i?8 L'ART.
L'Homme à l'épée, dont le plâtre grandeur naturelle était exposé il y a quelques mois dans son
atelier, en donne une idée plus complète et plus haute. C'est de la statuaire noble et réaliste à
la fois qui garde le sentiment du style sans subir aucune influence conventionnelle. L'ensemble est
bien posé. On devine une grande fierté chez ce jeune combattant. Le sentiment exprimé par
l'artiste est lisible et s'impose avec autorité. Le geste a de la grandeur sans pose, et le carac-
tère général est élégant sans afféterie. Peut-être certaines parties, telles que le torse et les
jambes, d'une exécution très-poussée, trahissent-elles un peu trop chez l'artiste l'intention de
faire montre de sa science, mais cette ostentation anatomique se perd dans la noblesse sincère
de l'ensemble. Nous donnons un dessin de cette figure que l'on verra sans doute à l'Exposition
universelle de 1878.
Camille De Roddaz.
BLACK AND W H I T E
La cinquième exposition (Exhibition of Works of Art in
Black and White ; the fifth) installée, comme ses aînées, dans
Dudley Gallery, Piccadilly, présente le plus sérieux intérêt
et justifie complètement les espérances des fondateurs de l'asso-
ciation vraiment internationale qui montre réunies à Londres,
aux dessins des artistes anglais, les œuvres en noir et en blanc
de leurs rivaux français, allemands, hollandais, italiens, belges
et espagnols.
C'est à la France que revient indiscutablement la part du
lion, grâce à la merveilleuse planche, — Saint Sébastien, ■—que
le burin de M. Gaillard a gravée pour l'Art grâce aux trois
eaux-fortes de M. Jules Jacquemart , à un beau dessin de
M,lc Rosa Bonheur que les vrais admirateurs de son talent pré-
féreront de beaucoup à ses tableaux, aux deux sépias et aux
cinq magistrales eaux-fortes de M. A. Legros, aux fusains d'un
sentiment si intime que signe M. Lhermitte, tempérament d'ar-
tiste d'une extrême sincérité ; au Fumêur, de M. Meissonier, dont
nous avons ici la double interprétation également précieuse,
dessin et eau-forte ; à la Mare ; Forêt de Fontainebleau-, une
de ces magnifiques traductions de Théodore Rousseau pour les-
quelles M. Théophile Chauvel ne connaît point de rivaux; aux
très-remarquables dessins de MM. Léon Gérome, A. de Neu-
ville, Français, Sabatier que le catalogue écorche et transforme
en Tabatier, Jules Worms, Maxime Lalanne, Brunet-De-
baines, etc., les uns au crayon, ceux-ci à la plume, ceux-là au
fusain, d'autres prestement lavés à l'encre de Chine.
M. Brunet-Debaines expose aussi des eaux-fortes où il y a
beaucoup à louer, sous réserve cependant d'une tendance fâ-
cheuse qu'il importe de signaler. C'est fort bien de reconnaître
les qualités maîtresses de ses voisins et de chercher à se les assi-
miler, mais il faut savoir se garer de pousser l'enthousiasme jus-
qu'à confondre défauts et qualités ; à mon sens, M. Brunet-De-
baines est en train de se britanniser si fortement qu'il menace de
verser en plein dans la vignette. M. Rajon, qui habite aujour-
d'hui plus fréquemment Londres que Paris, a de son côté à se
reprocher certaines notes envahissantes qui sont malheureuse-
ment en train de transformer ce talent si distingué en lui inocu-
lant deux vices dont l'antithèse n'a rien d'enviable, de la mai-
greur, force maigreur, et la manie de pousser au noir en croyant
pousser à l'effet par grandes masses alourdies et confuses. Ces
1. Voir l'Art, 2* année, tome IV, page 526.
2. Voir l'Art, 2' année, tome II, page 57.
3. Voir l'Art, 2' année, tome IV, page 76.
4. Voir l'Art, 2e année, tome III, page 72.
1. Voir l'Art, I" année, tome III, page 1 je).
6. Voir l'Art, I" année, tome III, page 222.
imperfections, devenues déplus en plus manifestes dans les der-
nières œuvres exécutées en Angleterre par M. Rajon, semblent
enfin avoir frappé l'habile artiste, car son Portrait de M. H. D.
Pochin constitue un heureux commencement de réaction con-
tre ses regrettables égarements.
M. Le Coûteux a envoyé sa Brunehaul3 et une œuvre beau-
coup plus ambitieuse, mais moins bien venue, le plus important
Henri Regnault du musée du Luxembourg, le maréchal Prim.
