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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 3)

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Tardieu, Charles: Les fêtes du troisième centenaire de Rubens, à Anvers, [2]
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Chronique étrangère
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https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0300

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2Ô2

L'ART.

allemande. Il n'y re'ussit pas toujours. Doué d'une infatigable
activité', d'une curiosité' toujours en e'veil, d'une volonté' extraor-
dinaire, d'une souplesse qui trop souvent e'parpille son talent,
et d'une faculté de métamorphose qui déroute les connaisseurs,
il a passé par tous les styles et cultivé toutes les données qui
puissent tenter un peintre, depuis le mouton bêlant qui broute
l'herbe des prés jusqu'aux vierges auréolées, depuis la caricature
jusqu'à l'épopée en passant par le classicisme, le romantisme et
le réalisme. Il est le peintre Protée de l'école anversoise contem-
poraine. Le voici maintenant transformé en orientaliste, et son
interprétation de la lumière orientale se signale par un parti pris
de précision, de sécheresse et de dureté, qui est peut-être l'idéal
du vrai sinon du beau et du séduisant, mais qui à coup sûr n'est
ni indifférent, ni banal. Cela se discute, mais cela s'impose, et
quelles que puissent être les objections ou les résistances de la
critique elle ne peut refuser à l'artiste la décision et la facilité
dans le travail, la sûreté du talent, une science évidente, et une
virtuosité de brosse positivement magistrale. S'il n'est un grand
maître, un tel artiste doit faire certainement un professeur de
premier ordre.

Il y a là une vingtaine de toiles, dont quelques-unes très-im-
portantes, où le peintre a groupé sous des rubriques symboliques
quelques-uns des types qu'il a étudiés sur le vif pendant ses
voyages. Tel est le grand tableau qui porte ce titre quadruple et
surabondant : Vox populi ; triomphe de l'erreur ; égarement des
peuples; Barrabaspréféré à Jésus. C'est beaucoup, tout cela, et ce
n'est pas fini. Viennent ensuite quatre citations des Évangiles. Ce
tableau dont l'ambition moralisatrice se manifeste avec tant de
luxe dans le catalogue est une vaste étude d'ethnographie com-
parée. Les soldats qui gardent le Christ prisonnier font partie
de la garnison d'Anvers, le Christ lui-même est un incompris de
la poésie allemande, et les Juifs qui l'insultent et portent en
triomphe l'ignoble Barrabas sont d'un réalisme asiatique de fraîche
date. Après tout, les gothiques n'en faisaient pas d'autres, et dans
l'école de Rubens on ne se gênait pas non plus pour utiliser les
modèles qu'on avait sous les yeux; on n'allait pas aussi loin pour
en chercher, mais les moyens de locomotion n'étaient pas aussi
commodes que de nos jours, et en bonne justice il serait tout
aussi absurde de reprocher aux modernes de mettre à profit les
chemins de fer et les bateaux à vapeur que d'en vouloir aux an-
ciens ou de les glorifier pour les avoir ignorés. La composition

de M. Verlat est d'ailleurs savamment ordonnée, pleine de
mouvement et de vie et d'une exécution étonnante surtout dans
le groupe des Juifs, en dépit de ce parti pris de lumière impla-
cable dont j'ai déjà dit un mot. Il n'y manque qu'une chose,
essentielle il est vrai, et c'est un peu ce qui manque généralement
à l'œuvre du peintre : l'émotion. Il la ressent peut-être mais
sans la communiquer. Il a tout, sauf cela. Il sait, il veut et il
peut. Il n'émeut pas. Son Barrabas n'en est pas moins une des
œuvres les plus considérables qui aient paru en Belgique depuis
quelques années, et l'Académie des beaux-arts d'Anvers qui s'est
assuré le concours d'un artiste de cette valeur n'aura certes pas
à le regretter. L'émotion ne s'enseigne pas.

Que vous dirai-je du Congrès artistique ? Peu de chose. La
session n'a pas été sans intérêt, mais la question la plus impor-
tante, celle de la propriété artistique,— à la discussion de laquelle
M. Meissonier a pris une grande part dans la section de législa-
tion, — est restée sans solution. L'assemblée a voté certains
principes généraux, elle a émis un vœu en faveur de la présenta-
tion d'un projet de loi aux Chambres belges, et renvoyé le reste
à l'Institut de droit international, laissant à un prochain Congrès
l'achèvement de l'œuvre.

