CHRONIQUE
Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'il n'y avait pas un seul expo-
sant américain au Salon de Paris ? Non pas, car nous en avions
cite plusieurs, notamment M. Bridgman, élève et disciplé de
Gérôme, médaillé pour son tableau, les Funérailles d'une momie1,
et M. Healydont le Portrait de M. Gambettaa été remarqué, mais
trop vanté, selon nous2.
Non. Cela signifiait tout simplement ceci, —et notre corres-
pondant aurait mieux compris si 371 années de séjour parmi les
bienheureux ne lui avaient fait perdre l'habitude du langage des
vivants : que l'Amérique, en dépit de ses efforts et même de ses
succès, quel que soit le nombre de ses artistes, n'a point mani-
festé au Salon sa personnalité artistique.
Rien d'étonnant à cela puisque la plupart des exposants amé-
ricains n'appartiennent au Nouveau-Monde que par la naissance.
Cette personnalité artistique du Nouveau-Monde se dégagera
un jour, nous n'en doutons pas, mais elle ne s'est pas encore
affirmée, que nous sachions, et des juges non moins compétents
que feu notre correspondant en ont fait l'aveu ici-mème, — aussi
compétents et surtout plus américains, car enfin Christophe
Colomb, Américain par sa glorieuse découverte qu'il n'a pas eu
la bonne fortune de baptiser de son nom, Espagnol de par les
maigres subsides qui luifurent allouéspour l'entreprendre, était un
Génois, un Italien.
« Il n'y a pas chez nousd'école nationale à proprement parler»,
FRANÇAISE. 33^
nous écrivait il n'y a guère plus d'un an M. Horatio N. Powers3.
« On parle toujours du progrès des Beaux-Arts en Améri-
que », ajoutait peu de temps après M. William J. Hoppin *, « mais
depuis la mort d'Allston, il y a plus de trente années, nous lui
avons vainement cherché un successeur. Il est possible de lui trou-
ver des égaux pour l'habileté technique, mais non pour la puissance
de l'imagination. D'ailleurs très-peu d'artistes se sont attaqués à
des sujets aussi élevés que lui, et ceux qui s'y sont essayés ont
presque toujours échoué. »
Ces critiques distingués sont loin de s'inspirer, on le voit,
du chauvinisme américain qui anime ou plutôt qui ranime notre
correspondant trépassé.
Après cela nous savons qu'aux États-Unis les écoles d'art
augmentent en nombre, en mérite et en influences ; nous savons
que dans le paysage et le portrait les peintres américains font de
notables progrès °, et nous sommes persuadé encore une fois
que les efforts artistiques de cette nation jeune et vivace abouti-
ront, non pas sans doute à la création d'un art nouveau, mais à
la constitution d'une école ayant sa physionomie distincte et son
individualité propre.
Le jour où ce but sera atteint, nous nous empresserons d'en
informer nos lecteurs sans attendre qu'une lettre de l'autre
monde vienne nous y inviter.
Charles Tardieu-
CHRONIQ.UE FRANÇAISE
Exposition universelle de 1878. — La commission supé-
rieure de l'Exposition s'est occupée récemment de l'importante
question des médailles qui devront être frappées pour être distri-
buées aux exposants récompensés.
Un concours sera probablement ouvert pour cet objet. Il
importe que ce soit dans un court délai, pour permettre aux ar-
tistes qui doivent concourir de mettre tout le temps nécessaire
à la composition d'une œuvre aussi importante.
Le modèle de diplôme d'honneur sera dessiné par M. Paul
Baudry et gravé par M. Henriquel-Dupont. On se souvient que
c'est Ingres qui dessina le diplôme de l'Exposition de 1855,
gravé par Calamatta, et celui de 1867.
Le conseil supérieur de l'instruction publique, dans sa
dernière séance, a décidé que l'enseignement du dessin devait
faire partie des études dans toutes les écoles normales primaires.
La Bibliothèque nationale possède, on le sait, une belle fa-
çade sur la rue Croix-des-Petits-Champs. De nombreux ouvriers
sont en ce moment occupés à la nettoyer et à en restaurer le
fronton, une belle composition représentant la Paix et la
Guerre.
Le vieux corps du bâtiment qui donne sur la rue Colbert
est en cours de démolition. On a pris les moulages de toutes les
sculptures que l'on doit rétablir dans la nouvelle construction.
La façade intérieure de la cour sur laquelle était le beau fronton
représentant Minerve encourageant les arts, après avoir donné
lieu à d'assez singuliers démêlés, a été cédée à l'administration
des Domaines.
