)

CUL-DE-LAMPE DE SAINT-AUBIN.—

Fac-similé d'une de ses gravures.
 
Annotationen