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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 3)

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Vachon, Marius: La Conservation des monuments historiques et des objets d'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0330

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LA CONSERVATION DES MONUMENTS HISTORIQUES

ET DES OBJETS D ART

Un procès récent vient d'appeler l'attention de tous ceux
qui s'intéressent aux choses de l'art sur deux questions d'une
haute importance : la conservation des monuments et œuvres
d'art, et le droit de propriété de l'Etat, des communes, fabriques
et associations.

Les membres de la fabrique de Saint-Gervais à Paris,
avaient, il y a quelques années, vendu à un marchand d'objets
d'art bien connu des amateurs, M. Recappé, pour le prix de
8,000 fr. cinq tapisseries composées sur des cartons de Lesueur
et de Philippe de Champaigne, représentant divers épisodes de la
vie des saints Gervais et Protais, patrons de la paroisse. Chacune
de ces tapisseries qui provenaient de la célèbre fabrique de la
Trinité mesurait 42 mètres carrés, 7 mètres de hauteur sur 6 de
largeur. Elle se composait d'un sujet principal emprunté à l'un
des épisodes de la légende et qui occupait un espace de 4 mètres
de hauteur sur une largeur de 5 mètres. Tout autour de ce sujet
se déroulait une large et magnifique bordure divisée elle-même
dans sa partie inférieure en médaillons représentant les épisodes
secondaires de la légende.

Peu après cette acquisition, M. Recappé vendait ces bordu-
res seules à M. de Camondo, moyennant 10,000 fr. Le fait par-
vint à la connaissance de l'administration de .la ville de Paris,
qui protesta auprès du Conseil de fabrique de l'église, et auprès
de S. Em. le cardinal archevêque de Paris. Ces protestations
n'ayant produit aucun résultat, le préfet de la Seine, au nom de
la ville de Paris, fit pratiquer une saisie-revendication chez M. Re-
cappé et chez M. de Camondo, l'acquéreur des bordures. La
question fut portée devant la iro chambre du tribunal civil de la
Seine, lequel, après de longs débats, rendait le 29 juin un juge-
ment ordonnant la réintégration dans le trésor de l'église Saint-
Gervais, des tapisseries déclarées propriété de la ville. De plus il
condamnait, la fabrique à rembourser à M. Recappé le prix de la
vente; ce dernier, M. de Camondo et la fabrique aux dépens.

La fabrique excipait de son droit entier de disposer du mo-
bilier de l'église, dans lequel il convenait de classer ces tapisse-
ries mises hors d'usage depuis longtemps par leur état de dété-
rioration, le produit de cette vente n'ayant d'ailleurs d'autre but
que celui de pourvoir à l'entretien et à l'embellissement de
l'église.

Conformément aux conclusions de l'avocat de la ville et de
l'organe du ministère public, le tribunal a déclaré dans les con-
sidérants de son jugement qu'en vertu de la loi des 2 et 4 no-
vembre 1789, du décret des 10 et 14 brumaire an XI et du décret
du jo décembre 1809, les fabriques ne peuvent prétendre à aucun
droit de propriété sur les objets mobiliers rendus au culte par
l'Etat, et que les communes seules ont qualité pour les aliéner
conformément aux lois. « Les œuvres d'art, est-il ajouté, en
raison de leur nature et de leur destination, échappent à toute
expropriation de la part de la fabrique qui peut en user, les ré-
parer, mais ne peut en aucun cas les aliéner. »

En résumé le point de jurisprudence tranché par le tribunal
est que les œuvres d'art faisant partie du trésor des églises sont
une propriété communale et ne peuvent être aliénées par les
fabriques.

Nous devons nous féliciter de cette décision juridique. A
défaut d'une loi spéciale sur la matière il existe ainsi une juris-
prudence qui permet de réprimer un peu les agissements de la
cupidité et de l'ignorance. Mais une loi précise et sévère qui ne
laisse subsister aucun échappatoire, qui atteigne sûrement les
auteurs de tous les actes de nature à compromettre la conserva-

tion des monuments historiques de notre pays, et des œuvres d'art
publiques, une telle loi est urgente et de toute nécessité.

