LES ARTISTES ÉTRANGERS AU SALON DE 1877
i les écoles étrangères n'ont pas fait cette année très-bril-
lante figure au Salon de Paris, il faut sans doute encore
une fois s'en prendre à l'Exposition universelle de 1878,
excuse plus ou moins légitime des faiblesses et des lacunes
de l'exposition annuelle. Toujours est-il que si Ton a vu au
palais des Champs-Elysées un certain nombre d'artistes
étrangers, il a été assez difficile de se faire une idée de la
situation actuelle des écoles dont ils étaient les représen-
tants sans mandat.
Il y a lieu de faire exception pour l'école belge, dont
l'exposition encore bien qu'incomplète était du moins nom-
breuse, intéressante et variée.
Lettre tirée d'un traité de calligraphie, ■» T , x . \ t < c* , 1 -* r • 1
p.r.efr«e Vespasiano Amphiareo de Ferrare, xvr sMe. N°US aVOnS deJa Signale le Serment de Marie de BOW-
gogne, de M. Emile Wauters1, œuvre importante et distin-
guée, dont le peintre eût peut-être mieux fait de réserver les prémices pour l'escalier gothique
de l'hôtel de ville de Bruxelles. Mais n'allons pas reprocher à un artiste de manquer de diplo-
matie. L'art contemporain n'est déjà pas si naïf.
Il y a, parmi les artistes, deux opinions sur les grandes expositions de peinture. L'exposition,
disent les uns, c'est la mort des bonnes toiles. D'après les autres, l'exposition, malgré tous les
griefs qu'on peut invoquer contre elle, n'en a pas moins le mérite de mettre surtout en lumière
les œuvres de premier ordre, et ceux-ci formulent leur thèse en ces termes : « Pour qu'un tableau
soit bon au Salon il faut qu'il soit dix fois bon. »
La vérité est entre les deux. Il est clair que toutes les bonnes choses ne sont pas sacrifiées
aux médiocres et aux mauvaises, mais il n'est pas non plus exact de prétendre que tout ce qui est
vraiment bon le paraisse dans le fouillis d'une exposition, alors surtout qu'elle comporte, comme
le Salon de 1877, le joli chiffre de 4,616 envois, dont 2,192 peintures à l'huile.
Ce qui est vrai, et regrettable, c'est que pour être remarqué au Salon, il faut avoir eu l'in-
tention de se faire remarquer, et n'avoir négligé aucune condition d'effet, aucun moyen de frapper
l'attention. De là l'infériorité relative des œuvres délicates et sobres, la supériorité apparente des
choses violentes, sinon foncièrement fortes, et dans les grandes toiles notamment la nécessité d'une
certaine dose de brutalité pour en imposer à la foule peu disposée à dénicher le talent, et prête
à le saluer seulement quand il prend la précaution de s'annoncer.
Le tableau de M. Wauters ne s'annonce pas. Aucun des personnages ne dit au public :
« Mais regardez-moi donc ! » Marie de Bourgogne prête son serment avec sincérité, avec candeur,
sans se préoccuper de l'ébahissement des masses. Ses suivantes sont doucement émues. Les prêtres
jouent leur rôle avec l'onction solennelle de l'emploi, et les magistrats de la commune contemplent
la scène avec une gravité qui ne sent pas la pose, et non sans quelque arrière-pensée d'inquiétude
et d'appréhension. La scène est ce qu'elle doit être, simplement, et c'est beaucoup. Appelé à la
faire voir sur un étroit palier, à cinq ou six mètres de distance, l'artiste a soigné le morceau de
peinture, et renoncé aux grands partis pris décoratifs qui relèvent l'aspect de la peinture monu-
mentale, en lui donnant l'accent de l'éloquence. Il a fait un tableau de chevalet dans les propor-
tions de la peinture monumentale, entreprise épineuse mais nécessaire. S'il avait eu à sa disposi-
tion une vaste salle il n'eût pas manqué sans doute de peindre plus grand et plus large ; mais il
1 Voir l'Art, )" année, to:ne II, pages 172, 175 et 176.
i les écoles étrangères n'ont pas fait cette année très-bril-
lante figure au Salon de Paris, il faut sans doute encore
une fois s'en prendre à l'Exposition universelle de 1878,
excuse plus ou moins légitime des faiblesses et des lacunes
de l'exposition annuelle. Toujours est-il que si Ton a vu au
palais des Champs-Elysées un certain nombre d'artistes
étrangers, il a été assez difficile de se faire une idée de la
situation actuelle des écoles dont ils étaient les représen-
tants sans mandat.