Cette façade avait d'abord été proposée à la Ville de Paris
qui l'avait acceptée moyennant une somme d'environ 5,000 fr.,
et devait la faire déposer et reconstruire sur un autre emplace-
1. Voir l'Art, )> année, tome II, page 250.
2. Voir l'Art, y année, tome III, page 36.
3. Voir l'Art, 2' année, tome II, page 173.
4. Voir l'Art, V année, tome III, page 138.
5. Voir l'Art, 2' année, tome II, page 173.
6. Voir l'Art, 2e année, tome III, page 157.
ment. Au dernier moment les exigences de l'administration du
domaine de l'État sont venues empêcher la conclusion de l'affaire
et la Ville a été obligée de renoncer à ce projet. On a dû le re-
gretter, car bien qu'on se soit adressé à plusieurs riches ama-
teurs, on n'a pas pu trouver d'acquéreur.
Ce sont les mêmes exigences des Domaines qui ont égale-
ment amené la vente comme matériaux des belles boiseries de
l'ancienne bibliothèque, celles du cabinet des médailles et la
rampe de l'escalier en fer appartenant maintenant à Sir Richard
Wallace.
Publications artistiques. — La librairie Firmin-Didot
vient de mettre en vente la traduction française de la première
livraison d'un magnifique ouvrage, la Céramique japonaise, par
G. A. Audsley et J. L. Bowes, dont le succès déjà fort grand en
Angleterre est dès maintenant assuré en France. Le texte se di-
vise en deux parties. La première est une étude de toutes les
branches de l'art décoratif au Japon, avec des planches phototy-
piques et des bois, dont les sujets ornent des papiers de tenture,
des cuirs de luxe, des tissus, des dessins, des reliures, etc.
« Quant à l'ensemble des objets naturels, — disent les auteurs
dans leur préface, — fleurs, arbres, oiseaux, animaux, poissons,
coquillages, eaux, rochers, montagnes, qui composent le riche
matériel des peintres japonais, il sera traité en détail ainsi que
leurs différentes manières de les interpréter. Les bètes symboli-
ques et fabuleuses, les personnages et les conceptions mytholo-
giques sont également passés en revue. Après ces notions géné-
rales, qui forment une étude nourrie défaits et de pensées, vient
l'histoire spéciale de la céramique au Japon ; c'est la seconde
partie. »
L'ouvrage comprendra sept livraisons. Il est accompagné de
Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'il n'y avait pas un seul expo-
sant américain au Salon de Paris ? Non pas, car nous en avions
cite plusieurs, notamment M. Bridgman, élève et disciplé de
Gérôme, médaillé pour son tableau, les Funérailles d'une momie1,
et M. Healydont le Portrait de M. Gambettaa été remarqué, mais
trop vanté, selon nous2.
Non. Cela signifiait tout simplement ceci, —et notre corres-
pondant aurait mieux compris si 371 années de séjour parmi les
bienheureux ne lui avaient fait perdre l'habitude du langage des
vivants : que l'Amérique, en dépit de ses efforts et même de ses
succès, quel que soit le nombre de ses artistes, n'a point mani-
festé au Salon sa personnalité artistique.
Rien d'étonnant à cela puisque la plupart des exposants amé-
ricains n'appartiennent au Nouveau-Monde que par la naissance.
Cette personnalité artistique du Nouveau-Monde se dégagera
un jour, nous n'en doutons pas, mais elle ne s'est pas encore
affirmée, que nous sachions, et des juges non moins compétents
que feu notre correspondant en ont fait l'aveu ici-mème, — aussi
compétents et surtout plus américains, car enfin Christophe
Colomb, Américain par sa glorieuse découverte qu'il n'a pas eu
la bonne fortune de baptiser de son nom, Espagnol de par les
maigres subsides qui luifurent allouéspour l'entreprendre, était un
Génois, un Italien.
« Il n'y a pas chez nousd'école nationale à proprement parler»,
FRANÇAISE. 33^
nous écrivait il n'y a guère plus d'un an M. Horatio N. Powers3.
« On parle toujours du progrès des Beaux-Arts en Améri-
que », ajoutait peu de temps après M. William J. Hoppin *, « mais
depuis la mort d'Allston, il y a plus de trente années, nous lui
avons vainement cherché un successeur. Il est possible de lui trou-
ver des égaux pour l'habileté technique, mais non pour la puissance
de l'imagination. D'ailleurs très-peu d'artistes se sont attaqués à
des sujets aussi élevés que lui, et ceux qui s'y sont essayés ont
presque toujours échoué. »
Ces critiques distingués sont loin de s'inspirer, on le voit,
du chauvinisme américain qui anime ou plutôt qui ranime notre
correspondant trépassé.