Malgré le très-grand succès des tableaux de M. James
Tissot, — ils sont tout ce qu'il y a de plus à la mode, — les
délicats applaudissent de préférence à ses pointes sèches ;
celles-là n'ont pas seulement le présent, mais l'avenir aussi pour
elles.
M. Mongin a reproduit sur commande deux tableaux de
M. Vibert, aigres peintures mercantiles qui ne pouvaient inspi-
rer et n'ont pas inspiré l'intelligent aquafortiste ; il a fait beau-
coup mieux que cela!
M. Achille Gilbert a tiré de ses portefeuilles de superbes
j épreuves de ses eaux-fortes pour l'Art : le Portrait de Philippe
Rousseau, d'après Dubufe 4, les Lutteurs, d'après Falguière 5, le
Portrait de M'"" H..., d'après Henner 6.
Il ne faut oublier ni les fusains de M. Emile Dardoize et de
M. Achille Dien, ni les dessins à la plume pour l'Art de
M. Saint-Elme Gautier, de M. Bichard et de M. Ad. Guillon,
ni les eaux-fortes de M. E. L. Montefiore, ni les lithographies
wagnériennes de M. Fantin, ni un dessin de M. Edouard
Frère pour lequel je donnerais bon nombre de ses tableautins
toujours si recherchés à Londres, ni un croquis de M. Delort :
une jeune Alsacienne flirtant avec un soldat français, évidem-
ment un pays et sa payse ; c'est lavé avec infiniment d'esprit.
La Belgique, la Hollande, l'Italie et l'Espagne n'ont cha-
cune qu'un seul représentant, mais MM. Lenain, Bakkerkoff,
I Cenni et Jimenez-y-Aranda soutiennent dignement l'honneur
de leur drapeau. Les Allemands sont plus nombreux ; seule-
ment ce ne sont pas les plus fidèles au sol natal, tels que
M. Paul Meyerheim, de Berlin, qui occupent le premier rang ;
il y a cependant tout plein d'intentions spirituelles, de fines
observations dans sa série de trente-six dessins destinés à l'illus-
tration du poème imité par Gcethe du célèbre et populaire Rei-
nart de Vos, mais tout en saluant un homme de talent, on 11e
L'Homme à l'épée, dont le plâtre grandeur naturelle était exposé il y a quelques mois dans son
atelier, en donne une idée plus complète et plus haute. C'est de la statuaire noble et réaliste à
la fois qui garde le sentiment du style sans subir aucune influence conventionnelle. L'ensemble est
bien posé. On devine une grande fierté chez ce jeune combattant. Le sentiment exprimé par
l'artiste est lisible et s'impose avec autorité. Le geste a de la grandeur sans pose, et le carac-
tère général est élégant sans afféterie. Peut-être certaines parties, telles que le torse et les
jambes, d'une exécution très-poussée, trahissent-elles un peu trop chez l'artiste l'intention de
faire montre de sa science, mais cette ostentation anatomique se perd dans la noblesse sincère
de l'ensemble. Nous donnons un dessin de cette figure que l'on verra sans doute à l'Exposition
universelle de 1878.
Camille De Roddaz.
BLACK AND W H I T E
La cinquième exposition (Exhibition of Works of Art in
Black and White ; the fifth) installée, comme ses aînées, dans
Dudley Gallery, Piccadilly, présente le plus sérieux intérêt
et justifie complètement les espérances des fondateurs de l'asso-
ciation vraiment internationale qui montre réunies à Londres,
aux dessins des artistes anglais, les œuvres en noir et en blanc
de leurs rivaux français, allemands, hollandais, italiens, belges
et espagnols.
C'est à la France que revient indiscutablement la part du
lion, grâce à la merveilleuse planche, — Saint Sébastien, ■—que
le burin de M. Gaillard a gravée pour l'Art grâce aux trois
eaux-fortes de M. Jules Jacquemart , à un beau dessin de
M,lc Rosa Bonheur que les vrais admirateurs de son talent pré-
féreront de beaucoup à ses tableaux, aux deux sépias et aux
cinq magistrales eaux-fortes de M. A. Legros, aux fusains d'un
sentiment si intime que signe M. Lhermitte, tempérament d'ar-
tiste d'une extrême sincérité ; au Fumêur, de M. Meissonier, dont
nous avons ici la double interprétation également précieuse,
dessin et eau-forte ; à la Mare ; Forêt de Fontainebleau-, une
de ces magnifiques traductions de Théodore Rousseau pour les-
quelles M. Théophile Chauvel ne connaît point de rivaux; aux
très-remarquables dessins de MM. Léon Gérome, A. de Neu-
ville, Français, Sabatier que le catalogue écorche et transforme
en Tabatier, Jules Worms, Maxime Lalanne, Brunet-De-
baines, etc., les uns au crayon, ceux-ci à la plume, ceux-là au
fusain, d'autres prestement lavés à l'encre de Chine.
