L'ESPRIT DES MORTS
Nous recevons la lettre suivante à laquelle notre impartia-
lité internationale nous fait un devoir d'ouvrir sans retard nos
colonnes:
« De l'autre monde, 2; septembre 1877.
« Christophe Colomb a l'honneur de pre'senter ses compli-
ments à Monsieur le rédacteur en chef de -l'Art, et prend la
liberté de lui faire savoir qu'il lui a été facile, bien qu'habitant
l'autre monde, d'extraire du livret du Salon de 1877 une liste
considérable d'exposants américains, si considérable qu'il oserait
parie1- que les artistes américains étaient en majorité parmi les
exposants étrangers.
« Voici cette liste, que Christophe Colomb ose soumettre
à la bienveillante attention du rédacteur en chef de l'Art, espé-
rant que celui-ci ne lui en voudra pas de relever un défi témé-
raire l,
« Miss May Alcott, MM. Archibald Anderson, Henri Ba-
con, William-B. Baird, J.-Carroll Beckwith, Walter Blackman,
Edwin-H. Blashfield, H.-Reynolds Bloomer, H.-Jones Bolton,
Frédéric-A. Bridgman, J.-Foxcroft Cole, Charles-Caryl Cole-
man, Alfred-Bryant Copeland, William-P.-W. Dana, M"10 Ca-
mille Deschamps, MM. James Desvareux-Larpenteur, Charles-
Édouard Dubois, Miss Élisabeth-Jane Gardner, MM. Guil-
laume-Stanley Haseltine, George-P.-A. Healy, David Johnson,
Daniel-Ridgway Knight, Henry Leland, Chester Loomis, Will-
Hicok Low, Miss Marguerite Masseras, MM. Edward-Harrison
May, Stanley Middleton, George de Montfreid, Franck Moss,
Charles-Sprague Pearce, Théodore Robinson, Edwin Russell,
John-S. Sargent, Lewis-J. Shonborn, Clément Swift, Abbot-H.
Thayer, Miss Clémentine Tompkins, MM. Charles Volkmar, et
Myron Ward.
« Si longue que soit cette liste elle est encore incomplète,
car elle ne comprend que les exposants américains du Nord, et
ne vise que la section de peinture.
« Heureux d'avoir pour la seconde fois découvert l'Amé-
rique, et d'avoir démontré qu'elle existait au Salon de Paris,
Christophe Colomb prie Monsieur le rédacteur en chef de
l'Art d'agréer l'assurance de sa considération la plus distinguée.
« FtV Christophe. »
Quel que soit notre respect pour les morts, nous ne pou-
vons laisser sans réponse la lettre de notre éminent correspon-
dant.
Nous ne songeons pas un seul instant à en contester l'au-
thenticité. C'est apparemment un nouveau phénomène de « spi-
ritisme erratique », une preuve de plus à l'appui de « la loi
ressuscitée et mise à la portée de tous par le profond et judi-
cieux Allan Kardec » *. Mais si nous ne contestons pas, il nous
sera permis de discuter.
La liste qu'on vient de lire n'est déjà pas si longue, — qua-
rante noms, pas davantage; — en revanche, elle est beaucoup
plus incomplète encore que ne se l'imagine notre défunt corres-
pondant.
En effet, si les quarante artistes qu'il veut bien nous recom-
mander sont nés en Amérique, la plupart appartiennent à la
France par l'enseignement qu'ils ont reçu et dont ils ont tiré un •
parti plus ou moins heureux.
Complétons :
M"c Alcott (Boston). . . . élève de MM. C. Muller.
MM. Anderson (New-York)..... Bonnat et Cabanel.
Bacon (Boston)......... Cabanel et E. Frère.
Baird (Chicago)......... Yvon.
Beckwith —......... Carolus Duran.
Blackman (États-Unis)..... Gérôme.
Blashfield (New-York)..... Bonnat.
Bloomer — ..... Carolus Duran.
Bridgman — ..... Gérôme.
Cole (Boston).......... Jacque.
Dana — .......... Picot et Le Poitevin.
Mmc Deschamps (New-Yorkj .... T. Robert-Fleury et
Cabanel.
MM. Desvareux-Larpenteur (Saint-
Paul) ............. Pils.
Dubois (New-York)...... Gleyre.
M"° Gardner (New-Hampshire; . . Merle, Bouguereau
et J. Lefebvre.
MM. Healy (Boston)......... Gros et Couture.
