DOI article:
Énault, Louis: Le musée de Sèvres, [2]
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0207
LE MUSÉE DE SÈVRES1
11
Comme la musique, comme la poésie, comme la
peinture, en un mot comme toutes les choses
humaines, la céramique subit les fluctuations du goût
et les vicissitudes de la mode. Ici, comme ailleurs, le
caprice règne souvent en maître. On a vu, par
exemple, de 1800 à 1815, regarder comme au-dessous
de la critique tout ce qui avait été fait dans la plus
belle période de Sèvres, c'est-à-dire de 1740 à 1790.
On aurait eu alors pour quelques louis, — et l'on
aurait cru faire une mauvaise affaire, — le meuble
Louis XV, aux plaques en pâte tendre, qui vient
d'atteindre en vente publique, à Londres, il y a quel-
ques mois, le prix respectable de sept cent cinquante
mille francs. A cette époque impériale, on s'était épris
des formes grecques, complètement délaissées aujour-
d'hui.
M. Brongniart a sagement évité de prendre parti
dans ces discussions d'écoles ; il n'a pas cherché une
fusion impossible : il a laissé dire, laissé faire et laissé
Cafetière carrée forme bursaire. , , , i _ ___t i__ , i
c. „ * . . .. c u . , passer, se contentant de rassembler et de grouper
fcres 1111. Lcusson grave ; vernis brun noirâtre, rabnquee sous la protection 1 ' ci v
je l'Électeur de saxe, sous îe non, Je rorceinine de Bœttger, méthodiquement les spécimens céramiques les plus
dans les dernières années du JE VU1 siècle.
(Musée de sèvres.) rares et les plus humbles des civilisations anciennes et
Fac-similé d'un dessin de H. Toussaint.
modernes.
Il a fait plus : il a également conservé et rassemblé les modèles de toutes les pièces, vases,
figures et groupes, que la manufacture a exécutées depuis sa fondation. N'était-ce point le meil-
leur moyen de faire, en quelque sorte, toucher du doigt ce que l'on pourrait appeler les Varia-
tions du goût dans les arts ?
Sèvres conserve également des échantillons des matières naturelles, terreuses, pierreuses,
métalliques, qui entrent dans la composition des poteries de toutes les classes. On a eu soin d'y
ajouter la série chronologique des essais et recherches ayant pour but d'obtenir l'amélioration et
la variété des pâtes et des couleurs, et le perfectionnement des procédés mécaniques et chimiques
en usage dans les ateliers. C'est le musée utilitaire à côté du musée artistique : ils se complètent
l'un par l'autre.
Aujourd'hui le grand desideratum de Sèvres, c'est un catalogue. Vivement désiré par les
étrangers, ce catalogue serait tout à la fois long et facile à faire : long, parce qu'il ne compren-
drait guère moins de vingt mille pièces ; facile, parce qu'il est déjà préparé par une classification
admirable.
M. Brongniart divise les produits céramiques en trois grandes classes, subdivisées elles-
mêmes en plusieurs ordres ; cette méthode rigoureuse, dont il ne se départit jamais, facilite sin-
gulièrement les recherches et les études.
1. Voir l'Art, y année, tome III, page 159.
11
Comme la musique, comme la poésie, comme la
peinture, en un mot comme toutes les choses
humaines, la céramique subit les fluctuations du goût
et les vicissitudes de la mode. Ici, comme ailleurs, le
caprice règne souvent en maître. On a vu, par
exemple, de 1800 à 1815, regarder comme au-dessous
de la critique tout ce qui avait été fait dans la plus
belle période de Sèvres, c'est-à-dire de 1740 à 1790.
On aurait eu alors pour quelques louis, — et l'on
aurait cru faire une mauvaise affaire, — le meuble
Louis XV, aux plaques en pâte tendre, qui vient
d'atteindre en vente publique, à Londres, il y a quel-
ques mois, le prix respectable de sept cent cinquante
mille francs. A cette époque impériale, on s'était épris
des formes grecques, complètement délaissées aujour-
d'hui.
M. Brongniart a sagement évité de prendre parti
dans ces discussions d'écoles ; il n'a pas cherché une
fusion impossible : il a laissé dire, laissé faire et laissé
Cafetière carrée forme bursaire. , , , i _ ___t i__ , i
c. „ * . . .. c u . , passer, se contentant de rassembler et de grouper
fcres 1111. Lcusson grave ; vernis brun noirâtre, rabnquee sous la protection 1 ' ci v
je l'Électeur de saxe, sous îe non, Je rorceinine de Bœttger, méthodiquement les spécimens céramiques les plus
dans les dernières années du JE VU1 siècle.
(Musée de sèvres.) rares et les plus humbles des civilisations anciennes et
Fac-similé d'un dessin de H. Toussaint.
modernes.
Il a fait plus : il a également conservé et rassemblé les modèles de toutes les pièces, vases,
figures et groupes, que la manufacture a exécutées depuis sa fondation. N'était-ce point le meil-
leur moyen de faire, en quelque sorte, toucher du doigt ce que l'on pourrait appeler les Varia-
tions du goût dans les arts ?
Sèvres conserve également des échantillons des matières naturelles, terreuses, pierreuses,
métalliques, qui entrent dans la composition des poteries de toutes les classes. On a eu soin d'y
ajouter la série chronologique des essais et recherches ayant pour but d'obtenir l'amélioration et
la variété des pâtes et des couleurs, et le perfectionnement des procédés mécaniques et chimiques
en usage dans les ateliers. C'est le musée utilitaire à côté du musée artistique : ils se complètent
l'un par l'autre.
Aujourd'hui le grand desideratum de Sèvres, c'est un catalogue. Vivement désiré par les
étrangers, ce catalogue serait tout à la fois long et facile à faire : long, parce qu'il ne compren-
drait guère moins de vingt mille pièces ; facile, parce qu'il est déjà préparé par une classification
admirable.
M. Brongniart divise les produits céramiques en trois grandes classes, subdivisées elles-
mêmes en plusieurs ordres ; cette méthode rigoureuse, dont il ne se départit jamais, facilite sin-
gulièrement les recherches et les études.
1. Voir l'Art, y année, tome III, page 159.