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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 3)

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Bonnaffé, Edmond: Le commerce des objets d'art et les ventes publiques, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0096

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74 L'ART.

A ce compte, la genèse commerciale de la curiosité se perd dans la nuit des temps. Sans
remonter jusque-là, nous pouvons commencer notre histoire avec les Romains ; ce sont nos maîtres
et nos initiateurs en curiosité comme en toute chose.

A Rome, la conquête est le principe de toutes les collections. J'ai raconté dans le temps 1 la
façon dont les généraux de la République s'y prenaient pour former des collections nationales et
privées aux frais de la Sicile, de la Grèce et de l'Asie. A ce moyen économique de monter une
galerie, Sylla en ajouta une autre, les proscriptions ; il fut le premier, dit Cicéron 2, qui fit con-
fisquer et vendre publiquement les biens des proscrits. Le procédé ne tarda pas à se répandre et
Pompée en fit l'expérience à ses dépens3.

Comme Lucullus, César, Scaurus, Salluste, Pollion et tant d'autres, Pompée est un des grands
collectionneurs de l'antiquité. Il recherchait les tableaux, les statues et, de préférence, les singu-
larités des grands maîtres, tout ce qui pouvait faire parler de lui4. Son troisième triomphe eut un
éclat sans pareil ; vêtu de la chlamyde d'Alexandre le Grand, debout sur un char traîné par
quatre éléphants, le vaniteux triomphateur fit son entrée à Rome, escorté d'un nombre immense
de chariots portant des monceaux d'or, d'argent, de perles et de pierreries, des tapisseries de
soie et d'or, des statues en or et en argent massifs, deux mille vases en pierres précieuses de la
collection de Mithridate, tout le trésor de ce prince et celui de Pharnace. L'inventaire seul de la
vaisselle de Mithridate avait duré trente jours5. La meilleure partie de ce merveilleux butin reve-
nait à l'État ; Pompée garda le reste pour sa maison, ses jardins et son portique aux trois cents
colonnes de granit rose.

Quatorze ans plus tard, le vaincu de Pharsale était proscrit et ses biens « les biens du grand
Pompée, dit Cicéron6, étaient mis à l'encan par la voix déchirante du crieur! » Je ne sais s'il
faut prendre à la lettre ces attendrissements oratoires et si « pour cette fois Rome tout entière,
malgré son esclavage, se permit de gémir7 ». A coup sûr Antoine fit exception; profitant de
l'absence des enchérisseurs, il se fit adjuger à vil prix tous les biens de Pompée ; on dit même
qu'il trouva moyen de ne rien payer8.

Tous les amateurs n'avaient pas la ressource de collectionner à si bon compte. Les ventes
romaines sont déjà très-suivies et les enchères vivement disputées : Chrysogon, affranchi de
Verrès, achète un réchaud d'argent, authepsa, « à un prix tel que les passants, entendant la
voix du crieur, croyaient qu'il s'agissait d'un fonds de terre9 ». « Qui de vous, dit encore
Cicéron10, ignore à quel prix s'élèvent les objets de ce genre? N'avez-vous pas vu, dans une
enchère, vendre une statue de bronze assez petite 120,000 sesterces? (environ 24,000 francs) Si je
voulais nommer certaines personnes qui payent ce même prix et plus cher encore, je ne serais pas
embarrassé. Dans ces objets la valeur se mesure à la passion de les posséder, et il est difficile de
fixer une limite au prix quand la passion n'en a pas. »

Verrès, ce terrible collectionneur", qui mit la Sicile en coupe réglée par amour de l'art,
Verrès dédaignait les ventes ; il avait d'autres moyens à sa disposition. Dès qu'il fut nommé pré-
teur, son premier soin fut de réquisitionner tous les fonctionnaires, la magistrature, l'armée, les
prêtres, les citoyens notables, pour organiser administrativement le vol à la curiosité. En outre,
deux agents, un modeleur et un peintre, étaient chargés de battre le pays ; Cicéron les compare
à « deux limiers flairant partout, toujours sur la piste ; menaces, promesses, esclaves, enfants,

amis, ennemis, tout moyen leur est bon pour arriver à dénicher quelque chose....., ils furettent

partout ; s'ils découvrent quelque pièce de valeur, ils la rapportent pleins de joie. Quand la chasse

1. Collectionneurs de l'ancienne Rome. Paris, Aubry, 1867.

2. De off., H, «•

}. Suétone, parlant d'Auguste, dit : Existimabatur quosdam, propter vasa Corinthia, inter proscriptos curasse rcferendos.

4. Ampère, Hist. r'om., III, 611.

5. Aip., Bell. Mitlu, 116.
(>. Phil., II, 26.

7. Id., ibid.

8. Plut., Ant.

9. Cic, Pro Rose. Amer., 46.

10. In Verr.y IV.

11. Voir la description de son cabinet, Collectionneurs de l'ancienne Rome, p. 9.
 
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