Knight (Philadelphie)..... Meissonier.
Leland (Boston)........ Bonnat.
Loomis (Syracuse, Etats-Unis). —
Low (Albany).......... Carolus Duran.
May (New-York)......- . Couture.
Moss (Philadelphie...... Bonnat.
Pearce (Boston)......... —
Robinson (Irasburg)...... Carolus Duran.
Russel (Montréal)........ —
Sargent (Philadelphie;..... —
Shonborn (Nemora)...... Bonnat.
Swift (États-Unis)....... Harpignies.
Thayer (Boston)........ Gérôme.
M"° Tompkins (Washington) . . . Bonnat.
MM. Volkmar (Baltimore)..... Harpignies.
Ward (Vermont)........ Bonnat.
Total : trente-deux exposants américains, qui se rattachent
par leurs maîtres à l'école française.
Qui de 40 ôte 32, reste s.
Quant aux huit autres, il en est quatre, MM. Bolton, Cole-
man, Haseltine et de Montfreid, dont les maîtres ne sont pas
indiqués au catalogue du Salon ; deux, dont les maîtres, peut-
être Américains, nous sont absolument inconnus, nous l'avouons
avec humilité : M"c Masseras (Boston), élève de M,,ILS Carteron-
Valleray et Colin-Libour, et M. Middleton (Brooklyn), élevé de
M. Jacquesson de la Chevreuse ; un, M. Copeland (Boston), qui
se réclame de l'Académie des beaux-arts d'Anvers, et un enfin,
un seul sur quarante, qui se place sous le patronage d'un ensei-
gnement national; M. Johnson (New-York), élève de l'Académie
de dessin de sa ville natale.
Le passage de notre second article sur les Artistes étrangers
au Salon, auquel fait allusion notre correspondant de l'autre
monde, était rédigé comme suit :
« Nous ne disons rien de l'Amérique, et pour cause. Elle
existe pourtant, elle a des musées, des écoles d'art, des artistes.
Des collaborateurs compétents nous ont dit ses aspirations, ses
effoms, ses succès. Mais Christophe Colomb lui-même ne l'eût
pas découverte au Salon de Paris. »
1. Voir l'Art, y année, tome III, page ;oS.
2. Voir l'Art, y année, tome II, page 310.
Nous recevons la lettre suivante à laquelle notre impartia-
lité internationale nous fait un devoir d'ouvrir sans retard nos
colonnes:
« De l'autre monde, 2; septembre 1877.
« Christophe Colomb a l'honneur de pre'senter ses compli-
ments à Monsieur le rédacteur en chef de -l'Art, et prend la
liberté de lui faire savoir qu'il lui a été facile, bien qu'habitant
l'autre monde, d'extraire du livret du Salon de 1877 une liste
considérable d'exposants américains, si considérable qu'il oserait
parie1- que les artistes américains étaient en majorité parmi les
exposants étrangers.
« Voici cette liste, que Christophe Colomb ose soumettre
à la bienveillante attention du rédacteur en chef de l'Art, espé-
rant que celui-ci ne lui en voudra pas de relever un défi témé-
raire l,
« Miss May Alcott, MM. Archibald Anderson, Henri Ba-
con, William-B. Baird, J.-Carroll Beckwith, Walter Blackman,
Edwin-H. Blashfield, H.-Reynolds Bloomer, H.-Jones Bolton,
Frédéric-A. Bridgman, J.-Foxcroft Cole, Charles-Caryl Cole-
man, Alfred-Bryant Copeland, William-P.-W. Dana, M"10 Ca-
mille Deschamps, MM. James Desvareux-Larpenteur, Charles-
Édouard Dubois, Miss Élisabeth-Jane Gardner, MM. Guil-
laume-Stanley Haseltine, George-P.-A. Healy, David Johnson,
Daniel-Ridgway Knight, Henry Leland, Chester Loomis, Will-
Hicok Low, Miss Marguerite Masseras, MM. Edward-Harrison
May, Stanley Middleton, George de Montfreid, Franck Moss,
Charles-Sprague Pearce, Théodore Robinson, Edwin Russell,
John-S. Sargent, Lewis-J. Shonborn, Clément Swift, Abbot-H.
Thayer, Miss Clémentine Tompkins, MM. Charles Volkmar, et
Myron Ward.
« Si longue que soit cette liste elle est encore incomplète,
car elle ne comprend que les exposants américains du Nord, et
ne vise que la section de peinture.