A chaque instant il parvient à notre connaissance des faits
presque invraisemblables en ce genre.

Un jour c'est la fabrique d'une église de Narbonne qui
vend les portes sculptées du monument, portes que l'on saisit
fort heureusement dans le vagon qui les apporte à Paris.

Le lendemain, c'est la municipalité de Boussac (Creuse)
qui veut céder à un richissime amateur la collection de tapis-
series anciennes provenant du château de cette ville, que George
Sand dans ses Récits d'un voyageur a décrite avec quelques
inexactitudes mais d'une manière détaillée. Fort heureusement
la commission des monuments historiques, prévenue à temps,
a pu déléguer un de ses membres les plus actifs, M. du Somme-
rard, qui a empêché la municipalité de donner suite à ses projets.

Et combien d'autres méfaits du même genre pourrions-nous
citer, sans compter ceux qui restent inaperçus ou ignorés! Tous
ces retables d'autels, toutes ces sculptures, ces boiseries que l'on
voit passer de temps en temps à l'hôtel Drouot n'ont pas d'autre
provenance. Quelles richesses inestimables ont ainsi disparu
de nos églises, de nos châteaux, de nos monuments publics et
sont allées enrichir les collections étrangères ! On ne saurait
croire quelles luttes incessantes et acharnées la commission des
monuments historiques, qui a rendu et rend chaque jour à l'art
des services si éclatants, a à soutenir, en l'absence de toute loi
spéciale et précise contre des municipalités, des administrations
ignorantes, cupides ou simplement tracassières.

On transforme des monuments historiques du plus haut in-
térêt au point de vue archéologique et artistique, en casernes,
comme on l'a fait il y a quelques années pour l'église Sainte-
Marie-des-Dames, à Saintes. Sous prétexte de nivellement d'édi-
lité, on les jette bas au besoin.

En 1868, la municipalité de Toulouse n'a-t-elle point fait
démolir, en dépit des protestations les plus autorisées, le magni-
lique réfectoire du couvent des Augustins ? Alors que Carcas-
sonne a religieusement réédifié ses remparts qui en font aujour-
d'hui une des villes les plus intéressantes et les plus curieuses
qui existent au monde, Carpentras a rasé les siens. Et dans quel
but, avec quels avantages ? Delà plus pittoresque cité du Comtat
Venaissin qu'elle était, elle en est devenue la plus insignifiante et
la moins fréquentée. Sa municipalité n'avait même point l'excuse
du paysan à la poule aux œufs d'or.

Le ministre des beaux-arts a beau rappeler, chaque année,
aux préfets, par des circulaires spéciales, de veiller avec le plus
grand soin à la conservation des monuments dignes d'intérêt
et des œuvres d'art publiques ; ces instructions ne peuvent viser
que les communes qui ont accepté des subsides de la commis-
sion des monuments historiques, et la seule pénalité que l'on
puisse invoquer contre elles, dans le plus grand nombre des cas,
est leur déchéance de tout droit à des subventions nouvelles.
N'est-ce point dérisoire ! En l'état actuel, les municipalités peu-
vent faire chez elles ce que bon leur semble. Ainsi, il y a quel-
que temps, le conseil municipal d'Orléans et le conseil général
du Loiret, forts de leur droit de propriété qu'aucune loi ne su-
bordonnait aux exigences artistiques et aux protestations una-
nimes du monde savant et artistique, ont fait détruire l'ancien
Hôtel-Dieu, un bijou d'architecture. On a eu beau protester,
réclamer, pétitionner, le pic des démolisseurs a accompli son
œuvre de vandalisme.

En présence de la modicité des ressources dont elle dispose
 
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