Notons encore un vœu émis par la section artistique et éco-
nomique et appuyé par M. Louis Hymans : exposition perma-
nente et gratuite des œuvres d'art contenues dans des édifices
publics, fussent-ils consacrés au culte.

Croiriez-vous que même pendant ces fêtes du centenaire de
Rubens il fallait, pour voir la Descente de croix et l'Elévation en
croix, subir le tarif des marguilliers de la cathédrale !

Toutes ces fêtes ont été encadrées dans une décoration popu-
laire d'une ampleur et d'une cordialité charmantes. Arcs de
triomphe, drapeaux, illuminations, cortège, tout cela était par-
fois naïf, mais toujours plantureux, joyeusement riche, heureux
et gai, et les populations des campagnes environnantes, les
femmes surtout avec leurs coiffures originales, les grandes dames
anversoises elles-mêmes, ajoutaient à l'ensemble du tableau la
justesse et l'harmonie du ton local, en permettant aux étrangers
d'étudier d'après nature, dans cette moderne kermesse fla-
mande, un peu moins tourbillonnante toutefois que celle du
Louvre, ces carnations opulentes et fraîches poétisées et immor-
talisées par Rubens et son école.

Charles Tardieu

CHRONIQUE ÉTRANGÈRE

Angleterre. — The Athenœum dont nous avons déjà eu
l'occasion de signaler la très-intéressante série d'études sur les
collections particulières (The Private Collections ofEngland), en
est arrivé, dans son numéro du i"1' septembre, au trente-et-
unième chapitre de cette suite qu'il faut désirer voir paraître un
jour en volume ; c'est d'une des collections du duc de Devon-
shire qu'il est question, celle qu'avait formée à Holker Hall Sir
William Lowther dont le duc a été l'héritier. Il ne reste plus
qu'une partie, encore considérable il est vrai, de ces Trésors
d'art dont bon nombre furent détruits dans un incendie le
10 mars 1870.

— L'action civilisatrice si puissamment inaugurée par la
fondation du South Kensington Muséum à Londres, se fait de
plus sentir en province où l'établissement de musées locaux se
propage avec une étonnante rapidité et le plus entier succès.
C'est ainsi que l'ancien Castle de Nottingham vient encore d'être
approprié à l'installation d'un Fine Art Muséum que le Prince
de Galles a été invité à inaugurer prochainement.

— Parmi les nouvelles publications artistiques, il faut spé-
cialement signaler A Handbook to the Public Picture Galleries
0/Europe, un volume in-8° de Miss Kate Thompson publié par

MM. Macmillan and C", une nouvelle édition du livre de
M. Walter Tornburg : J. M. W. Turner's Life and Correspon-
dent que MM. Chatto et Windus ont fait paraître avec de fort
intéressantes illustrations, — les trois volumes de MM. John
Timbs et Alexander Gunn : The Tourists' Guide to the Abbeys,
Castles, and ancient Halls of England and Wales, édité par
MM. Frédérick Warne and C°; profitons de l'absence du directeur
anglais de l'Art, M. Comyns Carr, actuellement en villégiature
en Ecosse, pour annoncer que les esquisses sur l'Italie dont
The Examiner a eu la primeur et qui y ont obtenu un si franc
succès, vont être réunies en un élégant volume qu'un artiste
de beaucoup de talent, M. Randolph Caldecott, s'est chargé
d'illustrer. Ce livre, dont l'auteur chercherait vainement à garder
plus longtemps l'anonyme, est de M"10 Comyns Carr, une
Anglaise d'infiniment d'esprit et de goût, qui est née à Gènes et
connaît parfaitement l'Italie où elle a fait un très-long séjour.
M. Caldecott est le jeune artiste qui a récemment illustré avec
tant d'humour le Sketch Book de Washington Irving. De son côté
M. Comyns Carr publiera en octobre chez MM. Chatto et Windus
un nouveau volume intitulé : Contemporary Art, et illustré de
quatorze eaux-fortes d'après les œuvres d'art les plus remar-
 
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