Il y a lieu de faire exception pour l'école belge, dont
l'exposition encore bien qu'incomplète était du moins nom-
breuse, intéressante et variée.
Lettre tirée d'un traité de calligraphie, ■» T , x . \ t < c* , 1 -* r • 1
p.r.efr«e Vespasiano Amphiareo de Ferrare, xvr sMe. N°US aVOnS deJa Signale le Serment de Marie de BOW-
gogne, de M. Emile Wauters1, œuvre importante et distin-
guée, dont le peintre eût peut-être mieux fait de réserver les prémices pour l'escalier gothique
de l'hôtel de ville de Bruxelles. Mais n'allons pas reprocher à un artiste de manquer de diplo-
matie. L'art contemporain n'est déjà pas si naïf.
Il y a, parmi les artistes, deux opinions sur les grandes expositions de peinture. L'exposition,
disent les uns, c'est la mort des bonnes toiles. D'après les autres, l'exposition, malgré tous les
griefs qu'on peut invoquer contre elle, n'en a pas moins le mérite de mettre surtout en lumière
les œuvres de premier ordre, et ceux-ci formulent leur thèse en ces termes : « Pour qu'un tableau
soit bon au Salon il faut qu'il soit dix fois bon. »
La vérité est entre les deux. Il est clair que toutes les bonnes choses ne sont pas sacrifiées
aux médiocres et aux mauvaises, mais il n'est pas non plus exact de prétendre que tout ce qui est
vraiment bon le paraisse dans le fouillis d'une exposition, alors surtout qu'elle comporte, comme
le Salon de 1877, le joli chiffre de 4,616 envois, dont 2,192 peintures à l'huile.
Ce qui est vrai, et regrettable, c'est que pour être remarqué au Salon, il faut avoir eu l'in-
tention de se faire remarquer, et n'avoir négligé aucune condition d'effet, aucun moyen de frapper
l'attention. De là l'infériorité relative des œuvres délicates et sobres, la supériorité apparente des
choses violentes, sinon foncièrement fortes, et dans les grandes toiles notamment la nécessité d'une
certaine dose de brutalité pour en imposer à la foule peu disposée à dénicher le talent, et prête
à le saluer seulement quand il prend la précaution de s'annoncer.
Le tableau de M. Wauters ne s'annonce pas. Aucun des personnages ne dit au public :
« Mais regardez-moi donc ! » Marie de Bourgogne prête son serment avec sincérité, avec candeur,
sans se préoccuper de l'ébahissement des masses. Ses suivantes sont doucement émues. Les prêtres
jouent leur rôle avec l'onction solennelle de l'emploi, et les magistrats de la commune contemplent
la scène avec une gravité qui ne sent pas la pose, et non sans quelque arrière-pensée d'inquiétude
et d'appréhension. La scène est ce qu'elle doit être, simplement, et c'est beaucoup. Appelé à la
faire voir sur un étroit palier, à cinq ou six mètres de distance, l'artiste a soigné le morceau de
peinture, et renoncé aux grands partis pris décoratifs qui relèvent l'aspect de la peinture monu-
mentale, en lui donnant l'accent de l'éloquence. Il a fait un tableau de chevalet dans les propor-
tions de la peinture monumentale, entreprise épineuse mais nécessaire. S'il avait eu à sa disposi-
tion une vaste salle il n'eût pas manqué sans doute de peindre plus grand et plus large ; mais il
1 Voir l'Art, )" année, to:ne II, pages 172, 175 et 176.