M. Brunet-Debaines expose aussi des eaux-fortes où il y a
beaucoup à louer, sous réserve cependant d'une tendance fâ-
cheuse qu'il importe de signaler. C'est fort bien de reconnaître
les qualités maîtresses de ses voisins et de chercher à se les assi-
miler, mais il faut savoir se garer de pousser l'enthousiasme jus-
qu'à confondre défauts et qualités ; à mon sens, M. Brunet-De-
baines est en train de se britanniser si fortement qu'il menace de
verser en plein dans la vignette. M. Rajon, qui habite aujour-
d'hui plus fréquemment Londres que Paris, a de son côté à se
reprocher certaines notes envahissantes qui sont malheureuse-
ment en train de transformer ce talent si distingué en lui inocu-
lant deux vices dont l'antithèse n'a rien d'enviable, de la mai-
greur, force maigreur, et la manie de pousser au noir en croyant
pousser à l'effet par grandes masses alourdies et confuses. Ces
1. Voir l'Art, 2* année, tome IV, page 526.
2. Voir l'Art, 2' année, tome II, page 57.
3. Voir l'Art, 2' année, tome IV, page 76.
4. Voir l'Art, 2e année, tome III, page 72.
1. Voir l'Art, I" année, tome III, page 1 je).
6. Voir l'Art, I" année, tome III, page 222.
imperfections, devenues déplus en plus manifestes dans les der-
nières œuvres exécutées en Angleterre par M. Rajon, semblent
enfin avoir frappé l'habile artiste, car son Portrait de M. H. D.
Pochin constitue un heureux commencement de réaction con-
tre ses regrettables égarements.
M. Le Coûteux a envoyé sa Brunehaul3 et une œuvre beau-
coup plus ambitieuse, mais moins bien venue, le plus important
Henri Regnault du musée du Luxembourg, le maréchal Prim.
Malgré le très-grand succès des tableaux de M. James
Tissot, — ils sont tout ce qu'il y a de plus à la mode, — les
délicats applaudissent de préférence à ses pointes sèches ;
celles-là n'ont pas seulement le présent, mais l'avenir aussi pour
elles.
M. Mongin a reproduit sur commande deux tableaux de
M. Vibert, aigres peintures mercantiles qui ne pouvaient inspi-
rer et n'ont pas inspiré l'intelligent aquafortiste ; il a fait beau-
coup mieux que cela!
M. Achille Gilbert a tiré de ses portefeuilles de superbes
j épreuves de ses eaux-fortes pour l'Art : le Portrait de Philippe
Rousseau, d'après Dubufe 4, les Lutteurs, d'après Falguière 5, le
Portrait de M'"" H..., d'après Henner 6.
Il ne faut oublier ni les fusains de M. Emile Dardoize et de
M. Achille Dien, ni les dessins à la plume pour l'Art de
M. Saint-Elme Gautier, de M. Bichard et de M. Ad. Guillon,
ni les eaux-fortes de M. E. L. Montefiore, ni les lithographies
wagnériennes de M. Fantin, ni un dessin de M. Edouard
Frère pour lequel je donnerais bon nombre de ses tableautins
toujours si recherchés à Londres, ni un croquis de M. Delort :
une jeune Alsacienne flirtant avec un soldat français, évidem-
ment un pays et sa payse ; c'est lavé avec infiniment d'esprit.
La Belgique, la Hollande, l'Italie et l'Espagne n'ont cha-
cune qu'un seul représentant, mais MM. Lenain, Bakkerkoff,
I Cenni et Jimenez-y-Aranda soutiennent dignement l'honneur
de leur drapeau. Les Allemands sont plus nombreux ; seule-
ment ce ne sont pas les plus fidèles au sol natal, tels que
M. Paul Meyerheim, de Berlin, qui occupent le premier rang ;
il y a cependant tout plein d'intentions spirituelles, de fines
observations dans sa série de trente-six dessins destinés à l'illus-
tration du poème imité par Gcethe du célèbre et populaire Rei-
nart de Vos, mais tout en saluant un homme de talent, on 11e