Après cela nous savons qu'aux États-Unis les écoles d'art
augmentent en nombre, en mérite et en influences ; nous savons
que dans le paysage et le portrait les peintres américains font de
notables progrès °, et nous sommes persuadé encore une fois
que les efforts artistiques de cette nation jeune et vivace abouti-
ront, non pas sans doute à la création d'un art nouveau, mais à
la constitution d'une école ayant sa physionomie distincte et son
individualité propre.
Le jour où ce but sera atteint, nous nous empresserons d'en
informer nos lecteurs sans attendre qu'une lettre de l'autre
monde vienne nous y inviter.
Charles Tardieu-
CHRONIQ.UE FRANÇAISE
Exposition universelle de 1878. — La commission supé-
rieure de l'Exposition s'est occupée récemment de l'importante
question des médailles qui devront être frappées pour être distri-
buées aux exposants récompensés.
Un concours sera probablement ouvert pour cet objet. Il
importe que ce soit dans un court délai, pour permettre aux ar-
tistes qui doivent concourir de mettre tout le temps nécessaire
à la composition d'une œuvre aussi importante.
Le modèle de diplôme d'honneur sera dessiné par M. Paul
Baudry et gravé par M. Henriquel-Dupont. On se souvient que
c'est Ingres qui dessina le diplôme de l'Exposition de 1855,
gravé par Calamatta, et celui de 1867.
Le conseil supérieur de l'instruction publique, dans sa
dernière séance, a décidé que l'enseignement du dessin devait
faire partie des études dans toutes les écoles normales primaires.
La Bibliothèque nationale possède, on le sait, une belle fa-
çade sur la rue Croix-des-Petits-Champs. De nombreux ouvriers
sont en ce moment occupés à la nettoyer et à en restaurer le
fronton, une belle composition représentant la Paix et la
Guerre.
Le vieux corps du bâtiment qui donne sur la rue Colbert
est en cours de démolition. On a pris les moulages de toutes les
sculptures que l'on doit rétablir dans la nouvelle construction.
La façade intérieure de la cour sur laquelle était le beau fronton
représentant Minerve encourageant les arts, après avoir donné
lieu à d'assez singuliers démêlés, a été cédée à l'administration
des Domaines.
Cette façade avait d'abord été proposée à la Ville de Paris
qui l'avait acceptée moyennant une somme d'environ 5,000 fr.,
et devait la faire déposer et reconstruire sur un autre emplace-
1. Voir l'Art, )> année, tome II, page 250.
2. Voir l'Art, y année, tome III, page 36.
3. Voir l'Art, 2' année, tome II, page 173.
4. Voir l'Art, V année, tome III, page 138.
5. Voir l'Art, 2' année, tome II, page 173.
6. Voir l'Art, 2e année, tome III, page 157.
ment. Au dernier moment les exigences de l'administration du
domaine de l'État sont venues empêcher la conclusion de l'affaire
et la Ville a été obligée de renoncer à ce projet. On a dû le re-
gretter, car bien qu'on se soit adressé à plusieurs riches ama-
teurs, on n'a pas pu trouver d'acquéreur.
Ce sont les mêmes exigences des Domaines qui ont égale-
ment amené la vente comme matériaux des belles boiseries de
l'ancienne bibliothèque, celles du cabinet des médailles et la
rampe de l'escalier en fer appartenant maintenant à Sir Richard
Wallace.
Publications artistiques. — La librairie Firmin-Didot
vient de mettre en vente la traduction française de la première
livraison d'un magnifique ouvrage, la Céramique japonaise, par
G. A. Audsley et J. L. Bowes, dont le succès déjà fort grand en
Angleterre est dès maintenant assuré en France. Le texte se di-
vise en deux parties. La première est une étude de toutes les
branches de l'art décoratif au Japon, avec des planches phototy-
piques et des bois, dont les sujets ornent des papiers de tenture,
des cuirs de luxe, des tissus, des dessins, des reliures, etc.
« Quant à l'ensemble des objets naturels, — disent les auteurs
dans leur préface, — fleurs, arbres, oiseaux, animaux, poissons,
coquillages, eaux, rochers, montagnes, qui composent le riche
matériel des peintres japonais, il sera traité en détail ainsi que
leurs différentes manières de les interpréter. Les bètes symboli-
ques et fabuleuses, les personnages et les conceptions mytholo-
giques sont également passés en revue. Après ces notions géné-
rales, qui forment une étude nourrie défaits et de pensées, vient
l'histoire spéciale de la céramique au Japon ; c'est la seconde
partie. »
L'ouvrage comprendra sept livraisons. Il est accompagné de