« Heureux d'avoir pour la seconde fois découvert l'Amé-
rique, et d'avoir démontré qu'elle existait au Salon de Paris,
Christophe Colomb prie Monsieur le rédacteur en chef de
l'Art d'agréer l'assurance de sa considération la plus distinguée.
« FtV Christophe. »
Quel que soit notre respect pour les morts, nous ne pou-
vons laisser sans réponse la lettre de notre éminent correspon-
dant.
Nous ne songeons pas un seul instant à en contester l'au-
thenticité. C'est apparemment un nouveau phénomène de « spi-
ritisme erratique », une preuve de plus à l'appui de « la loi
ressuscitée et mise à la portée de tous par le profond et judi-
cieux Allan Kardec » *. Mais si nous ne contestons pas, il nous
sera permis de discuter.
La liste qu'on vient de lire n'est déjà pas si longue, — qua-
rante noms, pas davantage; — en revanche, elle est beaucoup
plus incomplète encore que ne se l'imagine notre défunt corres-
pondant.
En effet, si les quarante artistes qu'il veut bien nous recom-
mander sont nés en Amérique, la plupart appartiennent à la
France par l'enseignement qu'ils ont reçu et dont ils ont tiré un •
parti plus ou moins heureux.
Complétons :
M"c Alcott (Boston). . . . élève de MM. C. Muller.
MM. Anderson (New-York)..... Bonnat et Cabanel.
Bacon (Boston)......... Cabanel et E. Frère.
Baird (Chicago)......... Yvon.
Beckwith —......... Carolus Duran.
Blackman (États-Unis)..... Gérôme.
Blashfield (New-York)..... Bonnat.
Bloomer — ..... Carolus Duran.
Bridgman — ..... Gérôme.
Cole (Boston).......... Jacque.
Dana — .......... Picot et Le Poitevin.
Mmc Deschamps (New-Yorkj .... T. Robert-Fleury et
Cabanel.
MM. Desvareux-Larpenteur (Saint-
Paul) ............. Pils.
Dubois (New-York)...... Gleyre.
M"° Gardner (New-Hampshire; . . Merle, Bouguereau
et J. Lefebvre.
MM. Healy (Boston)......... Gros et Couture.
Knight (Philadelphie)..... Meissonier.
Leland (Boston)........ Bonnat.
Loomis (Syracuse, Etats-Unis). —
Low (Albany).......... Carolus Duran.
May (New-York)......- . Couture.
Moss (Philadelphie...... Bonnat.
Pearce (Boston)......... —
Robinson (Irasburg)...... Carolus Duran.
Russel (Montréal)........ —
Sargent (Philadelphie;..... —
Shonborn (Nemora)...... Bonnat.
Swift (États-Unis)....... Harpignies.
Thayer (Boston)........ Gérôme.
M"° Tompkins (Washington) . . . Bonnat.
MM. Volkmar (Baltimore)..... Harpignies.
Ward (Vermont)........ Bonnat.
Total : trente-deux exposants américains, qui se rattachent
par leurs maîtres à l'école française.
Qui de 40 ôte 32, reste s.
Quant aux huit autres, il en est quatre, MM. Bolton, Cole-
man, Haseltine et de Montfreid, dont les maîtres ne sont pas
indiqués au catalogue du Salon ; deux, dont les maîtres, peut-
être Américains, nous sont absolument inconnus, nous l'avouons
avec humilité : M"c Masseras (Boston), élève de M,,ILS Carteron-
Valleray et Colin-Libour, et M. Middleton (Brooklyn), élevé de
M. Jacquesson de la Chevreuse ; un, M. Copeland (Boston), qui
se réclame de l'Académie des beaux-arts d'Anvers, et un enfin,
un seul sur quarante, qui se place sous le patronage d'un ensei-
gnement national; M. Johnson (New-York), élève de l'Académie
de dessin de sa ville natale.
Le passage de notre second article sur les Artistes étrangers
au Salon, auquel fait allusion notre correspondant de l'autre
monde, était rédigé comme suit :
« Nous ne disons rien de l'Amérique, et pour cause. Elle
existe pourtant, elle a des musées, des écoles d'art, des artistes.
Des collaborateurs compétents nous ont dit ses aspirations, ses
effoms, ses succès. Mais Christophe Colomb lui-même ne l'eût
pas découverte au Salon de Paris. »
1. Voir l'Art, y année, tome III, page ;oS.
2. Voir l'Art, y année, tome II, page 310.